Florimon-Louis de Kerloar

Noir & Blanc

Épisode III - Farang


Droits d'auteur ©
Tous nos textes, Fidèle, sont déposés à la Société des gens de lettres, Paris. Sois gentil, tu t’en inspires dans la vie si tu veux mais sur papier ou à l’écran, cherche ta muse ailleurs. Bonne lecture !


Prologue

La folie… C’est sur ce terme que nous achevâmes notre journal précédent. Qu’elle soit douce et éphémère ou profondément dangereuse, nous la louons depuis toujours. Le 13 janvier 2003, nous entrâmes en partant ainsi à l’aventure dans la liste des plus grands malades de ce monde, ceux pour qui la vie n’est plus ni un don ni une malédiction mais un jeu dont les règles n’ont jamais été écrites. Nous avions été étudiant en histoire en Provence, assistant administratif dans une agence de voyage en Floride, glandeur professionnel, prostitué, militaire dans un régiment médical en Lorraine. Que pouvions-nous bien craindre alors ?! Nous étions déjà blasé, nous ne croyions plus en l’Homme. Les seuls doutes qui sévissaient encore nous concernaient et nous trouvâmes, par ce voyage, la force de vouloir nous chercher, nous comprendre. Il ne nous apporta pas hélas toutes les réponses que nous avions espérées mais il fut est à ce jour, alors que nous sommes de retour en Europe, l’une des plus formidables expériences que nous ayons jamais vécues !


13 janvier 2003

Aéroport de Bahreïn, 22h10.

Nous passâmes donc une nuit de merde sur les bancs de Roissy-Charles-de-Gaulle. À l’embarquement, vers 11 heures, nous eûmes notre premier problème – et pas des moindres ! En effet, la charmante hôtesse de la Gulf Air nous dit qu’il fallait obligatoirement un visa et un billet retour pour entrer sur le territoire thaï. Après discussion et deux coups de téléphone, elle enregistra finalement notre sac et nous donna nos billets en nous souhaitant bonne chance. Nous ne savions pas alors si nous allions pouvoir quitter l’aéroport de Bangkok, d’autant que nous n’avions pas suffisamment d’argent pour revenir en France une fois là-bas.

Nous-même . Louis, vous vouliez de l’aventure, des incertitudes ; vous voilà servi !

Le vol fut plutôt tranquille. Dans l’avion, nous nous réveillâmes vers 18h45 pour apercevoir par la fenêtre une magnifique flèche jaune au sol – nous survolions, semblait-il, Ha’il en Irak. Trois minutes plus tard, un archipel de lumières illuminait la terre ; était-ce Neutral Zone ? Nous mîmes ensuite The Tuxedo sur le petit écran. Dans l’avion toujours, nous fîmes la connaissance de Catherine, une parisienne d’environ quarante ans qui partait à Madras, en Inde. Nous étions assis à côté d’elle et ce ne fut véritablement qu’à la fin du vol et durant notre attente à Bahreïn que nous apprîmes à la mieux connaître. À Bahreïn, notre impression fut la suivante : premièrement, nous ne vîmes que l’aéroport et ne pouvons donc pas en beaucoup dire ; ensuite, nous eûmes le sentiment de voir un mariage entre le monde arabe et l’Occident. Comment décrire cela dans un monde où la différence est poussée à l’extrême pour inciter à la haine et promouvoir une autre guerre du pétrole ? Nous sommes convaincu que tous les peuples de la Terre peuvent vivre ensemble ; il suffit d’accepter la culture de chacun d’entre eux. Nous rêvons cependant, car il semblerait que la connerie soit inscrite dans le code génétique de l’Homme. Quoi qu’il en soit, Bahreïn semble être un modèle arabe adapté à la vie occidentale – ou l’inverse peut-être… Nous trouvâmes ce mélange assez intéressant. Les gens semblaient heureux et c’était là le plus important ! Nous ne pûmes acheter de clichés en carte postale ; il n’y avait que des dessins et portraits qui ne nous plaisaient pas. C’est dommage et nous ne gardâmes en souvenir qu’un billet de la monnaie locale, le Dinar. Nous laissâmes Catherine à 21h50 pour notre embarquement. Elle nous accompagna jusques à la porte pour s’assurer que nous n’avions pas de problème avec notre manque de visa pour la Thaïlande et nous souhaita bonne chance. Là, notre avion est prêt à décoller.


14 janvier 2003

Bangkok (Thaïlande), 20h54.

Nous arrivâmes dans la capitale à 9 heures et n’eûmes finalement aucun problème avec l’immigration thaïe qui nous fournit un visa touristique jusques au 12 février. Nous n’attendîmes nos bagages qu’une quinzaine de minutes, ce qui fut assez court contrairement à notre dernière expérience parisienne. Nous recueillîmes quelques informations au point info et changeâmes la totalité de notre argent en baht, la monnaie locale, avant de nous rendre à la station de bus, juste devant la sortie de l’aéroport. Au passage, nous fûmes abordé par deux ou trois chauffeurs de taxi prêts à tout pour obtenir un client – l’un d’entre eux eut tout de même la gentillesse de nous indiquer où se trouvait la station de bus. Là, nous signalâmes au vendeur que nous voulions un billet pour Sala Daeng, un arrêt proche de l’ambassade de France. Nous fîmes également notre seconde rencontre de ce périple : une charmante Anglaise blonde avec laquelle nous discutâmes un peu. Hélas pour nous prenait-elle la ligne A2 et nous la A1 ; merde ! Nous partîmes en espérant à ce moment-là avoir la chance de la rencontrer de nouveau dans cette grande ville, voire dans ce grand pays car elle avait, elle aussi, l’air de barouder. Pour sept bahts, nous pûmes nous rendre en environ quinze minutes à Sala Daeng, contrairement à ce qui est écrit dans le Guide du Routard – mais qui en tient vraiment compte ? Nous ratâmes évidemment notre arrêt et descendîmes au suivant pour finir notre chemin à pattes. Heureusement y avait-il le Lumphini park pour nous rappeler l’endroit, sinon sans doute aurions-nous continué jusques au terminus… Le consulat avait changé de place et ne se trouvait plus là que le service des visas. Nous leur expliquâmes notre cas et ils nous donnèrent l’adresse du service consulaire qui pouvait nous renseigner davantage : 35 soï Rong Phasi - soï 36, Charoen Krung road, Bangrak Bangkok 10500. Ils nous filèrent également un plan de la ville et l’adresse en thaï pour que nous puissions demander à un taxi de nous y conduire – ce que nous n’avions pas l’intention de faire de toute manière. L’Alliance Française se trouvant la porte à côté, nous y passâmes pour acheter Le Gavroche, un mensuel français sur la vie en Thaïlande avec les bons plans. Nous nous dîmes qu’il nous serait sans le moindre doute indispensable pour la suite de notre aventure. Les Thaïlandaises que nous rencontrâmes devant l’Alliance eurent la gentillesse de nous aider à enfiler notre sac sur le dos – il faut dire que nous en avions besoin, il faisait bien vingt-sept degrés et notre sac pesait vingt kilos. Nous avions un pull sur le dos aussi, en bon touriste paumé de base que nous semblions être. Nous dûmes ensuite nous rendre à l’ambassade, service consulaire. Nous commençâmes à pattes en longeant toute la thanon Sathorn mais en sueur et sans vraiment de repère visuel précis, nous préférâmes prendre une mototaxi. Le Guide du Routard, toujours lui, indique qu’ils sont affreusement dangereux et conduisent comme des malades. Et bien, cela est vrai, Fidèle (à essayer donc au moins une fois) ! Quinze bahts de trajet pour à nouveau ne pas trouver d’aide directe. La réceptionniste nous imprima tout de même une liste d’ONG présentes dans la région de Bangkok et susceptibles de nous intégrer. En sortant de l’ambassade, nous n’avions pas perdu le moral mais commencions un peu d’appréhender pour notre proche futur. Nous nous assîmes sur notre sac dans la petite rue à côté pour parcourir ce feuillet. Au hasard, le doigt tombant sur Médecins Sans Frontières, nous étudiâmes le chemin le plus simple pour nous y rendre. Ce n’était pas tout proche de l’ambassade française ; l’organisation se situait dans le quartier de Sukhumvit. Heureusement, les moyens de transport ne manquent-ils pas à Bangkok et un tuk-tuk, une espèce de moto à trois roues et une banquette à l’arrière pour les passagers, s’arrêta devant nous. Son chauffeur nous assura connaître le chemin et nous acceptâmes donc qu’il nous y conduisît. Les membres de MSF nous accueillirent avec la plus grande gentillesse, alors qu’ils étaient en pleine réunion sur leur terrasse. Nous eûmes tout d’abord peur de les déranger et nous en excusâmes mais ils furent très conciliants et nous servirent même de l’eau fraîche ; quelle chance ! Hélas pour nous cependant, ils nous expliquèrent que les recrutements ne se font qu’en métropole car cela est plus facile d’un point de vue administratif. La bonne volonté enfin, nous avouèrent-ils, ne suffit plus pour faire de l’humanitaire. Ils écoutèrent toutefois notre histoire avec attention une bonne demi-heure et nous conseillèrent d’orienter nos recherches vers les organisations catholiques, moins structurées. Nous reçûmes une nouvelle liste d’adresses et les remerciâmes avant de poursuivre notre chemin dans l’espoir de trouver quelque chose avant la nuit, autrement aurions-nous dû opter pour un hôtel pas cher sur Khao San road, de l’autre côté de la ville. Nous résolûmes de tenter notre chance avant et de nous rendre au COEER, un organisme catholique encore choisi au hasard qui s’occupe de réfugiés. Dans la rue de MSF, à gauche en sortant du bâtiment et à environ cinq-cents mètres, se trouve un arrêt de bus. Nous fîmes une petite halte pour nous acheter un Pepsi près d’une agence Nouvelles Frontières, y posâmes notre sac et nous assîmes dessus pour le boire, lorsqu’une jeune femme sortit de la boutique d’à-côté pour s’acheter une glace. Nous voulions savoir si elle savait où se trouvait la soï Katsuwan, la rue du CPEER. Nous souhaitions seulement cette information sans particulièrement vouloir engager la conversation mais elle ne l’entendit pas ainsi, répondit qu’elle ne savait pas et voulut entendre notre récit. Elle parlait un peu anglais et connaissait quelques mots en français car son ex était un compatriote à nous. Nous la lui racontâmes à elle aussi, ce qui sembla beaucoup l’intéresser, au point de nous proposer de dormir chez elle quelque temps, moyennant une somme tout à fait modeste (mille-cinq-cents bahts), en attendant de trouver autre chose. Nous acceptâmes mais il nous fallait absolument d’abord essayer le CPEER ; une intuition ! Elle en parla à sa patronne dans la boutique et nous accompagna, puisqu’elle le voulait tant. Elle nous appela également un taxi et en l’attendant, nous essayâmes de faire plus ample connaissance avec elle. Elle s’appelait Nah et nous donna son numéro de téléphone en échange de notre courriel. Vingt minutes et soixante-quinze bahts plus tard, nous arrivâmes au CPEER, dont les locaux sont installés dans une sorte de cité pas très chic. Le père Pibun nous reçut et nous signala qu’il ne pouvait rien directement pour nous. En revanche, il souhaitait nous recommander aux Missions Étrangères de Paris (MEP) et un grand homme au nom oublié nous y conduisit avec sa voiture. Il nous fallut quinze minutes de plus pour nous y rendre. Pendant ce temps, nous expliquâmes plus précisément notre cas au chauffeur, qui nous proposa généreusement de venir le voir si nous ne trouvions pas bonheur aux MEP. Arrivé à la mission, le père Yves Le Bézu nous accueillit, écouta notre histoire et nous posa plusieurs questions sur nos motivations, nos intentions, etc. Le grand monsieur décida de reconduire pendant ce temps Nah chez elle, et elle nous laissa à nouveau son numéro de téléphone en nous faisant promettre de la rappeler plus tard. Le père Le Bézu nous demanda d’attendre son collègue dans une petite pièce prévue à cet effet. Alors que le Soleil était déjà bas, signe de notre proche défaite, le père Auguste Tenaud entra. Nous discutâmes un peu et il nous proposa de l’accompagner dans l’Issan, la province nord-est, afin d’apporter notre aide à la Suthasinee Noiin Foundation, un centre qui s’occupe entre autres d’enfants sidéens. Il nous dit qu’il nous prenait à l’essai, histoire de voir si nous convenions et si le travail nous convenait à nous – une autre période probatoire en quelque sorte. Nous acceptâmes de suite cette proposition tout droit tombée des Cieux. Le père Auguste nous dit que nous pouvions passer la nuit à la mission car nous devions partir le lendemain à 5 heures. Nous devions cependant nous débrouiller pour manger le soir et il nous indiqua un marché dans la rue au dehors. Avant d’y aller, nous prîmes une douche bien méritée et, vers 17 heures, nous sortîmes dans la rue faire un tour, même si nous n’avions pas vraiment faim. Là, un conducteur de tuk-tuk d’environ quatorze ans souhaita absolument nous conduire à un market. Devant notre refus persistant (nous voulions simplement marcher quelques dizaines de minutes), il sortit une brochure avec des jeunes filles et garçons nus et nous demanda si nous voulions nous y rendre. Pour ne le pas vexer, nous lui expliquâmes, avec un sourire complice, que nous n’étions pas en Thaïlande pour cela. Dans la rue, nous pûmes observer à quel point les Thaïs sont passés maîtres dans l’art de la contrefaçon : Quiksilver, Oxbow, Eastpack… Autant de fausses marques qui ont l’apparence de vraies mais de moins bonne facture. Nous rentrâmes ensuite à la mission pour nous y coucher et rattraper l’horaire ; il était 19h30.


15 janvier 2003

Bangkok (Thaïlande), 3h15.

Nous ne dormîmes pas vraiment cette nuit. Nous pensons que cela est dû à l’étouffante chaleur de Bangkok plus qu’au décalage horaire qui n’a aucun véritable effet sur notre organisme. En ce moment, nous écrivons notre carnet et préparons notre sac pour partir avec le père Auguste et l’un de ses collègues à Yasothon, dans l’Issan. Une sœur catholique thaïe doit également être du voyage : Noella Nonlak.

Ubon Ratchatani (Issan, Thaïlande), 11h48.

Le chemin fut long, très long. Pour la première fois de notre vie, nous vîmes le rouge Soleil de l’Orient, celui qui ne semblait plus fasciner les pères avec lesquels nous nous arrêtâmes à 8h30 au bord de la route pour déjeuner à nouveau un plat très épicé – nous continuâmes à manger du piment pendant au moins vingt minutes après avoir fini ! Nous reprîmes la route pour arriver il y a quelques minutes à Ubon Ratchatani, dite Ubon. La sœur s’arrêta en route dans son couvent. Nous rejoignîmes ensuite une autre mission des MEP où le père Léon passe sa retraite (si nous comprîmes bien), deux autres pères assumant le bon fonctionnement des offices ; c’est là que nous déjeunerons dans un instant. Avant de repartir pour Yasothon, nous aiderons le père Auguste à déposer des livres et documents chez l’évêque.

Yasothon (Issan, Thaïlande), 18h12.

À notre arrivée à la fondation, nous pûmes faire la connaissance de toute notre nouvelle famille : les vingt-deux enfants, les volontaires, la directrice pi Tiou et Claire Borelli, une volontaire Bambou envoyée par Enfants du Mékong (EDM), qui finance le fonctionnement interne du centre. Une chambre nous fut attribuée et la sœur, récupérée auparavant, nous offrit gentiment comme cadeau de bienvenue du thé, une tasse et du sucre. Nous eûmes à peine le temps de nous installer dans notre chambre, de déballer nos effets, que Claire nous proposa d’aller faire un tour dans le centre-ville pour manger un khao pat (plat traditionnel thaï à base de riz sauté) et faire un peu connaissance. Nous en profitâmes pour consulter notre courriel dans le cybercafé à-côté de la gare routière. De retour à Homehak (le nom commun donné à la fondation), deux enfants vinrent spontanément nous voir dans notre chambre, un garçon et une fille. Ils commencèrent de nous parler et, voyant que nous ne comprenions rien, rirent joyeusement. Nous nous assîmes sur notre lit et leur montrâmes des photographies et cartes postales de la France, ce qu’ils semblèrent apprécier. Soupany, la petite fille, sortit ensuite de la chambre et ne revint que trois minutes plus tard avec deux morceaux de papier. Devant nous, elle les fit disparaître et nous fit ensuite comprendre qu’il fallait que nous essayions d’en faire autant. Naturellement ne le pûmes-nous pas, ce qui l’amusa beaucoup. Ils partirent tous deux et, d’un signe de la main, nous dirent : « Bye bye ! » Tel fut donc notre premier contact avec les enfants ; nous ne sommes pas prêt de l’oublier, c’est une certitude ! Avant de nous enfermer dans notre chambre pour nous préparer au sommeil, Claire nous donna l’adresse postale de la fondation. Nous pensons déjà à ce que nous allons pouvoir faire plus tard ; c’est plus fort que nous. Constituer un Cercle à Bangkok nous tente assez, il nous faut y réfléchir, mais laissons cela ! Après tout, nous ne sommes en Thaïlande que depuis deux jours…


16 janvier 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 13h30.

Nous n’eûmes pas le temps ce matin d’écrire notre carnet et c’est pourquoi il est si tard – nous nous levâmes pourtant à 6h30. Nous commençâmes par aider nom Pai et nom Paak à petit-déjeuner*. Aujourd’hui est un jour férié. Nous pûmes donc ensuite jouer avec tous les enfants au parc que les Compagnons de France vinrent construire l’an dernier. Il est certes déjà bien abîmé mais au moins cela signifie-t-il que les enfants aiment y jouer. En fin de matinée, pi Yung*, un volontaire du centre, et nous-même, rangeâmes une sorte de hangar plein de planches, tôles et autres morceaux de bois. Après ce laborieux travail, nous réparâmes la pancarte de la fondation qui en avait bien besoin avec une vieille chaîne de mobylette rouillée. Vers 13 heures, nous allâmes déjeuner à la cuisine – les enfants avaient déjà presque tous fini. En ce moment, nous avons l’impression que tout le monde dort ; devons-nous en faire autant ? Nous pensons plutôt entamer le livre que nous empruntâmes hier aux pères d’Ubon : Quand la Chine s’éveillera… d’Alain Peyrefitte, un vieux bouquin qui n’a plus raison d’être puisque la Chine s’est bel et bien réveillée, va nous en mettre plein le cul dans pas longtemps et c’est tant mieux ! Il nous faut également écrire à notre mère ; maintenant pouvons-nous lui avouer que nous sommes en Thaïlande puisque tout va bien. Comment aurions-nous pu annoncer que nous partions dans un pays que nous ne connaissions pas, sans argent, avec un aller simple, ne parlant pas thaï et sans point de chute, sans lui causer d’énormes soucis ? À cœur fragile, précautions extrêmes, elle qui s’inquiétait déjà quand nous allions nous promener à la Sainte-Victoire…

20h17.

L’après-midi fut plutôt tranquille. La sœur Nonlak., Claire et nous-même allâmes vers 15 heures rendre visite à Nang, une jeune fille de 21 ans qui a le sida et d’autres problèmes d’ordre psychologique. Par respect pour sa personne, il est inutile que nous en disions plus si ce n’est que le père Auguste pense qu’elle ne va pas vivre bien longtemps… L’hôpital de Yaso est impressionnant, comparé à ceux dont nous avions l’habitude avant de venir en Thaïlande. Les malades sont installés dans les couloirs lorsque la place manque – ce qui est souvent le cas – et les familles n’hésitent pas à coucher sous le lit de leur proche pour rester à ses côtés. Nous fîmes un tour par la galerie marchande avant de rentrer et la sœur nous offrit de la lessive et un étendoir pour notre linge, ainsi que de l’ananas coupé en succulentes tranches ; trop bon ! De retour au centre, nous jouâmes avec les enfants à un jeu qui ne requière pas de réelle communication mais une mémoire entraînée, ce qui n’est hélas pas notre cas : le jeu des paires. Nom Kao proposa ensuite un foot. Nous n’aimons pas vraiment ce sport mais il prend une toute autre signification qu’en Europe avec des enfants thaïs qui jouent seulement pour s’amuser, qu’ils perdent ou qu’ils gagnent. Nous nous amusions tant que nous oubliâmes complètement que nous devions dîner avec le père Auguste dans un couvent à l’occasion du Nouvel An qu’ensemble ils n’avaient pu fêter avant, faute de temps libre. Nous avions rendez-vous à 18 heures et ne nous en souvînmes sur le terrain qu’un quart d’heure avant ; Claire n’avait pas eu le cœur d’interrompre ce premier jeu entre les enfants et nous-même. Nous nous préparâmes donc en vitesse et la rejoignîmes dans le pick-up – le véhicule principal après la moto en Thaïlande. Nous arrivâmes au couvent quelques minutes en retard et nous en excusâmes auprès du père Auguste. Notre premier véritable repas à la thaïe ne fut qu’enchantement ! Nous mangeâmes sur des tapis de paille ou d’osier un sukiaki, plat japonais qui consiste à faire cuire les légumes dans l’eau bouillie et la viande ou le poisson sur une plaque de fer en forme de cône au-dessus, le tout étant chauffé sur une jarre en terre cuite pleine de braises incandescentes. Les mets furent encore une fois assez épicés mais nous nous régalâmes, à tel point que la sœur Nonlak nous proposait sans cesse d’en reprendre un peu plus. Nous trouvons cette femme déjà remarquable au passage ! Le repas s’acheva par des fruits et un excellent gâteau. Nous arrivâmes ici à point nommé car le père Auguste, les sœurs et leurs ami-e-s ne se réunissent pour un tel repas que deux fois par an. Bien qu’il ne possédât pas les fastes d’un dîner chic à l’européenne, il en fut mille fois plus appréciable ! Avant de rentrer, nous passâmes avec Claire par le cybercafé où nous répondîmes à un gars voulant des renseignements sur notre ancien Cercle : « Désolé, Florimon s’est retiré du marché en ce moment ! »


17 janvier 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 19h34.

Nous nous levâmes à 5h30 afin d’accompagner Claire à Yaso, dans un marché typiquement thaï qui débute très tôt et s’achève vers 9h30. L’ambiance ne manquait vraiment pas : les gens étaient charmants et toujours aussi souriants, malgré l’heure et le froid relatif. Dans l’Issan, région paysanne de la Thaïlande, les gens se lèvent horriblement tôt pour aller au marché la tête dans le cul, habillés comme des sacs. Au moins ne nous sentons-nous pas dépaysé car tel est souvent notre état matinal. Les passages entre les étales grouillaient de gens, de charrettes à vélo ou de motos ; tout ce petit monde évoluait sans se gêner. De temps à autres, nous rencontrions des bonzes qui venaient recueillir des offrandes. Les Thaïs pensent ainsi gagner des mérites pour leur prochaine réincarnation (Karma). Se promener dans un tel marché est une expérience où tous les sens explosent tellement il y a de choses à découvrir. Claire nous conseilla de goûter à une spécialité thaïe : du khao gnao (riz gluant) frit avec de la noix de coco et du jaune d’œuf ; un délice ! Fon, une jeune fille de 17 ans qui vit au centre, nous offrit enfin quatre beignets que nous dégustâmes jusques au dernier ; trop bons également ! À notre retour, les enfants n’étaient pas encore réveillés et nous pûmes en profiter pour mettre à jour ce présent carnet. Ils se levèrent à 7h15. Pendant qu’ils mangeaient, nous aidâmes Claire à préparer le traitement de nom Nout, une petite fille qui prend la trithérapie. Pour un début, elle nous proposa de partager la responsabilité des soins, ce que nous acceptâmes de bon cœur. Il nous faudra certes avant prendre connaissance des soins à administrer et des médicaments mais nous pensons pouvoir nous en sortir. Nous accompagnâmes par la suite les enfants à l’école dans le pick-up. Il fallut faire deux voyages ; un pour anuban (la maternelle) et un autre pour po (le primaire). Quelques enfants restent cependant au centre car ils sont trop malades ou pas assez grands. C’est le cas entre autres de nom Pao et nom Jay qui n’y sont jamais allés. Jusques à environ midi, nous suivîmes Claire et le père Auguste dans leurs déplacements (banque, couvent, photocopies, etc.). Le reste de l’après-midi, alors que Claire et la sœur allaient visiter Nang à l’hôpital, nous restâmes au centre jouer avec les enfants, dans la limite de nos compétences et de notre trop pauvre vocabulaire. Nous leur fîmes également réviser leurs chiffres de 1 à 10, en thaï et en anglais. Ce n’était pas au point sauf pour nom Pao que nous sentons très malin. Il s’écorcha le genoux droit cet après midi et nous dûmes le soigner avec de la bétadine, seul moyen dont nous disposons pour faire sécher au mieux la plaie. En ce moment, tout le monde regarde un film de Walt Disney sur le lecteur de DVD. Cela nous laisse le temps d’écrire. Nous n’allons pas tarder à aller nous coucher car la journée fut longue.


18 janvier 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 13h25.

Les enfants n’ont pas école en Thaïlande les samedi et dimanche. Claire voulut donc préparer un gâteau et ainsi les occuper un moment. Avant cela, nous passâmes la matinée avec elle. Nous devions accueillir à la gare routière une autre Bambou de passage mais elle n’était pas là, alors allâmes-nous prendre un café. Nanaphan, le grand magasin de Yaso, fut également l’objet d’un arrêt car il nous fallait des ingrédients pour le gâteau. Nous finîmes par un petit tour au cybercafé où Claire put mettre à jour sa correspondance et apprendre que Ségolène, la Bambou en question, n’arrivera que demain. Vers 11 heures, nous visitâmes Nang à l’hôpital général et lui apportâmes ses mets préférés (khao pat, gâteaux à la banane) ainsi qu’un manga. Elle semblait heureuse de nous voir et se portait bien, malgré la ponction lombaire qu’elle avait subie la veille. De retour à la fondation, nous aidâmes Claire à donner les soins à nom Ninda et nom Pao. Les enfants nous réquisitionnèrent ensuite pour faire un foot.

18h34.

Après déjeuner, nous fîmes ces trois gâteaux. La cuisine était sans dessus dessous mais nous nous amusâmes comme un petit fou et de plus, ils étaient très bons ; n’est-ce pas le principal ? Nous passâmes l’après-midi à jouer avec les enfants (foot, cache-cache, lance-pierres). Vers 17 heures, cinq femmes vinrent apporter des présents aux enfants (couches, couvertures et autres) et à l’encadrement des noix de coco préparées à la thaïe : pleines de gélatine de riz, coupées en fine lamelles, un truc à te faire t’installer en Thaïlande, Fidèle ! Des clichés furent pris et pendant qu’elles parlaient avec Claire, pi Tiou et les autres, nous jouâmes une fois de plus au foot avec les enfants. Nous nous apprêtons d’ailleurs à prendre une douche bien méritée.

21h12.

Les enfants regardèrent MIIB toute la soirée, aussi Claire nous proposa-t-elle d’aller boire un verre, histoire de décompresser. Elle nous emmena dans un endroit qu’elle trouvait branché et nous l’invitâmes. Nous parlâmes néo-colonialisme, Étasuniens, terrorisme ou encore religions. Alors que nous finissions, deux Mormons entrèrent prendre chacun une glace. Comme Claire ne voulait pas les voir, nous partîmes. Dans la voiture, nous pûmes lui raconter notre courte expérience mormone à Aix-en-Provence ; elle en fut surprise. Toujours est-il que ce sont les choses que l’on n’approche jamais dont on a le plus de préjugés et nous pensons être parvenu à les faire tomber. Nous lui expliquâmes simplement qu’elle ne risquait absolument rien de leur part. Ils sont certes parfois collants mais ce sont des jeunes qui ont les mêmes aspirations et envies que les autres Chrétiens : rien de pire et hélas rien de mieux non plus. Demain, nous irons au marché à 5h30.


19 janvier 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande).

Oups ! Finalement, pas de marché. Nous dormîmes comme un loir et Claire ne put sans doute nous réveiller. Nous nous levâmes donc à 7h45. Aujourd’hui était jour de messe et nous avions promis au père Auguste que nous serions présent. Nous y allâmes avec Claire, pi Pong, nom Kao, nom Jay, nom Pao et nom Naw. Les enfants étaient à l’arrière du pick-up et nous les surveillions afin d’éviter que l’un d’entre eux ne passât par-dessus, occupation idéale pour nous réveiller ! Nous assistâmes donc à une messe en thaï pour la première fois de notre vie. Notons qu’en Thaïlande, seulement 1% de la population, nous dit-on, est catholique. Nous ne savons pas si cela est vrai mais il n’y avait qu’une vingtaine de fidèles dans l’église. La messe dura trois quarts d’heure est se déroula au fil de lectures, homélie et chants en thaï. À 10h40, nous étions de retour à Homehak. Ce fut vraiment intéressant malgré un manque évident de compréhension. Nous passâmes en fin de matinée au cybercafé puis, pour midi, dînâmes avec Claire à l’hôpital où nous récupérâmes Nang et un traitement conséquent à lui donner. À notre retour, Ségolène, que nous attendions la veille, était à la fondation. Elle nous raconta s’être endormie dans le bus de Bangkok – chic, nous n’étions plus le seul ! – et avoir par conséquent raté son arrêt à Yaso. Elle dut revenir de plus loin par ses propres moyens. Claire organisa des jeux (épervier, tomate, marelle, etc.) et nous passâmes l’après-midi avec les enfants. Vers 17 heures, nous nous mîmes à travailler la grammaire essentielle thaïe afin de pouvoir à l’avenir communiquer avec eux. Nous écrivîmes également à la chambre 9 et à Cyril, comme promis. La soirée fut tranquille : nous prîmes un thé avec les filles, lûmes ensuite quelques pages et sombrons là tranquillement.


20 janvier 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande).

Cette nuit, un chien nous réveilla à 4 heures. Quelqu’un l’avait, sans doute par mégarde, enfermé dans le bâtiment. Nous allâmes le délivrer de sa prison et il nous en fut très reconnaissant – d’autant que nous ne savions pas exactement depuis combien de temps il était là. Nous nous levâmes trois heures plus tard et n’allâmes pas prendre notre petit-déjeuner car nous devions passer la journée à parcourir les villages alentours à la recherche des filleuls EDM avec le père Auguste, pi Yung, Claire et Ségolène. Nous partîmes à 9h30 et revînmes vers 17h30, après un peu plus de deux-cent-trente kilomètres sur des pistes de terre rouge en mauvais état : un véritable safari avec le père au cœur fragile. Nous mangeâmes vers 13 heures à ban Kutchum (ban signifie village), un khao pat et une omelette, tous deux très épicés, naturellement. Le père Auguste en profita pour nous conseiller, si nous rentrions en France, d’essayer le Sriracha pour les féculents et le reste. À notre humble avis, si nous rentrons, nous serons sans doute dégoûté de tout piment à jamais… Nous prîmes le pick-up pour rentrer au centre et servîmes de coussin à Ségolène qui était, semblait-il, crevée à force de voyager dans toute la Thaïlande (et parfois plus loin). Son job consiste à visiter les programmes financés par EDM et à en ramener des reportages ; c’est passionnant mais prenant, nécessairement ! Une fois au centre, nous eûmes à peine le temps d’entrer dans notre chambre que les enfants nous demandèrent de faire un foot avec eux. Nous dûmes également en fin d’après-midi conduire trois d’entre eux à la clinique car ils ne se sentaient pas bien et il nous fallut donner son traitement à nom Nout pendant que Claire se préparait. Tout se passa plutôt bien ; nous en sommes assez fier ! Ensuite, nom Pao et nom Nout montèrent dans le pick-up, derrière avec nous, en direction de la clinique. Nom Pao vint spontanément dans nos bras. Il ne se sentait pas bien, le pauvre, en plus de sa maladie. Il s’endormit pendant le trajet. Nous sommes surpris par le courage de cet enfant : il est vraiment malade – il a des plaies sur tout le corps – mais ne dit rien lorsque nous le soignons. Avant d’aller voir le médecin, il attendit sagement sur un banc dans le bâtiment des filles que nous terminions avec nom Nout, sans dire un mot. Il ne se plaint jamais, sauf quand ça ne va pas du tout, auquel cas il nous signale simplement qu’il a mal. Vivre ici nous apprend ce que sont le courage et l’innocence ! Nous déposâmes Ségolène au cybercafé avant de continuer. Nous devions y aller avec elle mais ne voulions pas réveiller nom Pao qui dormait dans nos bras. Nous la rejoignîmes donc à pattes de chez le médecin. Catherine (de Bahreïn) nous écrivait un message qui nous fit vraiment plaisir. Sur le chemin du retour, nous nous arrêtâmes avec Ségolène et Claire au 7-11 pour acheter des petites gâteries bien sucrées. Au centre vers 21 heures, il nous fallut donner ses sirops à nom Kluaï, une petite fille capricieuse que nous supportons seulement parce qu’il le faut ; nous ne pouvons pas apprécier tout le monde non plus, hein ! Il est 21h20, la journée s’achèvera sur un bon gros yaourt à la fraise. Après avoir nettoyé les conneries de nom Kluaï, nous prendrons une bonne douche et irons au lit.


21 janvier 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 13h25.

Nous nous levâmes à 6h30. Claire et Ségolène nous avaient rapporté un petit-déjeuner du marché que nous ne pûmes manger de suite car nous devions préparer le traitement de Nang. Le père Auguste passa à la fondation car il allait à Ubon et, par la même occasion, accompagnait Ségolène qui y devait prendre un bus pour le Cambodge afin de poursuivre son reportage. À son arrivée, nous prîmes conscience en voyant sa voiture – une épave qui avait du mérite – que pi Tiou était de retour. Pendant que Claire emmenait les petits à l’école et allait faire quelques courses en ville, nous fîmes un peu de bricolage en réparant la natte où mangent les enfants. À son retour, nous allâmes à l’hôpital avec les enfants restants afin qu’ils pussent profiter du vaccin contre la polio que le Yasothon General Hospital offre gratuitement une fois par mois. En fin de compte, seulement quatre d’entre eux en profitèrent car nous nous bâtîmes quasiment avec les infirmières et pi Tiou pour leur faire accepter que l’administration du vaccin par voix orale pouvait être dangereuse chez les sidéens, déjà grandement atteints au point de vue immunitaire. Quant à la prise du traitement, elle se fit dans le hall… Cet hôpital ne nous dit vraiment rien de bon ! Tout le monde eut également droit à un gâteau et du jus de fruits. Au centre, nous essayâmes de rétablir la connexion à l’Internet sans succès. Nous avons déjà déjeuné et Claire, crevée, vient de partir se reposer dans sa chambre.

15h40.

Nous venons d’aller chercher les enfants à l’école. Claire partit à l’instant en ville acheter d’autres cadeaux pour les filleuls dans les villages, car les stocks sont épuisés. Nous nous apprêtons de notre côté à faire un foot avec les enfants – nous qui n’aimons pas ce sport, nous sommes servi ici !

19 heures.

Les enfants jouent et le maintenant traditionnel convoi de fourmis qui passe d’une fenêtre de notre chambre à l’autre rentre chez lui.

19h50.

Nous venons de donner à nom Pao le traitement que le médecin lui ordonna hier soir, ainsi qu’à Nang. Deux personnes sont actuellement au centre car ils ont besoin de médicaments contre la diarrhée. Ils ne peuvent pas aller à l’hôpital car l’un d’eux a le SIDA et ne veut pas que cela se sache. Il aurait en effet de fortes chances (ou malchances) d’être exclu de la société mais aussi de sa propre famille. C’est ainsi en Thaïlande et le gouvernement actuel ne fait rien pour modifier le comportement de son peuple vis-à-vis de cette maladie. D’où l’intérêt que les farang viennent dans ces pays pour, au delà de toute idée de néo-colonialisme, montrer par des gestes simples – ne serait-ce que le toucher – qu’il n’y a aucun risque à vivre avec et à s’occuper de sidéens. Nous pensons que cela ferait évoluer cette société si riche dans le bon sens ! En Thaïlande, on estime à 17% le nombre de séropositifs mais on peut compter 20% car le gouvernement (encore lui) atténue de beaucoup la gravité de la situation. Nous soignâmes également les petits bobos de nom Ninda, nom Pao et nom Jay pendant que Claire amenait nom Pluak et nom Nout chez le médecin, n’y ayant pas été la veille. Nom Kao vint aussi nous voir pour une écharde dans l’index droit. Quelle galère, et pour la lui enlever et pour nous faire comprendre ! Finalement, pi Duan (une volontaire) et son aiguille à coudre vinrent à notre aide, à nous et notre pince à épiler… Nous emmenâmes ensuite nom Kao dans notre chambre pour qu’il se lave les mains au savon. Sache, Fidèle, que ce geste banal pour nous n’est pas encore dans les consciences en Thaïlande, en tous les cas pas à la fondation. C’est une tâche colossale d’instaurer un minimum d’hygiène ici. Mais avons-nous seulement le droit d’instaurer quoi que ce soit ? Après cela, nous mangeâmes avec les autres volontaires. Claire n’est toujours pas rentrée mais elle nous dit en partant qu’elle s’achèterait quelque chose en ville pour le dîner.

21h25.

Tout se passa bien chez le médecin et nom Pluak a deux nouveaux médicaments à prendre, en plus d’une pommade pour son oreille gauche. Enfin… Tout se passe bien sauf pour Claire qui est HS ! Elle doit en plus se lever à 5 heures demain pour aller chercher un ami de pi Tiou. Le départ de la comptable hier n’allégea en rien son emploi du temps non plus. Par ailleurs, les enfants furent particulièrement turbulents ce soir… Bref, elle est un peu sur les nerfs et cela est bien normal. Telle est la vie d’une volontaire Bambou EDM en Thaïlande ! Nous aimerions écrire ici quelques mots sur les enfants de Homehak car en plus d’être vraiment débrouillards, fait dû à leur situation, ils sont également d’un courage et d’une patience exemplaires. Nom Nout, par exemple, la petite fille qui fait partie du programme de trithérapie financé par MSF, nous donna ce soir une leçon extraordinaire. Nous lui administrions son traitement – neuf seringues de sirops tout de même ! – et au bout de la septième, elle commença de sévèrement tousser. Elle se leva de nos genoux et alla aux toilettes pour cracher ce qu’elle avait de mauvais dans les poumons. Nous allâmes voir et patiemment, elle attendit que la crise cessât, nettoya ensuite la cuvette et reprit sa respiration. Nous lui demandâmes si ça allait, elle nous fit signe que oui et retourna, hardie, s’asseoir avec nous pour achever de prendre son traitement. Très sincèrement, viens voir ce qui se passe ici, Fidèle, viens observer ces enfants et passer du temps avec eux. Seulement alors comprendras-tu que ne pas avoir CanalSat ou la dernière invention à la mode n’est pas une chose importante si nous comparons ta détresse de citoyen consommateur occidental pourri gâté à celle, réelle, de millions d’enfants dans le monde. Un point important à noter : eux ne se plaignent jamais… !


22 janvier 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 7 heures.

Nous avons la tête dans le cul ce matin mais devons aller préparer le traitement des enfants.

8h50.

C’est un peu la galère de le donner à tout le monde. Il faudrait en fait un infirmier qui s’occupe spécifiquement de cela en respectant des horaires bien précis. Si en plus il pouvait être mignon, ce serait idéal ! Claire est de plus en plus fatiguée, elle dort dans sa chambre et nous dûmes donc nous débrouiller tout seul. Elle ira se reposer sur Bangkok vendredi et ne rentrera que dimanche soir. Nous aimerions bien rétablir la connexion à l’Internet d’ici là. Nous voyons à quel point nous en sommes dépendant mais quelle importance ? Tout notre réseau s’y trouve et nous ne voyons aucune raison de nous en passer. Aujourd’hui, il semblerait qu’il y ait une réunion à la fondation.

10 heures.

Les gens ne cessent d’arriver mais c’est une journée tranquille. Notre linge est en train de tremper et nous irons le frotter après le déjeuner. En attendant, allons faire un tour sur le chemin pour voir si nous pouvons trouver des bambous.

17h42.

Nous en trouvâmes un seul ; triste exploit en Thaïlande… Nous voulions en faire des petites boites pour y mettre les médicaments du jour mais pi Tiou nous fit remarquer à juste titre que le bois développe des champignons. Notre petit projet tombant donc à l’eau, Claire nous réquisitionna pour classer les feuilles des filleuls. Nous commencions lorsque pi Dara vint nous chercher pour déjeuner. Nous débutâmes dans la cuisine, comme d’habitude, et achevâmes dans le grand hall avec les invités de pi Tiou. Après déjeuner, nous fîmes notre lessive. Nous frottâmes, frottâmes et frottâmes encore. Les deux volontaires qui étaient présentes en riaient. Il faut dire que la scène devait être comique : un farang qui fait sa lessive dans une demi-roue de semi-remorque, assis par terre et à moitié trempé, voilà qui est peu courant dans l’Issan ! Nous passâmes le reste de l’après-midi sur l’ordinateur et nous nous reposons là devant un thé.

21h30.

À 19 heures, nous nous préparâmes pour visiter le père Auguste avec Claire. Nous devions lui rapporter sa moto mais un pneu était à plat. Il fallut donc la monter dans le pick-up – pas facile ! – pour la porter au workshop installé de l’autre côté de la route après le chemin. Alors que Claire conduisait, nous nous tenions assis sur la moto à l’arrière pour la maintenir droite. Mine de rien, c’était hyper dangereux et nous faillîmes bien mourir une ou deux fois. Le pneu réparé, Claire nous expliqua rapidement son fonctionnement, nous fîmes un tour pour la prendre en main et la suivîmes jusque chez le père. Ce fut donc notre première expérience sur une moto (devant) en Thaïlande, sans casque, sans permis et sur la voie rapide. Quelque chose nous dit que ce ne sera pas la dernière… Le père n’était pas chez lui alors la garâmes-nous sous le porche et Claire déposa-t-elle la clef dans sa chaussure droite. Ensuite, nous allâmes chercher les photos puis dîner au restaurant, et passâmes enfin au cybercafé consulter notre courriel, la connexion n’étant toujours pas rétablie à la fondation. Sur le chemin du retour, nous parlâmes à Claire du fait que nous ne disions jamais à notre mère ce que nous allions faire mais uniquement ce que nous avions fait. Elle ne comprit visiblement pas cette philosophie qu’elle attribua spécifiquement aux mecs ; pourquoi pas, c’est peut-être bien le cas en effet !

23h50.

Après avoir achevé notre travail du jour sur les filleuls, nous en profitâmes pour copier quelques clichés et les placer dans un répertoire portant notre nom. Il nous faudra trouver un moyen de récupérer nos fichiers avant de partir. Il est tard : allons nous coucher !


23 janvier 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 7 heures.

Claire vient de nous annoncer à l’instant que nous allons à Surin, la ville des éléphants, dans une demi-heure.

18h30.

La journée fut véritablement excellente ! Nous partîmes avec le père Auguste, pi Tiou et Claire dans le but d’aider financièrement une femme de trente ans qui doit recevoir un rein de son époux. Le Natural Art Center de Surin l’aide également en vendant toutes sortes d’objets, de vêtements naturels et autres livres dessinés par les enfants qu’il accueille. Nous achetâmes au passage un petit livre de feuilles blanches et nous demanderons aux enfants de Homehak de le remplir avec leurs dessins. Nous attendîmes devant un thé l’époux de la femme en question puis allâmes lui rendre visite à l’hôpital général de Surin. Nous n’avions personnellement rien à faire dans sa chambre – nous ne pensions qu’à de la curiosité malsaine – et attendîmes donc dehors le retour des autres. Nous retournâmes ensuite au Natural Art Center pour y déposer l’époux. Les civilités accomplies, nous reprîmes la route en direction de l’habitation d’un ami du père Auguste, un Français nommé Denis, marié à une Cambodgienne, vivant tout près de Surin. Il est un ancien légionnaire victime d’une grave blessure de guerre à la jambe droite. Les gens du coin le considèrent comme un original adepte du jeûne qui cultive du riz biologique et utilise un buffle plutôt qu’un tracteur. Pour nous, il fut la rencontre enrichissante d’un original qui croit en ce qu’il fait et qui aime vivre ainsi. Il nous invita d’ailleurs quelques jours prochains si nous le souhaitions. Il proposa également de nous aider au centre si nous en avions besoin. Le père étant pressé, comme toujours, nous ne restâmes qu’une petite demi-heure. Notre prochain arrêt fut la sous-préfecture de Sikolaphum. De chez Denis, nous dûmes rebrousser chemin pour y arriver, mais pas exactement le même, puisqu’à la sortie de celui que nous avions emprunté pour rejoindre la grand-route, les ouvriers qui la refaisaient avaient eu la bonne idée de déposer un talus de terre et de pierres, nous empêchant ainsi de continuer. Le père essaya dans un premier temps de rouler à côté. Tout se passait bien jusques à ce que la petite voie en terre se rétrécît, l’obligeant à monter sur le talus. La lourde voiture commença alors de sérieusement pencher de notre côté. C’était excitant, nous risquions à tous moments de nous renverser dans la grande flaque de boue, de plus en plus proche ; nous étions le seul à partager cet enthousiasme désinvolte, cela dit ! Le père recula donc et décida de passer par dessus. Nous supposâmes que le talus était trop raide, que la voiture risquait de rester bloquée dessus et hélas avions-nous raison ; le pick-up stoppa net ! Nous essayâmes de le pousser mais abandonnâmes rapidement ce projet en ne constatant aucun résultat probant. Heureusement que les Thaïs sont d’une naturelle générosité et qu’ils sont souvent très disponibles pour les autres, car la famille qui tenait la boutique, à quelques pas derrière, nous vint en aide. Nous déblayâmes autant que faire se put dessous la voiture avec une de leurs pelles tandis que l’un d’entre eux fixait une barre de fer sur l’avant du pick-up afin de le tirer à l’aide d’un camion. La première tentative fut la bonne et le père put récupérer son véhicule entier. Nos généreux sauveurs remerciés, pi Tiou nous invita dans un restaurant sympathique. Nous nous arrêtâmes ensuite à Warin (cité jumelle d’Ubon), dans un magasin pour y faire faire le devis du forage et du traitement des eaux de Homehak. À Ubon, nous passâmes au centre commercial avant de rejoindre les MEP pour nous rafraîchir et prendre le courrier du père. Nous arrivâmes il a quelques minutes, tout était tranquille.

22h40.

Nous prîmes une douche après avoir joué au foot avec nom Naw, adorable, et soigné les petits bobos de tout le monde avec Claire. Nous nous endormons devant notre carnet ; la journée fut longue et riche en événements.


24 janvier 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 7h15.

Nous rêvâmes cette nuit que nous avions un demi-frère ; il venait nous dire que notre vrai père était mort. Peut-être devons-nous nous attendre à vivre cela dans les temps à venir… Peut-être est-ce simplement le résultat de la conversation que nous eûmes hier avec le père Auguste et Claire dans la voiture, sur le chemin du retour à propos de notre père. Peut-être est-ce enfin cette pensée fine et insidieuse de dualité perdue qui revient à la charge ; nous ne savons que penser…

11h25.

Aujourd’hui, pour la première fois depuis que nous sommes ici, le temps est couvert. Nous passâmes la matinée sur l’ordinateur à nous occuper de choses administratives. Nous commençons de prendre nos marques à Homehak ; il nous semble que nous pourrions trouver notre place à l’infirmerie et évidemment sur l’ordinateur. Claire nous quitta vers 10 heures en moto avec pi Dara pour aller chercher la voiture de pi Tiou.

17h40.

Nous nous apprêtons à partir à la clinique pour nom Pao, nom Jay et nom Pluak. Cet après-midi, nous fîmes une promenade dans le bois près de la fondation avec pi Esso (un autre volontaire thaï) et les enfants qui n’étaient pas à l’école. Nous parlâmes également avec Claire de l’infirmerie ; le problème est qu’il n’y en a tout simplement pas ici ! Nous devons administrer les soins dans un couloir et ranger les médicaments dans une petite commode ouverte à tous. Par ailleurs, le minimum d’hygiène indispensable n’existe pas non plus. Développer une infirmerie digne de ce nom à Homehak est un projet qui nous tient beaucoup à cœur. Nous dessinons donc deux plans, tout comme Claire, pour comparer ensuite et avoir matière à discussion devant le père Auguste et pi Tiou. Le premier doit représenter ce que nous pouvons faire avec nos moyens, le second ce que nous voudrions faire si nous en avions les moyens.

21h33.

Nous ne mangeâmes pas ce soir. Le sumtham (plat hyper épicé) ne nous tentait guère ; nous n’avions pas vraiment faim en fait, toujours cette pensée fine et insidieuse… Nous n’allâmes pas non plus chez le médecin en fin de compte car pi Dara voulait accompagner Claire. Après avoir donné son traitement à chacun des enfants concernés, nous accompagnâmes cette dernière en ville pour consulter notre courriel. Au retour, elle nous annonça qu’il fallait compter pas moins de cinq-mille bahts pour renouveler un visa via le Laos (voyage compris), et environ trois-mille bahts via la Malaisie ! De quoi nous démoraliser un peu quand même, n’ayant pas tout cet argent. Allons nous coucher ! À défaut de billets de cinq-cents euros, la nuit porte au moins conseil, dit-on…


25 janvier 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 5h10.

Le réveil est dur mais nous devons aller au marché avec Claire. Nous partons pour le week-end et il nous faut un sac plus petit pour y emporter seulement ce dont nous aurons besoin. Nous espérons en trouver un pas cher, ainsi qu’un chapeau de paille, histoire de compléter le cliché.

8h26.

C’est la folie ! Les enfants sont tous impatients de partir ; ils ne sortent pas beaucoup du Centre. Au moins cela les aura-t-il motivés pour prendre leurs médicaments sans rechigner… Trente sont comptés et nous partons avec deux pick-up ; un vrai bordel ! À cela, il faut ajouter les bagages, naturellement. Nous te laissons imaginer, Fidèle, l’état de notre arrangement : tout simplement génial ! Notre dernier repas remonte à hier midi. Nous ne réussîmes pas à manger hier soir non plus. De plus, nous appréhendons pour la suite des événements financiers. Nous n’aimons pas dépendre de quoi que ce soit, surtout pas de l’argent. Au Centre, nos dépenses sont réduites au minimum, fort heureusement, et pi Tiou nous offre sans cesse des petites gâteries sucrées – elle est tellement gentille ! Elle nous proposa même de recevoir un salaire du Centre si nous nous engagions pour au moins six mois, mais bon… Les engagements et nous… Enfin… Tu vois, n’est-ce pas ?

15 heures.

Nous partîmes à 9 heures. Nous nous assîmes devant avec nom Paak sur les genoux. Quinze minutes après, nous nous arrêtâmes acheter des brochettes de poulet pour pi Yin, pi Dara et les enfants qui étaient dans notre pick-up, à l’arrière. Quelques minutes de routes plus tard, elles décidèrent de s’arrêter de nouveau prendre des noix de coco préparées à la thaïe. Nous avions déjà le ventre plein. Juste après Ubon (deux heures de route), le grand marché nous exposa ses délices. Il nous fallait des fruits et des légumes. Nous aidâmes pi Yin à porter ses sacs de provisions et nous rendîmes compte que tout le monde nous regardait d’un air amusé. Les farang, comme ce matin au marché, ne courent pas les chemins de l’Issan très souvent. C’est dans le ban de pi Yin que nous passerons le week-end. Sa famille est charmante et reçut tout le monde avec une extrême bonté. Nous dînâmes donc là-bas, sur des nattes disposées au sol. Il était prévu ensuite que nous visitions le village de pi Hit (entre autres), situé quelques ban plus loin. Sur la route, comme nous étions installé dans la caisse (et le vent), derrière avec quelques enfants, nous pûmes entendre des « Farang ! Farang ! » : aucune raillerie là-dedans, Fidèle, de la surprise joyeuse uniquement ! Nous arrivâmes au ban vers 14h30. Encore une fois, les habitants nous accueillirent avec la plus sincère générosité. Nous mangeâmes encore un peu puis visitâmes le village et la maison de pi Noum (une autre volontaire). Les enfants sont découverts et s’arrosent en ce moment, ce qui ne leur arrive pas souvent à ce que nous crûmes comprendre. À part cela, le ciel se grise mais il fait très chaud.

17 heures.

Nous sommes encore en train de manger, chez pi Duan cette fois-ci. Gâteaux, Fanta, Sprite et Coca-Cola sont au menu. Nom Kao vint même se plaindre que son ventre allait éclater. Claire lui conseilla de ne plus rien manger et de boire de l’eau ; il est fort probable que beaucoup sautent le repas de ce soir. Ces gens ne vivent pas dans l’opulence et pourtant avons-nous ici tout ce qui est nécessaire à un bon goûter – rappelons que nous sommes loin d’être seul ! Encore un exemple de l’accueil désormais légendaire des Thaïs de l’Issan. Occidental, prends donc exemple ! Ils n’ont que peu de choses mais nous offrent volontiers ce qu’ils ont avec le sourire.

21 heures.

Nous sommes de retour chez pi Yin depuis trois heures. Avant de rentrer, la mère de pi Noum nous invita à manger chez elle : nous n’en pouvions plus ! Les enfants prirent leur douche et se couchèrent vers 20 heures ; les filles à l’étage et les garçons au rez-de-chaussée. Pour prendre la douche, il y a une jarre pleine d’eau fraîche et un bol, c’est simple et pas plus mal finalement. À la fondation, nous avons une douche dans notre salle d’eau et les enfants, quant à eux, ont le même système. Les volontaires mangèrent encore un peu à la cuisine. En sortant de la douche, nous voyant dépité par tant d’appétit, ils en rirent ! Là, nous sommes allongé sur un transat “spécial farang de passage” mais nous allons nous coucher par terre, sur les couvertures avec les autres, il n’y a pas de raison et, laisse-nous te le confier, nous serons cent fois mieux qu’ici !


26 janvier 2003

Le même village que la veille (Issan, Thaïlande), 9h35.

Nous passâmes en effet une excellente nuit malgré la rudesse du sol. Les enfants se réveillèrent vers 6 heures et se levèrent à 7 heures. Ils allèrent manger seuls alors que nous comations encore dans notre couverture. Une heure après, nous finîmes par nous lever pour préparer, avec Claire, les traitements de Nang, nom Pao, nom Nout, nom Pluak, nom Ann, nom Ninda, nom Jay et nom Djane. Ceci fait, nous grignotâmes du pain au raisin puis pi Tiou nous apporta une sorte de maïs sans beaucoup de goût et des racines bizarres. Pendant ce temps, les enfants chargeaient les pick-up et s’installaient ; nous étions prêt à partir également. C’était sans compter la mère de pi Yin qui nous avait préparé un dernier repas… Nous l’aurions vexée si nous avions refusé. Nous nous installâmes donc pour petit-déjeuner, une troisième fois, en une heure et demie. En ce moment, nous nous apprêtons à partir pour de mystérieuses cascades dont nous ne savons encore rien.

17h17.

Nous embarquâmes dans un des deux pick-up vers 9h45 et préférâmes cette fois-ci la caisse derrière ; la veille, nous avions suffoqué à l’intérieur. Le trajet dura environ trente-cinq minutes au cours desquelles nous pûmes apprécier des sourires à notre attention dans chaque village où nous passions. Pi Esso et pi Nouï qui étaient avec nous derrière profitèrent de ce temps libre, et surtout seuls, pour manger des fruits. Ils sont déconcertants quand même, nous ne savons pas comment ils font et où ils mettent tout cela surtout. Si nous étions thaï, nous pèserions sans doute une tonne, pas moins… Non ! En fait, si nous étions thaï, notre estomac nous réclamerait comme le leur sans cesse à manger et nous resterions malgré tout fin, élancé et imberbe… Ah ! ne nous égarons pas. Les deux véhicules s’engagèrent enfin sur un chemin au bout duquel nous pûmes lire : Phu Jong Nayoï National Park. L’entrée semblait payante, nous ne vîmes pas bien ce que faisait pi Tiou devant. Quoi qu’il en soit, elle était gardée. Environ dix minutes de chemin plus tard, nous arrivâmes aux cascades. Enfin… Seulement en saison des pluies car là, seul un ruisseau coulait le long des pierres. Les enfants n’ont pas souvent l’occasion de voir autant d’eau, et nous le notâmes dès que les pick-up coupèrent leur moteur ; dans les trois minutes qui suivirent, la majeure partie d’entre eux était déjà dans l’eau ! L’après-midi se passa au son des cris de joie et de l’écoulement paisible du petit ruisseau. Nous fîmes des batailles d’eau, des excursions dans la forêt, nous mangeâmes bien évidemment et fûmes pris en photo aussi. Pour cette occasion, un ami de pi Tiou, photographe, vînt nous rejoindre. Nous n’allons pas tarder à prendre le chemin du retour car il va être long.

Yasothon (Issan, Thaïlande), 22h08.

Il le fut en effet : cinq heures de route pour joindre Homehak, sans arrêt, excepté une fois pour faire de l’essence. Pi Tiou voulut également faire une escale au Si Sca Asoke Bouddhist Temple car elle voulait que nous rencontrions le moine qui tient cette école fondée dans le respect de la nature. Il n’était hélas pas présent mais elle nous promit de nous conduire tantôt dans un temple similaire sur Ubon. À part cela, personne n’eut vraiment envie de s’arrêter en chemin, la seule pensée étant le lit que tout le monde put gagner après un dernier dîner et l’administration des soins aux enfants. Nous sommes épuisé et avons du mal à écrire ces lignes ; allons nous coucher !


27 janvier 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande).

Cette journée n’eut rien de particulièrement intéressant. Ce matin, le père Auguste nous annonça qu’une jeune Française allait participer à la mission, un peu comme nous mais dans un but plus médical afin, comprit-il, d’écrire son mémoire ; elle arrivera demain. Claire et pi Tiou allèrent quant à elles, cet après-midi, visiter les filleuls dans les villages. La sœur, enfin, nous proposa de travailler dans une école deux ou trois jours par semaine avec des enfants de sept à quinze ans ; nous y réfléchissons. Ce serait une excellente occasion d’acquérir une nouvelle expérience et, jeudi au plus tard, nous lui donnerons notre réponse.


28 janvier 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 6h45.

Nous dormîmes tellement bien cette nuit que nous nous levâmes de bonne heure. Claire et la sœur se rendent à Surin aujourd’hui, chez MSF qui, dans le cadre de leur programme toujours, leur fournira des médicaments.

9h16.

Alexandra Savidan, la nouvelle volontaire, arriva vers 7 heures. Avec son aide précieuse, nous réussîmes à remettre l’Internet ; ô joie ! Comme Claire amena avec elle nom Jay, nom Pao, nom Pluak et nom Nout, nous allons avoir le temps de lui faire visiter la fondation et la mettre dans l’ambiance. Pi Tiou part à l’instant dans les villages. Nous avons donc la journée pour nous.

20h43.

Nous parlâmes un peu avec Alexandra pendant la journée. Elle est ici pour six mois et nous pensons qu’elle pourrait nous remplacer à l’infirmerie si nous acceptons la proposition de la sœur. Nous parlions d’une nouvelle expérience enrichissante hier mais nous n’avons pas envie d’abandonner la fondation – au contraire y voulons-nous nous investir un peu, ce qui n’est guère dans notre habitude… La raison de ce changement se nomme Soupany, une petite fille pour qui nous éprouvons beaucoup d’affection. Nous avons le sentiment de déjà la connaître, c’est très étrange – la prescience qui nous caractérise nous surprendra toujours ! Et puis il y a cette Onde encore ; nous avons l’impression d’être manipulé par notre destin. Nous passâmes l’après-midi sur l’ordinateur. Nous pûmes enfin consulter notre courriel, répondre à nos correspondants, écouter la radio, etc. Nang, qui nous montre de plus en plus des yeux amoureux, nous emmena également voir le chantier du futur bâtiment offert par le gouvernement : une monumentale construction de soixante mètres de long. Elle serait l’idée d’un donateur mégalomane qui voudrait créer une clinique pour soins palliatifs dont la fondation aurait la charge, alors que les deux bâtiments actuels ont déjà du mal à tourner… Claire revint en fin d’après-midi avec deux excellentes nouvelles : nom Jay, nom Pao et nom Pluak vont eux aussi avoir droit à la trithérapie et nom Nout voit son traitement s’alléger un peu.


29 janvier 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 23h12.

Notre journée fut chargée. Nous nous levâmes à 6h30 pour réveiller les enfants et les aider à se préparer pour l’école. C’est pi Dara qui s’en occupe généralement mais elle est en plein dans les comptes en ce moment et Claire jugea bon de la soulager un peu de son travail. Nous lavâmes les petits, bougeâmes un peu les grands. Après cela, il fallut nous dépêcher pour préparer les traitements du matin. Aujourd’hui, c’était le grand nettoyage ! Nous aidâmes donc comme nous le pouvions, surtout pour déplacer les meubles. En début d’après-midi, Claire nous conduisit avec la sœur à Song Yae, un ban catholique situé à une quarantaine de kilomètres de Yasothon. Nous y rencontrâmes le père Somlong, qui dirige l’école dont nous parlâmes plus haut. Après environ une heure de visite et un entretien en anglais, il nous confirma que nous étions le bienvenu si nous le souhaitions ; quant à la sœur, elle nous donne deux jours pour notre réponse. Absente ce week-end, elle voudrait, si nous acceptons, que nous commencions dès lundi. Nous eûmes donc le chemin du retour, dans la caisse du pick-up, le vent aérant nos réflexions, pour y songer. Le problème est simple : nous avons besoin d’argent, il nous faut travailler mais si nous travaillons, nous devons nous engager et nous engager revient à nous enfermer, et nous enfermer nous est exclu… Pas si simple en fin de compte ! Il y a autre chose : si nous acceptons de travailler dans cette école, nous ne serons plus aussi souvent présent au Centre. Ce soir, nous allâmes dîner un sukiaki avec le père Auguste, Claire et Alexandra. Il nous sembla judicieux de parler au premier de nos préoccupations pendant ce repas. Nous pensons qu’il serait mieux d’attendre la rentrée en mai pour accepter la proposition de la sœur, qui veut nous aider à payer notre visa pour les trois mois à venir en échange de notre aide à la fondation, mais il sembla au père que nous devions accepter sa proposition pour lundi. Une fois rentré, Claire nous parla en plus de l’assurance, à savoir que nous n’en avons évidemment pas. Elle ne veut pas que pi Tiou et la fondation aient des ennuis s’il nous arrive un problème. Toutes ces préoccupations sont tellement futiles pour nous ; nous ne nous y attachons guère. La seule chose qui nous inquiète est ce foutu engagement, cette chaîne que tout le monde semble vouloir nous accrocher aux pieds. Comme tu le vois, Fidèle, la vie d’un voyageur de grand chemin n’est pas aussi simple que tu peux te le figurer ! C’est typiquement occidental, la paperasse, et il nous faut la retrouver ici ; merde quoi ! Penses-tu qu’il soit si irresponsable de partir comme cela, à l’arrache, sans rien prévoir, sans assurance, sans point de chute, sans relation et sans argent… ? Nous, nous considérons que c’est simplement vivre.


30 janvier 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 21h45.

Ce jour fut plein de bonnes surprises ! Avec beaucoup de mal, nous nous levâmes ce matin vers 6h30. La sœur nous avait, la veille au soir, laissé une bouilloire pour chauffer de l’eau car les enfants ont froid le matin, en prenant leur douche ; nous la crûmes volontiers puisqu’ils n’ont en haut que des jarres et des bols. Donner la douche aux enfants nous réveilla et nous fit oublier les petits désagréments matériels de la veille. En même temps, nous préparâmes les traitements en courant d’un bâtiment à l’autre et finissant toujours par manquer de nous tuer en surfant sur les flaques d’eau que les enfants laissaient, non sans le faire exprès, dans leur chambre, au sortir de la douche. Cela les amusait beaucoup d’ailleurs, et nous aussi. Claire émergea vers 8h30 mais elle semblait vraiment fatiguée ; elle partit à Bangkok ce midi et pourra ainsi récupérer. Nous ne vîmes pas beaucoup Alexandra aujourd’hui et nous craignons qu’elle ne se soit pas encore faite à l’ “ambiance Homehak” – cela ne saurait tarder. C’est tout un cirque pour donner le traitement aux enfants, le matin, avant qu’ils ne partent pour l’école ! Il faut les attraper (déjà !) et ensuite faire vite pour ne pas retarder les autres qui attendent dans le pick-up. Comme les volontaires thaïs ne sont pas très au faîte de l’importance de la constance dans cette opération, rien n’est facile – et il ne faut pas compter sur les enfants pour être de bons patients, chose que nous comprenons aisément avec tous ces cachets. Pour nom Nout qui ne va pas à l’école, nous attendîmes donc 8 heures. Vers 9h30 - 10 heures, alors que nous travaillions un peu sur l’ordinateur, pi Tiou demanda à nous parler. Nous nous installâmes sur la table de réunion et elle nous raconta son histoire, avec le père Auguste pour interprète. Ainsi nous aida-t-elle à nous décider pour l’école. Nous y travaillerons les lundi, mardi, mercredi et jeudi pour revenir à la fondation le week-end. Cela nous paraît l’emploi du temps le mieux adapté à notre situation et à celle des enfants du Centre, qui vont de toute manière à l’école durant la semaine. De plus, il y a Alexandra qui est déjà un peu versée dans les traitements. Pi Tiou et le père Auguste semblaient satisfaits. Nous donnâmes notre réponse à la sœur qui nous dit que nous commencions dès lundi pour une période d’un mois, le dernier de l’année scolaire. Ainsi pourrons-nous voir si l’activité nous convient et réciproquement si nous convenons à cette activité. Notre choix sembla l’emballer ; il faut dire qu’elle ne l’attendait plus… Tout ce que le père Auguste, pi Tiou et la sœur font pour nous… Nous leur devons tant ! Nous aimerions tant qu’ils puissent lire la gratitude dans notre cœur ! Après cela, nous allâmes chercher avec Claire et Alexandra la moto du père qui nous sera grandement utile pour nous déplacer en l’absence de Claire. Nous les suivîmes avec pendant leur trajet car elles avaient quelques courses à faire. Nous nous arrêtâmes à la Poste et à l’ATM, où nous eûmes une excellente surprise avec notre carte électron BNP Paribas ; nous pûmes retirer dix-mille bahts, une belle somme ici ! L’Armée dut nous payer un mois entier, même si nous n’effectuâmes que quelques jours en janvier. Ou alors nous creusons, creusons et creusons encore notre compte en banque… À Diable, toutes ces questions ! De retour au centre, nous dînâmes et Claire partit vers 13h30 avec pi Yin qui la laissa à la gare routière de Yaso. Cet après-midi, nous allâmes faire quelques courses dans le centre-ville avec la moto. Un pays est tellement plus agréable quand on peut s’y déplacer à loisir ! Nous nous y achetâmes des vêtements, des tongs et des Converses. Nous ne trouvâmes hélas pas à ce moment-là de sac pratique pour partir quatre jours. Nous nous renseignâmes auprès de la sœur pour savoir où nous pouvions en trouver un et elle nous répondit que pi Tiou, pi Yin et pi Dara allaient au marché au soir ; c’est là que nous trouvâmes le sac idéal. Cela va nous faire tout drôle de quitter le centre, même pour quatre jours. Et puis nous nous attachons de plus en plus à Soupany, malgré le conseil avisé de Catherine (de Bahreïn) avec qui nous communiquons toujours sur l’Internet. Elle nous écrivit en effet d’éviter que les enfants ne s’attachassent trop à nous puisque nous ne comptions vraisemblablement pas rester éternellement près d’eux. Mais c’est Soupany, personne ne peut comprendre, elle déjà !


31 janvier 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 23h15.

Encore une journée bien remplie ! Nous commençâmes par faire ce que nous avons à faire chaque matin. Tout de suite après, nous nous rendîmes à Yaso car nous avions encore des courses en tête et nous voulions nous promener ; nous déposâmes la moto quelque part et marchâmes un peu. Sur notre chemin, nous rencontrâmes une bonne cinquantaine d’écoliers qui nous souhaitèrent tous un joyeux : « Hello ! » Nous nous arrêtâmes ensuite devant un magasin d’informatique car une offre alléchante s’offrait à nos yeux d’or : un appareil photo numérique Sony Cybershot pour seulement onze-mille-neuf-cent-quatre-vingt-dix bahts ! Nous entrâmes et de suite une vendeuse nous prit en charge ; elle parlait un peu anglais. Nous discutâmes de l’appareil avec elle et lui dîmes que nous le prenions mais qu’il nous fallait d’abord passer à une ATM retirer de l’argent. Trop heureuse de conclure sa vente, elle proposa de nous y conduire avec sa propre moto. Sur le trajet, nous apprîmes que sa sœur suivait des études en Floride et qu’elle pensait la rejoindre prochainement. Notons que les filles thaïes nous parlent très facilement… Une fois de retour, nous achetâmes l’appareil après avoir fait baisser son prix de trois-cent-quatre-vingt-dix bahts. Nous lui laissâmes également nos coordonnées puis rentrâmes à la fondation vers 11h30 pour préparer les traitements. En début d’après-midi, nous fîmes notre lessive : toujours aussi folklorique ! Ensuite, pi Yin nous demanda si nous pouvions conduire Fon (la fille de 17 ans qui nous avait offert des beignets au marché) à son travail dans le centre. Nous revînmes puis repartîmes avec cette fois-ci Alexandra comme passagère. Nous passâmes l’après-midi à faire du shopping pour rentrer vers 17h30. La soirée fut tranquille et les enfants regardèrent le DVD de Blade II avant d’aller se coucher. Nous comptions retourner en ville ce soir, y manger une glace avec Alexandra mais, sur le chemin en terre au sortir de la fondation, nous nous rendîmes compte que le pneu arrière était crevé ; nous fûmes obligé de rentrer. Nous venons de prendre une bonne douche, froide évidemment, et allons là nous coucher.


1er février 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 20h43.

Nous pûmes faire la grasse matinée aujourd’hui et ne nous levâmes qu’à 8 heures pour, le reste de la journée… nous reposer ! Nous laissâmes à Alexandra la responsabilité des traitements au moins une fois avant notre départ. Elle ne parle pas très bien anglais et c’est un problème pour le suivi médical sur l’ordinateur ; elle n’y met pas trop de cœur non plus mais cela va venir, nous lui faisons confiance. Nous sommes à Homehak ici, tout est possible ! À 20h15, elle nous dit qu’elle n’avait pas réussi à donner sa trithérapie à nom Nout et que nous pouvions essayer si nous le voulions.

Nous . Si je veux ? Bon sang, Alex, c’est d’une trithérapie dont nous parlons, pas d’une dose de para pour un mal au crâne !

Il nous fallut cinq minutes pour que nom Nout consente à prendre son traitement. Alexandra va s’y faire… Elle va s’y faire ! Avouons qu’il n’est ni évident ni très sain pour les enfants d’avoir à s’adapter constamment à la venue, aux habitudes, au départ, de tous les volontaires qu’ils côtoient. Passons. À 15 heures, tous les enfants eurent droit à un goûter. Pi Yin, pi Kaï et pi Duan nous invitèrent à partager un plat de khao pun (des capellini version Lao). Nous leur montrâmes qu’en Europe nous avions l’habitude de mettre de la sauce en pot dessus ; faute de ketchup, nous mîmes du chili ! Le ventre plein (déjà trois repas !), nous allâmes télécharger des dessins sur le Net pour les donner à nom Yin et nom Yo ; nous nous étions souvenu qu’elles aiment beaucoup dessiner et qu’en plus, elles le font très bien, des mangas surtout. Ensuite, nous retournâmes dans notre chambre et nous endormîmes, tellement profondément que nous ne nous rendîmes même pas compte que tout le monde avait déserté le Centre pour aller à la rivière. Alexandra est sur l’ordinateur en ce moment ; nous irons voir notre courriel une dernière fois après. Nous partirons demain à 16 heures. Il est prévu que pi Yin nous conduise au ban. Nous ne savons une fois de plus pas ce qui nous attend et c’est précisément ce qui nous excite tant !


2 février 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 15h23.

Nous sortons de la douche. Ce matin, nous laissâmes à nouveau Alexandra se débrouiller seule avec les traitements et ne nous levâmes comme hier qu’à 8 heures pour, finalement… les donner aux enfants nous-même ! Nous n’allâmes pas à la messe pour cette raison ; honte sur nous… Nous passâmes le reste de la matinée à prendre des clichés avec les enfants dans le bois, et les déchargeâmes sur l’ordinateur de la sœur ; cette solution est provisoire et il nous faudrait nous renseigner sur le prix d’un graveur. Quant à notre memory stick, elle est assez légère et nous ne pouvons en sauver beaucoup pour le moment. Si nous partons quatre jours toutes les semaines, nous devrons également en trouver une de plus grande capacité. Vers midi, le père Auguste vint chercher pi Tiou pour visiter quelques villages. À son retour, il ramena une jeune femme d’environ trente ans, très atteinte du SIDA. Son grand-père ne voulait pas s’occuper d’elle et sa grand-mère n’en avait plus les moyens ; elle était également là, d’ailleurs. Elles vont donc rester au centre un long moment. Après cet épisode, nous allâmes avec les enfants et Alexandra nous promener dans le bois alentour, ce qui nous donna l’occasion de prendre encore quelques clichés. Là, nous attendons notre départ et sommes un peu fatigué.

Song Yae (Issan, Thaïlande), 18h19.

Beaucoup de choses se passèrent en si peu de temps ! Tout d’abord, nous fîmes le trajet avec pi Yin que nous apprîmes à mieux connaître. Arrivés à ban Song Yae, nous rencontrâmes le père Otto qui nous montra notre chambre : une pièce dans la maison des pères donnant sur la terrasse, côté mare, un aménagement sommaire composé de deux lits, d’un porte-vêtements et d’une grande armoire. Elle est située entre celle du père Otto et celle du père Somlong. Nous sommes d’ailleurs seul avec eux dans cette grande et belle maison en bois. Nous déposâmes nos effets et le père nous emmena ensuite rencontrer les autres membres catholiques de la congrégation. Après un verre de lait, une banane et quelques frais morceaux de pastèque, nous rentrâmes dans notre chambre avec le père Otto qui nous fournit couvertures, serviettes de bain et nous fit visiter la maison. Ensuite, nous décidâmes d’aller faire seul un tour dans le ban, histoire de prendre quelques clichés et, peut-être, faire de nouvelles rencontres. Ce fut le cas à la troisième maison où nous rencontrâmes le professeur Yoanna, enseignante d’anglais à l’école. Elle nous proposa de jouer le guide et nous présenta à quasiment tout le monde. Nous fîmes donc la connaissance des enseignants, fleuristes et autres commerçants avec lesquels nous aurons à vivre dans les semaines à venir. Une demi-heure de marche plus tard, nous nous sentions déjà chez nous, même si nous savions que nous allions avoir des problèmes à communiquer dans un premier temps. Le professeur Yoanna doit sans doute être une très bonne enseignante, elle sait mettre les gens en confiance. Elle nous laissa sur le chemin devant la maison des pères et nous rentrâmes. Du coup, nous ne pûmes prendre qu’un seul cliché : un superbe couché de Soleil sur la mare près de la maison.

19h24.

Pour le dîner, nous étions seul avec le père Otto et parlâmes en anglais durant le repas de tout et de rien ; nous lui racontâmes évidemment notre histoire. À force, nous allons, c’est à craindre, devenir ego-narcissique… Nous sommes là sur notre lit (un de plus !) et nous apprêtons à aller nous coucher. Nos sentiments sont assez confus en ce qui concerne cette nouvelle expérience. Le Centre nous manque car nous nous y sentons bien. Nous appréhendons aussi un peu car nous savons que nous allons avoir du mal, ici, à communiquer avec les enfants. En fait, il n’y a pas de raison de s’inquiéter puisque nous nous débrouillons très bien à la fondation.


3 février 2003

Song Yae (Issan, Thaïlande), 5h54.

La rencontre avec nos élèves approche au fur et à mesure que notre appréhension grandit. Tout le monde est déjà levé ici, puisqu’à 5h30, la sœur Jiou – la plus jeune des sœurs qui doit avoir notre âge – sonna l’angélus. La cloche étant située entre la maison des pères et celle des sœurs, nous n’y échappâmes pas. De plus, les coqs s’en donnèrent à cœur-joie dès 3 heures. Il fait assez froid si tôt ; la semaine prochaine, nous penserons à prendre une veste. Les commodités ne sont pas vraiment… commodes, ici ; Homehak est un palace à côté mais c’est folklorique et nous aimons assez. En fait, c’est la douche qui nous gêne un peu. Elle est située dehors, sur la terrasse et est ouverte aux moustiques ; c’est la merde le soir quand il fait nuit ! Il est l’heure d’aller petit-déjeuner.

6h04.

En fin de compte, nous vîmes le père Somlong à son bureau qui nous dit pouvoir dormir encore un peu car le petit-déjeuner n’était servi qu’à 7 heures. Nous ne nous fîmes pas prier !

12h37.

Nous passâmes une matinée des plus enrichissantes ! Tout d’abord, après la messe à laquelle nous n’assistâmes pas, nous allâmes manger chez les sœurs avec le père Otto. Il y avait au menu du khao gnao, des légumes et des fruits. La sœur principale Somjai nous emmena ensuite rencontrer nos futurs élèves. Sur le chemin, nous fîmes la connaissance d’un Belge marié à une Thaïe qui venait déposer son enfant ; il vit à quatre kilomètres seulement du ban. Nous parlâmes de notre visa et il nous conseilla de préférer Nong Khaï à Chong Mek. Merde ! La cloche sonne et nous devons retrouver notre classe.

15h58.

L’école est finie pour la journée depuis vingt-huit minutes. Notre après-midi fut aussi intéressant que notre matinée. Nous en étions à notre rencontre avec ce Belge. Après cela, nous suivîmes la sœur jusque dans la cour de l’établissement qui sert également de terrain de foot. Tous les élèves étaient en rang, silencieux. Tout à coup, alors que nous approchions du père Somlong, tout le monde se mit à chanter l’hymne nationale devant la montée des couleurs ; sept-cent-trente élèves aussi harmonieux, c’était quelque chose à voir, tout de même ! À ce moment-là, le père nous annonça que nous devions nous présenter devant tout le monde au micro, nous qui avons horreur des discours et des apparitions en public ; quelle angoisse ! Nous nous soumîmes à ce devoir en anglais, le père traduisant nos paroles à tous. À la fin, les enfants nous applaudirent, plus par réflexe sans doute, mais au moins nos appréhensions s’envolèrent-elles à ce moment-là. Les enfants se rendirent ensuite en rang sous un grand préau où, quotidiennement, des passages de La Bible sont lus. 60% des élèves de l’école environ sont catholiques, les autres étant bouddhistes. Pour ces derniers, les lectures se font dans les classes. Cette fois-ci cependant, il y avait une sorte de cérémonie de remise de prix. Après cela seulement, les cours débutèrent pour nous avec les prathom 6.1, en anglais naturellement. Nous passâmes une heure à nous présenter, à répondre aux questions et achevâmes le cours sur l’influence de la civilisation grecque en Europe… Ne nous demande surtout pas comment, Fidèle, ni pourquoi avec des enfants de cet âge ! C’est qu’ils nous posèrent tant de questions sur la France et nos coutumes que nous dûmes, un peu, remonter à leurs origines. Nous passâmes le reste de la matinée avec trois élèves de prathom 5.2 et 6.1, dans la coursive de l’école : Tassaneeya, Anawat et Piyanut. Nous leur dictâmes quelques mots et les initiâmes à la lecture de l’anglais comme nous l’avions nous-même apprise en France. Cette expérience fut aussi instructive pour eux que pour nous. L’heure du repas sonna vers 11h05. Nous allâmes manger chez les sœurs, comme toujours désormais ; nous y sommes le bienvenu. Vers 13 heures, les cours reprirent. C’est tous les jours le même rythme, comme à l’armée ! Nous changeâmes pour le coup d’élèves. Nous en eûmes deux des prathom 3 et 4, Leo et Bass, avec qui nous travaillâmes les mêmes exercices qu’avec les trois du matin, les mots étant à leur niveau cependant. À 14h40 enfin, nous reprîmes Tassaneeya, Anawat et Piyanut, pour leur faire travailler la lecture et la prononciation. Tassaneeya s’en sortit très bien sauf peut-être sur les mots comme immediately, sur lequel nous rîmes tous beaucoup. Elle nous fait beaucoup penser à Soupany. Quant à Piyanut, il est un enfant profondément attachant ! Nous accrochâmes moins avec Anawat. Chaque soir, à la fin des cours, tous les élèves catholiques se rassemblent dans la coursive pour chanter une prière. Nous attendîmes la fin pour leur dire à tous un : « Bye bye, see you tomorrow ! » qui, au bout de quatre-cents élèves, crispa quel que peu notre sourire… Les cinq enfants dont nous eûmes à nous occuper aujourd’hui passeront un examen, vendredi, à Ubon Ratchatani. Nous avons vraiment envie de les aider à le réussir et pensons que leur faire apprendre leur vocabulaire maintenant ne sert plus à rien ; ils le savent déjà. Nous nous attarderons donc sur la prononciation des mots, la lecture et la compréhension d’un texte.

18h04.

Nous allâmes le reste de l’après-midi faire quelques clichés du ban. Nous nous avançâmes assez dans la campagne alentour et y rencontrâmes un paysan qui parlait un petit peu anglais. Nous voulûmes le prendre en photo mais n’osâmes pas le lui demander. Peut-être devrions-nous y retourner un de ces jours… Il nous est difficile de penser en thaï car l’usage typiquement européen nous empêche encore quelquefois d’agir comme nous le voudrions, alors que la chose est pourtant simple et sans gravité pour les gens d’ici. Ou est-ce simplement de la timidité ? À notre retour à l’école, le père Otto nous emmena gentiment à l’office pour voir si nous pouvions décharger la mémoire de notre appareil sur l’un des ordinateurs de la sœur principale Somjai. Hélas, le driver nécessaire n’y était pas et nous devrons attendre notre retour à Yaso ; nous allons donc devoir faire un choix entre les clichés que nous gardons et ceux que nous aimerions garder. Quarante-huit en tout et pour tout jusques à jeudi ; cela est trop peu pour nous ! Avant de partir au Laos pour notre visa, il nous faudra absolument acheter une memory stick de 256 MO.

19h36.

Nous venons de dîner avec les deux pères et les trois sœurs qui constituent la congrégation du ban. Ce sont dans des moments comme celui-ci que nous nous rendons compte que ce que nous vivons est extraordinaire. Les simples touristes qui visitent la Thaïlande ne la regardent même pas, se contentant des images et de l’idée qu’ils s’en font. N’est-il pas plus formidable de partager la vie des gens plutôt que de se la figurer ? Lors de ce dîner, d’une grande simplicité à la thaïe (une dizaine de plats seulement), nous parlâmes et rîmes beaucoup. Nous imaginons que pour eux également, c’est une agréable curiosité que de partager son quotidien avec un farangset. Petite parenthèse sur l’histoire de ce terme. Si les étrangers européens s’appellent farang en Thaïlande, ce serait la faute de la France. À l’époque de Louis XIV, français se prononçait farangset en thaï. Notre roi se serait joué du roi siamois et un conflit diplomatique serait né. Pour se venger des Européens, le roi siamois aurait proclamé que désormais tous les Blancs européens s’appelleraient farang, de farangset. Le terme serait resté. Voilà pour l’anecdote plantée sur faits historiques et acceptée de tous. En réalité, farang vient de feringi, terme utilisé par les Ayuttayais (avant qu’ils ne soient exterminés par les Birmans) pour désigner les Européens, notamment les Portugais avec qui ils commerçaient beaucoup (réprimant cependant toute insistante évangélisation), et cela bien avant que les Français ne s’en mêlent. Fin de la parenthèse. Ils nous posèrent beaucoup de questions auxquelles nous répondîmes de bonne grâce. Nous nous sentîmes gêné à la fin du repas de remercier le Seigneur (n’étant pas catholique pour un sou) mais heureusement ne se formalisèrent-ils pas pour ce petit détail.


4 février 2003

Song Yae (Issan, Thaïlande), 18h54.

Le soleil va pour se coucher et nous aussi ; la journée fut longue et forte en émotions. Comme hier, elle débuta à 5h30 au son de l’angélus. Suivant les conseils du père, nous ne nous levâmes cette fois-ci qu’à 7 heures. Après un petit-déjeuner plus que complet, nous rejoignîmes l’école où nous apprîmes que Miss Sirannee était malade et que nous devions la remplacer. Des félicitations s’imposent, nous semble-t-il : d’assistant en anglais, nous sommes passé instituteur en moins d’une journée ! La sœur principale Somjai nous remit donc notre emploi du temps de la journée ; avec cela la responsabilité de trois classes et cinq heures de cours.

Nous-même . Courage, Louis, vous n’en mourrez pas !

La première heure, nous nous occupâmes de Piyanut et Tassaneeya. Ces deux enfants sont décidément adorables ! Pour leur expliquer ce que signifiaient certains mots dont ils ne comprenaient pas la prononciation, nous dûmes parfois imaginer des ponts en petites pierres et morceaux de bois, des ruisseaux avec le tuyau d’arrosage, etc. Finalement, nous rîmes plus que nous travaillâmes ; cela en apparence seulement puisque c’est en anglais que nous communiquions. À la suite de ce cours très particulier, nous prîmes une grande inspiration pour retrouver notre première véritable classe : les prathom 5.1. Quel ne fut pas notre soulagement lorsque la sœur principale Somjai nous annonça qu’elle nous accompagnait toute la journée pour nous guider, mais sans doute aussi pour que nous ne paniquions pas trop – même s’il y a peu de chance que cela nous arrive un jour, à nous, l’éternel blasé ! Pour ce cours, elle nous demanda de travailler le futur et le passé avec le verbe to be. Les enfants s’en sortirent plutôt bien et l’heure passa vite. Pour notre second cours en classe, nous enseignâmes aux matayom 1, la classe des grands, le passé simple. Malgré toute la bonne volonté que nous plaçâmes dans cette épreuve, nous échouâmes à leur faire voir comment et quand l’utiliser. À la fin du cours, nous leur promîmes que nous continuerions l’après-midi. Nous demandâmes également à une élève qui semblait comprendre d’expliquer aux autres. Le break nous permit de reprendre un peu nos esprits car parler fort si longtemps nous donna mal à la tête. Nous comprenons désormais nos professeurs de collège… Dix minutes après, ce fut avec les prathom 6.2 que nous recommençâmes le cours des 6.1. Heureusement que la sonnerie retentit car nous nous sentions vraiment mal à la fin du cours. Nous rejoignîmes les sœurs pour dîner mais ne mangeâmes pas beaucoup et leur demandâmes si nous pouvions sortir de table ; elles nous répondirent gentiment : « Yes, yes ! ». Nous partîmes nous allonger sur notre lit jusques à 12h50. En nous levant, ça n’allait pas et nous savions que nous allions avoir du mal l’après-midi. Nous retrouvâmes cependant les prathom 5.1 dans leur classe pour leur donner un cours sur la prononciation. Notre état ne s’améliorait toujours pas mais il nous fallait tenir pour le dernier cours de la journée : le passé simple avec les matayom 1. Au bout d’une demi-heure, nous nous excusâmes et quittâmes la classe car nous avions envie de vomir. Nous croisâmes dans le couloir la sœur Somjai et lui expliquâmes notre problème. Elle alla surveiller notre classe pendant que nous rentrions dans notre chambre pour prendre une bonne dose de paracétamol. Nous revînmes rapidement au grand soulagement de la sœur qui ne connaît pas très bien l’anglais et pûmes achever notre cours. Théoriquement, nous étions ensuite libre pour la journée mais certaines élèves voulaient continuer – il faut dire que les fous rires ne manquèrent pas. Pendant donc que les trois quarts de la classe jouaient au volley, dix filles restèrent et nous travaillâmes à nouveau le passé simple qu’elles finirent par assimiler. Nous passâmes le reste du temps à parler de nous puisqu’elles nous posèrent un tas de questions, souvent par l’intermédiaire de la même élève, la moins timide de toutes. Elles voulurent même connaître notre adresse en France ! Après les cours, nous rentrâmes dans notre chambre enlever la craie de notre tenue et partîmes pour une autre promenade encore un peu plus loin que la veille. Nous ne réussîmes hélas toujours pas à demander aux gens si nous pouvions les prendre en photo. Il faut absolument que le père Somlong nous enseigne à le demander en thaï, ce sera plus facile. Lorsque nous le vîmes tout à l’heure, nous lui demandâmes s’il était possible de nous fournir un certificat de travail en thaï qui pouvait faciliter l’obtention d’un visa de trois mois et ainsi nous éviter de retourner au Laos toutes les quatre semaines. Il alla de suite nous le rédiger dans sa chambre. Nous n’avons rencontré que des gens formidables pour le moment ! Nous n’allâmes pas manger ce soir car nous avions peur que notre mal de cet après-midi ne revînt. Par principe de précaution, allons nous coucher.


5 février 2003

Song Yae (Issan, Thaïlande), 6h50.

Le père Otto nous donna une autre couverture hier soir, ce qui ne fut pas du luxe ; nous dormîmes comme un loir. Nous allons bien mieux ce matin mais nous espérons que Miss Sirannee sera de retour, que nous puissions enseigner en petits groupes, ce qui est bien plus efficace selon nous. Chaque chose en son temps, nous devons aller manger.

11h17.

Miss Sirannee n’est encore pas là aujourd’hui et nous dûmes donc prendre en charge les prathom 6.2 et 5.1. Avec les 6.2, nous travaillâmes à nouveau le passé simple et avec les 5.1 les négations. Ce matin, alors que tout le monde se rassemblait pour le levé des couleurs, Peul, une jeune institutrice, nous proposa de venir chez elle après les cours. Nous ne refusons plus aucune invitation depuis longtemps, d’autant moins que Peul est vraiment aussi charmante que sympathique !

18h01.

Nous n’eûmes rien à regretter de cette promenade et notre après-midi se déroula le mieux du monde. Tout d’abord, notre cours avec les prathom 6.1 ne nous épargna pas de nombreux fous rires, de même que notre leçon particulière avec Tassaneeya, Anawat et Piyanut, dans le bureau de la sœur. Les prathom nous demandèrent même à la fin du cours de leur signer à tous un autographe. Ceux qui n’avaient pas de papier nous avancèrent un bout de leur chemise ; c’était assurément surréaliste ! Après cela, Peul nous réquisitionna pour aller faire une promenade. Nous prîmes sa moto jusque chez elle, elle nous offrit un verre d’eau fraîche et nous proposa d’aller visiter un temple bouddhiste proche du ban. Nous y allâmes en moto toujours, mais cette fois-ci nous conduisîmes. Comme la première fois avec pi Tiou le 23 janvier, nous notâmes que les moines bouddhistes communient avec la Nature au sein de leurs temples, tel que nous nous le figurions avant de venir en Thaïlande. Peul nous conduisit ensuite au champ de son grand-père, situé dans le ban. Nous pûmes y approcher son buffle de très près – pas méchant, juste impressionnant. Ils sont dans l’Issan comme les chiens chez nous, tout le monde en possède un. En chemin, nous parlâmes d’elle, de ses parents partis travailler à Bangkok lorsqu’elle était petite ; nous parlâmes rizières et autres plantations traditionnelles : bambous, palmiers, manguiers, etc. En bref, nous abordâmes tous les sujets qui font la vie d’un paysan de l’Issan. Avant de continuer notre promenade, elle nous offrit un Pepsi vanille dans une petite boutique du ban sans prétention. C’est là que nous rencontrâmes son frère, un garçon simplet et adorable. Merde… 18h30 ! Il est déjà l’heure de rejoindre les sœurs pour le dîner.

19h30.

Où en étions-nous ? Après la buvette, Peul nous conduisit au barrage qui dessert le village en eau douce. Nous marchâmes et parlâmes beaucoup. Nous lui demandâmes notamment s’il y avait une rivière dans le coin et nous nous y rendîmes. En fait, c’était une réserve d’eau en forme de rivière. Signalons qu’en mai, juin et juillet, il pleut tellement que la région est inondée. Nous fîmes le tour de la réserve lors duquel nous répondîmes à toutes ses questions et elle aux nôtres. Elle suit des cours à l’université de Yasothon tous les week-end et souhaite mieux parler anglais. Cet après-midi, nous n’arrêtâmes pas, ce qui est assez extraordinaire pour quelqu’un de peu loquace comme nous l’étions encore avant d’embarquer dans cette aventure… Un peu avant 18 heures, elle nous reconduisit à l’école et nous souhaita une agréable nuit. Nous sommes en ce moment sur notre lit en train d’écrire ; le père Otto regarde la télévision dans sa chambre ; le père Somlong travaille à son bureau ; le vent souffle, la nuit va être froide.


7 février 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 1h14.

Hier jeudi, nous n’eûmes pas dix minutes à consacrer à notre carnet ; nous ferons donc court. Nous nous levâmes à 6h30 pour aller manger avec les sœurs, comme d’habitude, puis préparâmes notre sac de week-end dans notre chambre. Lorsque la cloche de l’école retentit, nous allâmes voir la sœur principale Somjai pour lui demander ce que nous avions à faire pour le jour. Miss Sirannee était de retour ; nous pûmes donc reprendre Tassaneeya et Piyanut en cours particulier, au soleil dehors, ce qui fut tout de même plus agréable. Après cela, nous suivîmes toute la matinée le professeur Loomarin en prathom 5.2 et en matayom 1. À midi, avant d’aller déjeuner, nous allâmes tenir la caisse du snack de l’école où la sœur Supreyakhon vend glaces, fruits et sodas. À table, ils nous dirent qu’ils avaient fait une plus belle recette que d’habitude car les enfants voulaient absolument venir nous voir et parler anglais. D’autres en revanche avaient peur et faisaient demi-tour en nous voyant à la caisse. En début d’après-midi, nous dûmes régler un petit problème de réseau informatique dans l’office de l’école. Ensuite, nous suivîmes le professeur Loomarin chez les prathom 3 avec lesquels nous travaillâmes la lecture et l’écriture de mots simples. Le professeur Loomarin nous demanda ensuite si nous pouvions travailler en particulier avec un élève qui doit lui aussi passer un examen à Ubon ; ce que nous fîmes dans la salle informatique. Peul nous y rejoignit pour nous demander de la part du père Somlong notre nom complet légal, pour le certificat de travail. Enfin, en dernière période, Miss Sirannee vint nous chercher pour que nous enseignions une chanson à Tassaneeya, Piyanut et Anawat ! Nous voilà improvisé professeur de chant, dans la coursive de l’école. Ils chantèrent donc d’abord une première fois pour nous donner l’air. Heureusement le connaissions-nous déjà : Itsy Bitsy Teeny Weeny Yellow Polka Dot Bikini, de Brian Hyland. Nous vîmes la prononciation de certains mots mais, dans l’ensemble, nous comprîmes très bien ces trois chers enfants. Lorsque ce fut bon pour eux comme pour nous, Miss Sirannee nous proposa de rejoindre l’estrade du grand préau pour travailler cette fois-ci la mise en scène ; malheur ! Nous aurons fait ici, en quatre jours, des choses auxquelles nous ne nous attendions vraiment pas… Naturellement, nous eûmes droit à un public toujours grandissant et travaillâmes jusques à la fin des cours, entouré d’ombrelles tournoyantes et de gais chérubins. Avant de rentrer dans notre chambre nous préparer, nous leur souhaitâmes à tous trois bonne chance pour leur examen ; nous notâmes que les encouragements ne sont pas dans leur culture, Tassaneeya et Piyanut étant surpris. Rapidement, nous allâmes chercher nos effets et comme le père Otto devait conduire la sœur Supreyakhon à Yasothon, nous pûmes profiter du voyage. Lorsque nous arrivâmes à la fondation, tous les enfants nous sautèrent dessus, ce qui nous réchauffa vraiment le cœur. Par ailleurs, un paquet et une lettre de France nous attendaient. La moto n’était toujours pas réparée, nous demandâmes à pi Yin si elle pouvait nous conduire au workshop. Nous en avions vraiment besoin avant de partir pour le Laos. Nous en eûmes pour cinquante bahts (plein et réparation), ce qui représente environ un euro dix ; dérisoire ! À notre retour, nous allâmes manger à la cuisine avec Alexandra et pi Yin. Nous lui demandâmes s’il y avait des magasins ouverts après 20 heures, elle nous les indiqua, nous y allâmes avec Alexandra pour acheter du shampoing à Nanaphan et des t-shirts sur le marché d’en-face car nous ne pensions pas avoir le temps de faire une lessive pendant le week-end. Nous nous allongeâmes finalement sur notre lit il y a quinze minutes, après avoir travaillé sur l’ordinateur.

21h05.

Nous nous levâmes à 8 heures, laissant Alexandra s’occuper des traitements pendant que nous mettions à jour notre courriel. Nous passâmes la journée avec elle sur la moto. En vain, nous cherchâmes une memory stick pour notre appareil numérique. Nous décidâmes de marcher un peu dans la ville, laissant la moto devant une bijouterie. Au retour, un flic était en train de nous verbaliser parce que le père Auguste avait fait un changement de plaque et que nous ne l’avions pas encore reçue. Heureusement que nous arrivâmes à temps pour lui parler ; il n’insista pas quand il vit que nous parlions anglais et que lui non ; pauvre chéri ! Il déchira donc la feuille et partit. C’est parfois utile d’être un farang ici… L’après midi, nous fîmes encore du shopping. Alexandra s’acheta des kon khao (boites pour khao gnao). Il ne se passa rien de bien intéressant en fait. En fin de journée, nous prîmes de nouveau la moto pour aller faire un tour. Nous comptions simplement nous acheter quelques fruits et finîmes finalement à soixante-trois kilomètres sur la route d’Ubon ! Nous empruntâmes des chemins pour découvrir des coins sympathiques par nous-même, trouvant temples bouddhistes et ban reculés. Comme le soleil tombait, nous dûmes faire le chemin de retour la nuit. À notre arrivée à la fondation, les enfants regardaient Le Seigneur des Anneaux et Alexandra préparait le traitement de nom Nout. Pendant notre absence, le père Auguste était passé voir Alexandra pour lui dire que nous partions le lendemain pour Phibun Mangsahan afin de renouveler notre permis de séjour. Cet après-midi, nous passâmes deux fois chez lui sans succès et c’est finalement lui qui vint nous trouver alors que nous n’étions pas là ; Fatalité… ? Demain, nous nous levons tôt ; allons nous coucher.


8 février 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 21h32.

Pi Tiou vint nous chercher dans notre chambre à 7h10. Pi Peo et pi Nout l’accompagnaient. Nous montâmes devant et c’est pi Tiou qui conduisit. Elle s’arrêta trente minutes plus tard pour acheter des brochettes sur le bord de la route… évidemment ! Hier, nous fîmes soixante-trois kilomètres sur cette foutue route pour trouver des noix de coco préparées à la thaïe, et bien aurions-nous dû continuer encore un peu car la petite boutique se trouve à vingt-deux kilomètres exactement d’Ubon, soit quatorze kilomètres plus loin ; quel con ! Sur la route, la sœur Nonlak appela pi Tiou pour lui dire que nous ne devions pas utiliser la lettre du père Somlong car il y a un problème en ce moment, à la frontière. Elle lui dit aussi qu’elle priait pour nous. Nous arrivâmes à Ubon vers 9 heures pour déposer quinze minutes plus tard pi Peo à l’école polytechnique car elle prend des cours de conduite. Un instant plus tard, pi Tiou s’arrêta pour nous faire découvrir un restaurant végétarien et bio sur Thepyothi Road ; nous nous régalâmes ! Nous reprîmes ensuite la route en direction de Phibun Mangsahan, où nous pensions pouvoir accomplir les formalités pour notre visa. En fin de compte, il fallut tirer jusques à Chong Mek, un ban-frontière très visité pour, nous te le donnons en mille, Fidèle, son bureau de l’immigration ! Nous notâmes qu’au fur et à mesure que nous nous rapprochions du Laos, les paysages changeaient, notamment le relief qui devenait plus entreprenant – nous montions. Après une route qui semblait interminable, nous arrivâmes à Chong Mek vers midi. Ce ban grouillait de monde et notre première impression nous laissa l’image d’une cité médiévale, avec sa grand-rue et tout plein d’échoppes sur les côtés ; ou encore celle que nous pouvons voir dans un film d’aventures, tels Indiana Jones ou Alan Quaterman, lorsque ceux-ci se retrouvent dans pareils endroits ; nous nous imaginons trop de choses en fait… Nous ne savons pas pourquoi mais nous eûmes le sentiment en nous rapprochant du Laos de nous rapprocher également de la France ; oui, c’est très con ! Sans doute cela est-il dû aux quelques panneaux signalétiques inscrits en laotien et en français. Une fois descendu de la voiture, pi Tiou nous acheta un bob car le soleil tapait vraiment fort. Le parcours administratif qu’un voyageur de grands chemins doit accomplir lorsque son visa arrive à son terme commença pour nous. Nous craignîmes tout d’abord que les bureaux ne fussent fermés mais en fait, ils ouvrent les samedi et dimanche toute la journée – pas de repos pour les touristes, ils sont trop précieux, d’un côté comme de l’autre. Il nous fallut donc passer au bureau thaï departure pour faire tamponner notre passeport et remplir notre coupon de sortie du territoire. Pour franchir la frontière, nous payâmes dix bahts. Au bureau laotien arrivals, nous achetâmes notre visa mille-cinq-cent-cinquante bahts afin de pouvoir y entrer. Le Guide du Routard dit donc encore une connerie. On peut en avoir un à Chong Mek en beaucoup moins d’une heure. Avant de continuer, puisque nous en avions le temps, nous allâmes flâner dans le petit marché en bas des marches, sur la gauche. Si l’on omet les gadgets de l’armée CCCP et les poupées plastiques made in China, ce marché recèle de vraies merveilles. Passes-y absolument si tu viens à Chong Mek ! Alors que pi Tiou et pi Nout regardaient, nous achetâmes une superbe statue laotienne en bois (six-cents bahts au lieu de sept-cents). Elle représente un individu à genoux en train de prier. Nous comptons l’offrir à notre oncle Loïc si nous en avons l’occasion ; elle fait quand même plus d’un mètre ! Pour l’heure, elle trône dans notre chambre et porte notre bob. Nous déambulâmes environ trente minutes dans le marché, après quoi nous poursuivîmes notre parcours avec le bureau laotien departure pour faire tamponner notre passeport et remplir notre billet de sortie du territoire laotien, ce qui nous coûta cinquante bahts de plus. Avant de passer pour la seconde fois dans la journée la frontière, pi Tiou s’arrêta au Duty Free pour acheter du vin de Californie (la bouteille lui plaisait). Pendant ce temps, dehors, nous parlâmes avec des policiers interloqués de notre nouvelle acquisition. De retour en Thaïlande, nous passâmes au bureau arrivals pour (encore) faire tamponner notre passeport. Finalement, ils ne nous donnèrent qu’un mois, comme tous les farang qui étaient là pour les mêmes raisons que nous. Le seul point positif est que nous n’eûmes rien à payer. En sortant du bureau, pi Tiou était en train de parler avec un farang. Nous nous assîmes et partageâmes la conversation. C’était un touriste étasunien, voyageant seul, qui cherchait à savoir si l’on pouvait passer la nuit à Chong Mek. Nous ne le savions pas mais lui proposâmes de le conduire à Ubon ; il préféra rester là une journée de plus pour visiter. Avant de le quitter, nous lui laissâmes notre carte, au cas où il souhaitait échanger. Nous pouvons donc rester jusques au 9 mars, date à laquelle pi Tiou nous dit que nous renouvellerions l’expérience avec elle. Nous reprîmes enfin la route pour nous arrêter sur les bords du lac Yasithon, à douze kilomètres vers Phibun. La nourriture y est spéciale mais le coin superbe ! Terminons rapidement car nous sommes fatigué. De Phibun à Ubon, pi Tiou s’arrêta se reposer dans un temple bouddhiste pendant que pi Nout nous le fit visiter. À Ubon, nous fîmes des courses au Big C, y trouvâmes une memory stick de 128 MB pour trois-mille-quatre-cent-quatre-vingt-dix bahts et des lunettes pour la moto ; t’es-tu déjà pris un moustique énorme dans l’œil à 110 km/h ? Nous oui, et cela fait très mal. Nous étions à Homehak vers 20 heures. Nous passâmes vraiment une excellente journée. Nous ne pouvons pas décrire nos sentiments à travers de simples mots et c’est pourquoi nous t’invitons, Fidèle, à tester une fois au moins dans ta vie telle expérience !


9 février 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 20h53.

Aujourd’hui fut un jour de congé pour nous. Levé à 8h40, nous petit-déjeunâmes français dans la grande salle du bâtiment, avec des tartines et un pot de strawberry jam. Nous allâmes ensuite dans le bureau de la sœur pour consulter notre courriel et fîmes également notre lessive, sous les yeux mi-moqueurs, mi-admiratifs de pi Hit et pi Pon. Après le déjeuner des enfants, nous allâmes faire quelques courses en ville. À notre retour, pi Tiou montait dans sa voiture et nous lui demandâmes si elle savait où nous pouvions trouver des cartes postales à Yaso. Elle nous répondit qu’elle se rendait justement dans le seul magasin qui pouvait éventuellement en vendre et nous montâmes avec elle. Nous fîmes une halte à la gare routière car elle devait acheter un billet de bus pour se rendre à Bangkok le lendemain et assister à une réunion sur les droits de l’enfant avec le gouvernement. Au supermarché, une sorte d’Office Depot à la thaï, nous ne trouvâmes hélas rien. Elle nous promit d’en ramener plusieurs de Bangkok. De notre côté, nous essayerons d’en trouver demain si nous allons à Surin avec le père Auguste et la sœur. Cet après-midi, nous allâmes nous promener en ville et dans les alentours avec la moto. Nous découvrîmes un temple bouddhiste à environ sept kilomètres de Yaso, en prîmes quelques clichés après avoir demandé en thaï l’autorisation au moine à l’entrée. C’était magnifique, le jardin surtout ! Ce soir, nous retournâmes en ville, une quatrième fois, car nous avions envie d’une glace. Nous allâmes à la galerie où nous retrouvâmes nos deux Mormons avec lesquels nous parlâmes devant un verre de choses courantes ; nous nous racontâmes nos vies. Nous ne savons pas si nous irons à Surin demain finalement. Si oui, nous connaissons le père Auguste : mieux vaut que nous nous couchions dès maintenant car il sera là très tôt.


10 février 2003

Song Yae (Issan, Thaïlande), 21h36.

Encore une journée bien remplie ! Il était prévu que nous allions à Surin mais ne le pûmes car nous étions à ban Song Yae. Nous nous levâmes à 6h30 pour rien, en profitâmes donc pour consulter notre courriel et rattraper le retard de notre correspondance. La sœur Nonlak arriva vers 9h30 et nous parlâmes avec elle de notre visa. Nous lui rendîmes l’excédent de l’argent qu’elle nous avait donné pour l’obtenir. Elle nous demanda également d’envoyer un courriel pour elle car elle n’est pas très versée là-dedans. Il s’agissait d’un message de remerciement à un Hollandais qui avait fait don de seize-mille bahts à la fondation. Manque de bol, l’adresse était incorrecte et nous dûmes la taper pour l’envoyer par courrier postal. Alexandra avait du courrier et vint donc avec nous. Au retour, la sœur nous remit deux colis de France qui nous étaient destinés et nous apprîmes qu’il fallait payer sept bahts par colis pour les retirer. Nous lui remboursâmes donc son avance et elle la nôtre pour sa lettre ; les sœurs sont de sacrées trésorières ! Nous dînâmes à la fondation et passâmes l’après-midi sur la moto, nous promenant d’une rizière à une autre. Dans ce pays, la moto est une véritable libération. Nous sentons que nous allons voir beaucoup de cette région grâce à elle. Pi Yin nous avait parlé d’un temple hindou près de la rivière, proche de la fondation. Nous nous y rendîmes en premier. Le coin est superbe ; nous pouvons y manger à fleur d’eau grâce à des maisons en bois sur pilotis ou, au choix, sur la terre ferme dessous les bambous. Personnellement, nous choisîmes les bambous, autant pour la fraîcheur que pour ne pas trop nous faire remarquer. Nous prîmes une bouteille de Pepsi et une glace. Les gens semblaient surpris de voir un farang ici, à tel point que nous nous demandons encore comment nous échappâmes au cliché témoin. Nous aurions voulu nous baigner mais sur le ponton, en nous penchant vers la rivière, nous notâmes qu’elle grouillait de gros poissons à barbillons, genre silures ou carpes, qui nous dissuadèrent facilement… Nous restâmes là environ une heure et lorsque nous montâmes sur la moto, tout le monde nous souhaita gentiment « Goodbye!» Avant de continuer, nous allâmes faire le plein à la station Ptt d’en face pour repartir nous perdre sur une route en construction pendant quelques dizaines de kilomètres. Nous suivîmes la rivière en fait. De retour à la fondation vers 16 heures, la sœur Nonlak nous annonça qu’il fallait que nous soyons prêt dans l’heure. Nous nous dépêchâmes donc de prendre une douche (tiède par miracle !) et d’envoyer un dernier mail que nous dûmes faire court, faute de temps. La sœur principale Somjai était là et nous partîmes rejoindre les professeurs de la région à leur bal de fin d’année, dans une école de Yasothon. Lorsque nous arrivâmes, tout le monde était déjà assis, prêt à manger et la remise des cadeaux avait déjà débuté. Nous nous installâmes à une table près de l’estrade. Notre table était très… blanche. Les sœurs toutes de blanc vêtues et nous, le seul farang de la salle avec une jeune Étasunienne de Hawaï assise à la table d’à-côté. La cuisine était chinoise et le repas se déroula au fil de chansons, danses, remises de prix et changements de table. En effet, les professeurs de ban Song Yae en occupaient trois (plus la nôtre) et nous dûmes partager notre temps avec un peu tout le monde. À la première, ils nous firent boire du whisky ; à la seconde, ils nous firent boire du whisky ; à la troisième, ils nous firent boire… du whisky ! Quand nous revînmes à notre table, nous étions légèrement pinté et les sœurs rirent beaucoup. Nous prîmes quelques clichés des différents shows offerts par les professeurs de chaque école. Nous parlâmes aussi avec l’Étasunienne au prénom déjà oublié de nos différentes expériences ici. Elle enseignait l’anglais en Chine mais n’aimait pas trop cela ; elle préférait la Thaïlande. Elle nous confia qu’ici les gens étaient plus fun et nous n’eûmes aucun mal à la croire. Vers la fin du repas, le professeur Best nous donna une peluche à remettre au lucky number. Lorsqu’il nous appela, nous montâmes sur l’estrade devant tout le monde et offrîmes la peluche à la personne qui avait le plus de clefs sur elle dans la salle, une fille très charmante au passage ! La soirée fut un véritable succès. Encore une fois, nous ne te raconterons pas tous les détails, Fidèle, car si nous le faisions, par souci de minutie, nous n’aurions plus assez de temps pour les vivre. Sur le chemin du retour, nous laissâmes les professeurs au restaurant – ils avaient encore faim ! – et rentrâmes nous coucher au village avec le père Somlong et les sœurs.


11 février 2003

Song Yae (Issan, Thaïlande), 11h16.

Nous sommes en pause jusques à 13 heures, en profitons donc pour rédiger ce carnet. En arrivant dans son bureau ce matin, la sœur principale Somjai nous annonça fièrement que Tassaneeya, Anawat et Piyanut étaient arrivés en seconde position à l’examen, vendredi, et que la Song Yae Thippaya School l’était également, sur sept concourants. La première place fut ravie par Ubon, la seconde plus grande ville de Thaïlande. Nous ne savons pas si nous y contribuâmes beaucoup, sans doute pas tant que cela, mais nous sommes content pour nos chers Tassaneeya et Ptiyanut Ils sont tous les deux très intelligents et nous pouvons lire la vivacité d’esprit dans leur regard. Ce matin, nous travaillâmes la prononciation, la compréhension d’un texte sur Martin Luther King Jr. et le passé simple avec les prathom 6.1, le vocabulaire et la formule I would like avec les prathom 5.2. Pendant le break de 10 heures, nous allâmes boire un frais Pepsi chez les sœurs.

16h12.

Nous enseignâmes toute la journée et sommes exténué. Il ne se passa rien d’extraordinaire sauf que nous commençons déjà à trouver le métier d’enseignant bien monotone ; il faut que nous tenions jusques aux grandes vacances. Nous aurons ensuite six semaines pour trouver autre chose. Allons dormir en espérant nous réveiller pour le dîner de 19 heures.

20h20.

Cette journée n’eut vraiment rien d’excitant. Un léger coup de cafard nous habite. Nous pensons à notre père, notre frère, comme toujours depuis d’interminables mois maintenant. Allons, demain sera un jour neuf !


12 février 2003

Song Yae (Issan, Thaïlande), 8h44.

Merde, ça ne va pas mieux en fait ! Cette nuit, nous rêvâmes de tout ce qui nous abîme habituellement ; nous rêvâmes de notre frère. N’en parlons pas davantage dans ce billet ; peut-être dans un prochain. De toute manière, si nous ne pensons pas à lui sans cesse, il y a toujours le fait que nous savons désormais ce qu’est le fait d’enseigner l’anglais et que cela nous lasse. Nous avons besoin de quelque chose de nouveau pour nous changer les idées – penser à quoi est inutile, il nous suffit simplement d’attendre car cela viendra comme chaque fois.

15h39.

La journée à l’école s’achève. Rien de passionnant à noter dans ce carnet. Partons faire un tour et prendre quelques clichés ; il nous faut de l’air.

18h07.

Nous sortons de la douche ; nous en avions grand besoin, il fait tellement chaud ici ! La sœur Jiou sonne 18 heures à la cloche alors que les chiens hurlent à la mort. Nous allâmes nous promener au nord-est du ban pour y découvrir, sur les abords des chemins que nous empruntâmes, des terres sèches malgré la rivière qui longe ce côté-là. Les clichés que nous prîmes ne sont pas superbes ; nous manquons cruellement d’inspiration en ce moment. Malgré de nombreuses rigolades pendant nos cours, cette journée n’eut encore rien d’extraordinaire. Allons manger ; nous irons nous coucher ensuite car demain sera un jour neuf (si si) !


13 février 2003

Song Yae (Issan, Thaïlande), 14h20.

Profitons de cette heure creuse pour rédiger notre carnet. Il nous reste un cours et nous rentrerons à Yaso avec la sœur Jiou, que nous apprécions beaucoup au passage. Ce matin, nous donnâmes notre première punition, aux matayom 1 qui parlaient pendant que nous leur enseignions le so british « n’est-ce pas ? ». Nous leur demandâmes de recopier trois fois le tableau des verbes irréguliers pour demain. Maintenant que nous enseignons à notre tour, les choses deviennent plus compréhensibles en ce qui concerne nos professeurs au collège… Nous aimerions bien voir leur tête d’ailleurs en apprenant que c’est désormais nous devant les élèves ! La chaleur est presque insoutenable et… La cloche sonne, allons en cours.

Yasothon (Issan, Thaïlande), 22h12.

Nous sommes à chaque fois content de retrouver Homehak et ses enfants. Les jours sont aussi plus reposants ici. Nous pûmes prendre notre temps pour déposer notre linge à la laverie, manger un donut et boire un Pepsi au 7-11, passer à Nanaphan ou encore consulter notre courriel et classer nos derniers clichés. Pi Tiou, pi Yin et sa famille sont à Bangkok. Pi Kaï et un autre garçon dont nous ne savons pas encore le prénom sont restés à la fondation. Nous apprécions beaucoup pi Kaï également mais, bon, ce n’est pas sans rapport avec son charme… Notre mère nous apprit que la carte postale que nous avions envoyée à la chambre 9 n’était pas arrivée ; c’est fort dommage. Nous ne savons pas comment elle se retrouva entre ses mains mais nous lui demandâmes de la renvoyer au secrétariat de la CBI du 1er Régiment Médical, qui la transmettra à l’adjudant S. ou au sergent A., qui à son tour, espérons-le, après l’avoir lue, supposons-le, la transmettra. À notre avis, c’est foutu ! Ce soir, notre esprit n’est pas moins encombré mais nous nous sentons quand même plus libéré. Allons donc nous coucher dans cet état avant qu’il ne change.


14 février 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 22h05.

Jour de la Saint-Valentin ! Nous nous levâmes à 7h45, prîmes une douche et allâmes laver la bouteille de Pepsi que nous bûmes hier soir ; nous la gardons pour l’infirmerie. Au retour de la cuisine, pi Dara nous offrit une rose rouge. Nous ne comprîmes pas pourquoi sur le coup… Nous allâmes ensuite consulter notre courriel. En sortant du bureau de la sœur, pi Dang nous attendait avec une rose à la main qu’elle nous destinait.

Nous-même . Mais oui, idiot, c’est la Saint-Valentin aujourd’hui !!

Nous eûmes donc deux roses pour ce jour particulier ! Nous nous rendîmes ensuite chez le père Auguste qui, pour une fois depuis deux semaines, était là ! Nous fûmes accueilli avec un large sourire et un : « Bonjour, jeune homme ! » Il était en plein dans les comptes mais il s’arrêta et nous discutâmes avec lui environ vingt-cinq minutes. Lorsque pi Tiou lui avait dit que tout s’était bien passé à la frontière, il en avait été ravi et soulagé lui aussi. Nous parlâmes politique et le père nous annonça deux bonnes nouvelles : des chercheurs français ont, semble-t-il, trouvé un remède pour rétablir l’immunité chez les sidéens ; ensuite, à l’initiative de Jacques Chirac, la France, l’Allemagne, la Belgique, la Russie et la Chine s’opposent fermement à la position étasunienne sur l’Irak. Nous partîmes de chez le père joyeux ! En rentrant à la fondation, un camion venait de livrer tout un tas de choses pour les enfants et les volontaires (jouets, vêtements, chaussures, etc.). En ouvrant les cartons et les sacs, nous pensâmes surtout aux invendus d’un vide grenier occidental ; nous aurions préféré voir des médicaments, des fournitures scolaires et autres choses utiles mais n’en fîmes part qu’à Alexandra et la sœur car tout le monde semblait heureux. Après dîner, nous allâmes à la Poste avec Alexandra, puis à l’hôpital acheter des ananas, et enfin au snack de la rivière pour les manger et boire un Pepsi. Trente minutes plus tard environ, nous repartîmes et, comme Alexandra voulait voir l’autre côté de la rivière, nous nous mîmes en recherche d’un pont.

Notre pensée profonde . Ah ! père Auguste, si vous saviez ce que nous faisons subir à votre moto, avec respect, certes…

Nous atterrîmes sur un chemin de campagne qui très vite se transforma en sentier chaotique et enfin en champ bourré de crevasses. Nous ne tombâmes ni dans la rivière, ni dans les rizières, mares et autres plans d’eau, ou encore fossés épineux, mais il s’en fallut de peu à chaque fois. Le temps filait, la chaleur se faisait plus pesante et alors que nous pensions enfin avoir trouvé un pont, nous dûmes stopper net pour nous épargner un magnifique plongeon. Le chemin prenait fin, à quelques mètres seulement du pont ; merde ! Nous dûmes donc descendre de la moto et tailler un passage à travers les buissons ardents. Nous nous servîmes d’un bambou trouvé sur le côté. Très honnêtement, nous crûmes crever un pneu à ce moment-là, voire les deux, mais en fin de compte passâmes-nous sans trop d’encombrement. Ce n’était pas fini pourtant ! Nous avions le choix entre continuer sous les branches de plus en plus basses ou monter sur un chemin, un peu plus haut. Malgré la difficulté, nous optâmes pour la seconde option, ne voulant pas risquer de nous retrouver si loin de la ville avec un pneu crevé. Ce fut laborieux mais nous y parvînmes. Il y avait deux chemins après le pont. Il nous semblait logique de suivre la rivière, ce que nous fîmes. Tout se passait très bien jusques à ce que nous arrivassions devant une maison, un cul de sac ; décidément ! Une femme en sortit et nous demanda où nous allions comme ça. Nous lui répondîmes, confiant : « Yaso », et elle nous indiqua qu’il fallait continuer tout droit.

Notre pensée profonde . Heu… C’est bien gentil, grand-mère, mais il n’y a pas de route par là, tout droit !

Nous n’avions pas le choix, suivîmes ses directives sans trop de succès puisque, quelques mètres plus loin, nous dûmes stopper devant un plan d’eau dont l’unique passage était bien trop hasardeux pour nous. Nous voyant en difficulté, la gentille paysanne cria pour, pensâmes-nous à juste titre, appeler son époux qui, effectivement, deux minutes après, arriva nonchalamment dans sa barque par le plan d’eau qui nous posait tant de problèmes. Nous le dérangions en pleine pêche mais cela ne l’empêcha pas de venir à nous pour prendre connaissance de notre embarras, d’enlever les filets de pêche de sa barque pour prendre une planche en dessous et de la mettre à l’eau pour que la moto ne s’enfonçât pas dans la vase. Ensuite, il nous aida à la faire passer en la poussant par l’arrière pendant que nous la poussions par le guidon pour la diriger. Nous nous enfonçâmes finalement dans la vase mais, après un effort commun, la moto franchit l’obstacle. Tout naturellement, le paysan prit la bouteille de Pepsi que nous avions à peine entamée au snack pour se désaltérer. Nous lui fîmes comprendre qu’il pouvait la garder sans aucun problème et les remerciâmes tous les deux le plus sincèrement du monde. Nous continuâmes avec Alexandra sur un sentier un peu plus praticable que le précédent. C’est au parc floral que nous débouchâmes, juste après le pont qui mène de la fondation à Yasothon. Comme la moto était pleine de boue et de sable, nous la nettoyâmes au jet dans l’allée de Homehak puis prîmes nous-même une douche. La nuit tombait ; nous mangeâmes rapidement et allâmes récupérer notre linge à la laverie. Nous optâmes pour la formule au mois : trois-cents bahts pour autant de vêtements que nous souhaitions. Autrement est-ce cent bahts le sac. Nous rentrâmes à la fondation vers 19h15. Notre sac pour demain est prêt, notre correspondance est à jour, nos tâches accomplies. Allons prendre un repos bien mérité aujourd’hui.


15 février 2003

Song Yae (Issan, Thaïlande), 13h16.

Nous quittâmes la fondation avec la moto du père (et sa permission) vers 9 heures pour y arriver quarante kilomètres plus loin et trois quarts d’heure plus tard. Un plein fut largement suffisant. La sœur principale Somjai et le père Somlong furent tous deux surpris de nous voir arriver sur une moto… Un camp d’anglais est organisé ce week-end à l’école ; voilà donc la raison de notre présence ici. Il débuta à 9 heures. Nous eûmes à peine le temps de déposer nos effets dans notre chambre que la sœur principale Somjai, pleine de son enthousiasme habituel, s’empressa de nous faire découvrir les ateliers un à un. En tout, il y en a cinq et ils sont animés par des étudiants d’Ubon. Au second, Miss Sirannee nous rejoignit et c’est avec elle que nous continuâmes notre visite. Au cinquième atelier (phonétique), nous restâmes quelque temps mais ne jugeâmes pas utile d’intervenir ; nous n’en avions pas envie, déjà, puis les étudiants d’Ubon étaient de toute manière bien plus qualifiés que nous. À midi, nous allâmes manger chez les sœurs.

17h01.

Nous suivîmes deux ateliers en début d’après-midi et, voyant que nous n’étions toujours pas vraiment utile, nous allâmes faire un tour de moto, histoire de prendre quelques clichés plus loin que les fois précédentes grâce à elle. Nous passâmes au retour par ban Kutchum pour chercher un 7-11 mais nous devrons hélas attendre Yaso pour trouver un donut ; d’ailleurs, retournons-y.

Yasothon (Issan, Thaïlande), 21h37.

Nous sommes actuellement dans notre lit, à Homehak. Ce n’est pas correct mais nous prétextâmes au père Somlong que nous avions oublié d’envoyer un courriel important et qu’il fallait le faire à tout prix avant dimanche. Nous n’avons aucune excuse : nous voulions bouger car le camp nous ennuyait et que ce n’était pas la grande forme. Nous quittâmes donc ban Song Yae à 17h15 et arrivâmes à Yaso avant la nuit, vers 17h50. L’entrée de la fondation était encombrée. Un couple franco-thaï et ses deux enfants vivant à Bangkok venaient visiter leur filleul. Lorsque nous arrivâmes, ils partaient avec le père Auguste et Alexandra manger au restaurant. Nous demandâmes si nous pouvions en être et ils n’y virent pas d’inconvénient ; le temps de prendre une douche et nous étions prêt. Nous mangeâmes un sukiaki, comme la dernière fois avec Claire pour fêter l’arrivée d’Alexandra. Le filleul, sa mère et sa sœur étaient évidemment présents eux aussi. Ils parlèrent d’un tas de choses et nous apprîmes notamment que le Canada et le Mexique se joignent à la position française sur l’Irak et que Dominique de Villepin avait reçu une vive acclamation pour son discours à la tribune de l’ONU. Cela apprendra aux Étasuniens de traiter la France et l’Allemagne de restes d’une vieille Europe ! Le repas fut bon et la soirée excellente. Le couple nous ramena à la fondation tandis que le père Auguste rentrait chez lui. Demain, nous nous lèverons tôt car nous promîmes à la sœur principale Somjai que nous serions présent pour l’ouverture de la seconde journée de l’English Camp. Notre moral va mieux ; revenir passer la soirée ici fut une bonne idée.


16 février 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 6h10.

Nos effets sont prêts, nous partons pour ban Song Yae. Profitons de cette heure matinale pour acheter quelques beignets au marché.

Song Yae (Issan, Thaïlande), 7h26.

Le père Somlong donne la messe à l’église près de l’école, le perroquet parle aux enfants et les écoliers se préparent pour la seconde journée du camp ; le temps est couvert. Allons nous reposer jusques à 9 heures.

Ubon Ratchatani (Issan, Thaïlande), 20h01.

Il s’avéra que le camp s’achevait ce matin ; à 10h30, tout le monde rentrait chez soi. Avec les élèves restants et les étudiants de la Rajabhat Institute, nous fîmes une partie de volley sous le préau. Ensuite, ces derniers nous proposèrent de venir avec eux à Ubon. Ils demandèrent à la bienveillante sœur principale Somjai qui leur donna son accord et à nous trois-cents bahts pour notre séjour là-bas.

Notre pensée profonde . Ô joie !

Nous sommes donc en ce moment dans la maison de John, l’un des étudiants qui nous accueille pour la nuit. Nous écrivons notre carnet au milieu de sa famille qui regarde la télévision. Nous prîmes une douche et pouvons, Fidèle, te raconter notre journée. Nous n’allâmes pas à Ubon directement, loin de là ! Ils voulaient tous visiter un temple réputé pour sa splendeur : le Phanum Vit Temple. Après environ trois quarts d’heure de route, nous y parvînmes. Ils avaient loué un sang teo, ce qui fut bien pratique. Une fois sur place, il fallut payer le trajet en pick-up car le temple se trouve en haut d’une colline (tout en haut !) et que notre bus aurait péri avant de l’atteindre. Nous avions une autre solution : les mille marches par quarante degrés… Tu comprends notre dilemme à tous… Ce temple est effectivement magnifique. Il semble assez récent, certaines ailes étant encore en construction. Nous montâmes les cinq étages. Laisse-nous à ce propos te recommander de ne pas y aller un dimanche, si d’aventure ça te pète de venir dans un coin aussi paumé, naturellement ! Il devait y avoir une commémoration particulière, nous ne savons. Toujours est-il que nous mîmes une demi-heure pour joindre le sommet, par les petits escaliers en colimaçon, au milieu d’une foule impatiente de bonzes et de fidèles, par une chaleur insoutenable. Cela valait le coup cependant car nous nous amusâmes beaucoup et la vue est imprenable au sommet du temple. Vers 14h45, à la fin de la visite et après de nombreux clichés, nous dînâmes au petit marché près du temple. Fact, un autre élève, demanda à deux femmes qui mangeaient du riz gluant au coco dans des bambous où nous pouvions en trouver ; elles ne nous indiquèrent rien mais nous en offrirent deux. Ensuite, il nous commanda un khao pat végétarien ; la sœur principale Somjai lui avait dit avant de partir que nous ne mangions pas de viande et prié de prendre soin de nous. Nous nous rendons compte maintenant que nous numérisons ces lignes, avec le recul, que nous tombâmes vraiment sur des gens exceptionnels. Aujourd’hui, nous pûmes enfin nous baigner et nager puisqu’ils s’étaient mis d’accord pour aller évacuer le stress et la fatigue accumulés pendant l’English Camp. C’est SUR le bus que les garçons et nous-même fîmes le trajet. C’était assez sanuk pour être franc. Sur la route, naturellement, tout le monde nous regardait. Au lac artificiel, les garçons et quelques filles seulement se baignèrent, habillés – nous nous sentions bien isolé, vêtu d’un simple pantacourt. Pour tous, cela fut un grand moment de détente et d’amusement. L’après-midi passait et il fallut penser à rentrer sur Ubon car le chemin était long. Après un passage obligé à la station essence où nous achetâmes un Pepsi et un Fanta, nous reprîmes la route. Nous fîmes la moitié du chemin sur le bus où nous apprîmes à connaître davantage les garçons et l’autre moitié avec les filles à l’arrière du bus où nous jouâmes à un jeu simple avec un flacon de talc. Il consistait à se le passer au son d’une musique jouée par Fact à la guitare et en frappant des mains. Au coup de sifflet, celui qui avait le flacon dans les mains était aspergé de talc par les autres ; un jeu très thaï, très con, et finalement très marrant. À Ubon, nous nous arrêtâmes à la Rajabhat Institute. Tout le monde descendit du bus et nous patientâmes un moment. C’est là que Fact nous annonça qu’il nous invitait tous pour dîner. Nous allâmes donc à pattes nous préparer pour la party avec John. Sa famille nous accueillit avec bonheur ; nous nous sentîmes de suite à l’aise. Nous sommes actuellement prêt et attendons un autre étudiant pour aller à la party.


17 février 2003

Ubon Ratchatani (Issan, Thaïlande), 8h08.

Quelle nuit ! Nous n’eûmes pas une minute pour écrire ce carnet tellement elle fut chargée. Fact vint nous chercher à 22 heures en nous apportant du lait et du pain de mie. Il prit vraiment soin de nous, c’est le moins que nous puissions écrire ! Nous rejoignîmes les autres à l’université et, en attendant les derniers, nous allâmes au 7-11 d’en face acheter des donuts et un Pepsi. Ah, si les 7-11 n’étaient pas là, mais que ferions-nous ?! Nous surprîmes d’ailleurs Fact et les filles en mangeant autant qu’eux. Tout fut organisé pour les transports et vers 22h30, à trois sur une moto, nous partîmes pour Koodua Beach, à quatre ou cinq kilomètres d’Ubon. Ce n’est pas réellement une plage mais tout comme : il y a du sable, la rivière et de charmants petits bungalows flottants reliés par des pontons en planches et bambous plus ou moins stables. Nous étions sur le plus avancé dans la rivière et le plus grand aussi ; nous étions nombreux. Au son de la musique philippine jouée par un étudiant à la guitare, nous mangeâmes et discutâmes, beaucoup (de l’Europe, de la France et de nous principalement). Ils voulaient tout savoir ! Vers 1h30, alors que tout le monde semblait vraiment fatigué, nous rentrâmes nous coucher. John nous laissa son lit et nous dormîmes comme un loir. Nous ne savons pas le programme de la journée, c’est une surprise ! Nous savons seulement qu’à 14 heures, nous devrons prendre le bus de retour pour Yaso.

Song Yae (Issan, Thaïlande), 21h24.

C’est vers 10h15 que nous rejoignîmes la Rajabhat Institute pour y petit-déjeuner et assister au Congratulation Day, notamment de l’English Major (promotion des étudiants). Fact nous présenta à deux de ses professeurs d’anglais, deux Étasuniens de la cinquantaine, très présentables, assez sympathiques et très… occidentaux. À peine pouvaient-ils dire « Merci ! » en thaï sans un fort accent ! Nous parlâmes un peu et ils nous confièrent que cela ne servait à rien de parler thaï quand on enseignait l’anglais, que c’était la meilleure façon de forcer ses élèves à parler l’anglais pour communiquer avec eux. Mouais… N’étant pas du tout convaincu et ne voulant pas perturber Fact avec une verve trop acide, nous lui fîmes simplement comprendre que nous n’approuvions pas vraiment leur méthode et feignîmes la noble indifférence avec ces deux coloniaux sur le retour qui nous étaient présentés. Nous bûmes ensuite un jus de fruits à la cafétéria de l’université. Ah ! Nous oublions qu’avant cela, deux filles nous demandèrent si elles pouvaient prendre une photo avec nous, chacune leur tour. Nous acceptâmes et la première nous offrit une rose : « Welcome to Thailand ! » ; attention tout à fait charmante ! Après le repas, Eak, John, Fact et nous-même allâmes chercher un cybercafé pour surfer un peu sur la toile. Le premier était plein et le second avait une connexion pourrie. En une heure, nous eûmes à peine le temps de lire un article du monde sur l’Irak : Condolezza Rice y soutenait que « les efforts diplomatiques de l’Europe et de l’ONU pour éviter une guerre inutile et résoudre une fois pour toute la question irakienne ne dureraient plus longtemps ! » S’ils pouvaient se prendre une météorite sur la gueule, ces cons-là… De retour à la Rajabhat Institute, alors que Fact garait sa moto, nous croisâmes un autre professeur d’anglais, un vieux monsieur avec lequel nous fîmes connaissance quelques minutes. Au bout d’un moment, nous lui demandâmes s’il parlait thaï ; il nous répondit que non, que c’était mieux pour les étudiants, que cela les forçait à parler anglais et qu’enfin, ils ne pouvaient pas bien parler et thaï, et anglais.

Notre pensée profonde . Vous vous êtes passés une note de service ou quoi ?

Là, nous comprîmes tout de suite ce que Claire nous avait dit à propos d’une enseignante anglaise ou étasunienne, nous ne savons plus : le même type de personne pédante. Nous lui expliquâmes notre position, que nous pensions que nous nous devions d’enseigner l’anglais sans oublier qu’ils étaient thaïs avant tout et que la langue internationale, puisque c’est ce qu’elle était, ne devait servir qu’à la communication entre les peuples, rien de plus. Nous entendîmes un « hum, hum » et il prétexta avoir de nombreuses photos à faire, ce qui était vrai. Nous en conclûmes que ce genre d’enseignants n’est là que pour former de bons petits citoyens du monde que les Étasuniens aiment modeler à leur image. Nous nous promîmes à ce moment-là d’en parler avec les enfants le lendemain. Mais est-ce vraiment notre rôle ? Tiens, il pleut ! Notre première averse en Thaïlande, nous nous demandions pourquoi les grenouilles chantaient. Pour en revenir à notre petite histoire, nous parlâmes de tout cela avec Fact, présent lors de la conversation, et il nous assura qu’il ne souhaitait en aucun cas apprendre les coutumes en même temps que la langue et qu’il était fier d’être Thaï, ce qui nous rassura vivement. Nous avions faim alors allâmes-nous manger un khao pat à la cafétéria. À 14h10, ils nous conduisirent à la gare routière où nous achetâmes notre billet dans un bus AC (Air Conditioner) pour Yaso, cinquante-trois bahts. Puisqu’il ne partait qu’à 14h50, nous en profitâmes pour échanger nos téléphones et courriels. Avec ce que nous vécûmes ensemble, nous étions amis désormais. Ils nous assurèrent qu’à notre prochain passage à Ubon, ils nous accueilleraient tous avec joie et John nous dit que sa maison était la nôtre. Quant à nous, nous n’avions pas grand-chose mais leur assurâmes que nous répondrions présent le jour où ils auraient besoin de nous, pour quoi que ce fût. Notre bus entra en gare à l’heure et Fact nous accompagna à l’intérieur. Il était bondé et nous dûmes nous asseoir sur le sol, devant, en face d’une fille charmante que, comme un con, nous ne sûmes aborder… Quel voyage aussi pour se rendre à ban Song Yae ! Une fois à Yaso, nous prîmes un sang teo pour ban Kutchum (vingt bahts). De là, nous voulions prendre une mototaxi mais quand nous demandâmes son prix au conducteur, il nous annonça cinquante bahts ; quel connard !

Nous . Maï pen raï !*

Ce n’était pas grave, en effet. Nous allâmes nous acheter du lait et commençâmes de marcher vers le ban (quatre kilomètres). Au quart du chemin, nous vîmes un jeune garçon arrêté sur le bord de la route, assis sur sa moto. Quand nous passâmes devant lui, nous entendîmes un : « Louis, want to go ? » Quelle ne fut pas notre surprise ! Il s’agissait d’un de nos plus discrets élèves et nous ne l’avions pas reconnu. Certes, cela put sembler très étrange, un farang derrière un garçon d’une douzaine d’années à peine sur une moto à 60 km/h, mais il nous fit tellement plaisir en nous posant cette question que cela ne nous importa que peu. Arrivé à l’école, nous lui demandâmes son prénom et lui donnâmes dix bahts pour son essence. Nous n’en revenons pas encore : quand nous y repensons, un sourire incontrôlable pare notre visage ! Mis à part quelques ados qui jouaient au Sepak Takraw (volley-ball avec les pieds), l’école semblait vide. La maison des pères était fermée ; nous allâmes donc chez les sœurs. La sœur Supreyakhon faisait la cuisine et avec sa manière tellement particulière (puisqu’elle ne parle anglais qu’avec modération), elle nous fit comprendre que les pères étaient à Ubon et que la sœur principale Somjai était allée nous chercher à Yaso. Cela nous ennuya de savoir que ne nous y voyant pas, elle pouvait s’inquiéter, de même pour les volontaires de Homehak. Finalement, la sœur Jiou qui était restée elle aussi nous rassura en nous disant qu’elle leur avait téléphoné. La sœur Supreyakhon nous ouvrit la maison des pères, qui est à nous tout seul pour la semaine. Nous prîmes une douche et les rejoignîmes pour le dîner. Nous communiquâmes beaucoup, ce qui fut une bonne chose. Demain, nous nous levons tôt et le bruit de la pluie sur la tôle du toit ne va sans doute pas nous bercer.


18 février 2003

Song Yae (Issan, Thaïlande), 17h20.

Cette journée n’est pas du tout excitante à raconter. Nous enseignâmes les prathom 5.1, 5.2, 6.1, 4.2 et les matayom 1 jusques à 15h30 puis allâmes nous perdre un peu dans la campagne avec la moto pour finalement ne ramener aucun cliché. Bref, nous supposons que les jours ne peuvent pas tous être sanuk

19h09.

Les piqûres de moustiques nous fatiguent ce soir, au sens propre du terme. Nous avons l’impression d’avoir gravi le K2 ; enfin… nous supposons que ceux qui le font doivent ressentir cela ! Nous couvons quelque chose. Nous mangeâmes donc en vitesse et la sœur principale Somjai nous pria de vite aller nous reposer car nous étions aussi blanc qu’un cachet d’aspirine, ce que de ce pas nous allons faire.


19 février 2003

Song Yae (Issan, Thaïlande), 8h45.

Nous passâmes finalement une excellente nuit, très longue. Ce matin, nous mangeâmes chez les sœurs, sans la sœur principale Somjai qui devait être à jeun pour une visite à l’hôpital. Nous sommes actuellement sur notre lit, n’assistâmes aujourd’hui ni au lever des couleurs, ni à la prière du matin, et n’avons foutrement aucune idée du sujet que nous allons bien pouvoir traiter avec nos élèves… Tout va bien donc !

14h13.

Ayant une heure de libre, nous allâmes faire le plein de la moto pour demain. Avec les prathom 6.2, 5.1 et 4.1, nous parlâmes des peuples du monde et des pays sur Terre. Nous organisâmes cela en jeu ; il leur suffisait de nous citer le nom d’un pays, son continent, le nom de ses habitants, la langue qu’ils parlent et nous échangions nos commentaires (autant que faire se pouvait). Cet après-midi, en première heure, nous travaillâmes une chanson avec les prathom 6.1 : la version de Que Sera Sera par Pink Martini. Comme nous n’avions pas encore le poste à disposition, nous dûmes chanter pour donner le ton et nous apercevoir qu’à force de crier en cours, nous n’avions plus de voix ! Demain, nous aurons la salle d’histoire et son lecteur VCD. Peul nous dit que nous allions après la fin des cours chez un professeur qui possède une connexion à l’Internet ; ainsi pourrons-nous nous connecter. La cloche sonne, c’est l’heure du break. Allons boire un Pepsi chez les sœurs.

21h27.

Chanter avec les matayom 1 n’est pas de la tarte ! Par ailleurs, nous n’avions vraiment plus de voix. Le temps où nous chantions Britney fort et juste est révolu, c’est à craindre ; adieu notre carrière de Folle du Désert… À la fin du cours, nous dûmes d’ailleurs cette fois-ci signer un CD d’elle ! Nous allâmes prendre un yoghourt dans la chambre, le temps que les élèves terminassent leur prière et que la coursive s’éclaircît un peu, et attendîmes Peul dans le bureau de la sœur principale Somjai. Elle avait du travail et nous ne voulions pas paraître pressant alors parlâmes-nous avec la sœur Jiou qui nous dit partir au soir dans son village pour visiter sa famille car son père avait eu un accident domestique. Nous espérons sincèrement que ce n’est pas grave ! Dix minutes plus tard, nous partîmes avec Peul, sur sa moto, en direction de ban Kutchum. La maison du professeur chez qui nous allâmes se trouve un peu après la ville sur la route de Yasothon. Nous fûmes accueilli à bras ouverts. Nous commençons à avoir l’habitude, c’est agréable et ces gens nous sont sympathiques. La connexion à l’Internet de nos hôtes était très lente et nous ne pûmes finalement pas envoyer ce que nous voulions. Alors que nous nous battions avec le bouton send, nous entendîmes derrière nous un grand « Louis ! » Nous nous retournâmes et vîmes la sœur principale Somjai qui était venue nous avertir que nous devions dîner seul car les trois sœurs allaient avec la sœur Jiou dans son village natal. Nous lui répondîmes qu’il n’y avait aucun problème, que nous nous achèterions à manger à ban Kutchum, regrettant seulement de ne pouvoir inviter quelques amis à venir faire la fête à la congrégation… Une fois les sœurs parties, Peul nous proposa au nom de nos hôtes de rester manger avec eux. Nous acceptâmes, naturellement, et allâmes faire quelques courses pour l’occasion. Avant cela, nous fîmes la connaissance de son second frère. Au supermarché, elle nous laissa sa moto pour que nous rentrions à ban Song Yae car nous voulions prendre une douche avant la nuit, le froid et les moustiques. Quant à elle, elle resta acheter des légumes, nous affirmant qu’elle pouvait rentrer avec le bus. Nous tombons vraiment sur des gens adorables : notre esprit critique, cynique et désabusé va mettre des années à s’en remettre ! Nous prîmes donc une douche en vitesse et, au retour, fîmes le plein de sa moto ; telle était la moindre des choses. La soirée se déroula paisiblement, nous parlâmes de tout et de nous-même, pour changer. À la fin du repas, nous essayâmes de voir si l’Internet fonctionnait mieux et pûmes finalement envoyer notre message. Peul nous raccompagna avec sa moto au village, nous jouâmes quelques minutes avec le chiot de la sœur Jiou, Toto, et rentrâmes nous mettre au lit. Aujourd’hui, la sœur principale Somjai enleva de notre emploi du temps les prathom 4 car, trop jeunes, ainsi que nous lui en avions déjà parlé, ils ne comprennent pas un traître mot de ce que nous racontons en anglais. Demain, nous aurons donc notre premier cours à 10 heures mais il est toutefois préférable que nous nous couchions tôt car la cloche, elle, est une chieuse de première heure !


20 février 2003

Song Yae (Issan, Thaïlande), 8h28.

Nous dormîmes si bien que nous peinons à nous complètement réveiller. Nous fîmes également un rêve dont nous ne nous souvenons hélas pas mais nous savons qu’il était bon. Ne nous demande pas pourquoi, Fidèle ; sans commentaire. Par ailleurs, nous n’avons que trois heures de cours aujourd’hui et pourrons partir pour Yaso vers 15 heures, avec l’espoir de trouver la lettre que nous attendons tellement. Nous chanterons ce matin avec les prathom 6.1 et les matayom 1 ; tout va bien. La sœur Jiou nous dit à table que son père se portait mieux. Le père Somlong revint quant à lui de Chong Mek dans la nuit mais repartira dans l’après-midi. Nous sommes libre jusques à 10 heures et pensons dormir, à la mode thaïe.

13h13.

Après un sommeil d’une heure, après avoir enseigné la formule to be going to aux prathom 5.2, nous pûmes chanter avec les matayom 1 dans la salle d’histoire. Le professeur Loomarin était également présente mais le résultat ne fut pas franchement satisfaisant. Enfin… Le plus important est que nous amusâmes vraiment et que nous parlâmes anglais – nous sommes là pour cela, après tout ! Pour autant, nous désespérons de pouvoir leur faire chanter Que Sera Sera juste, même si la chanson leur plaît beaucoup. Nous avons une heure de libre et, après, nous recommencerons l’expérience avec les prathom 6.1.

Yasothon (Issan, Thaïlande), 23h58.

Nous venons de faire quatre-vingts kilomètres avec la moto, seulement parce que nous n’avions pas sommeil. C’est peut-être idiot mais au moins maintenant sommes-nous fatigué ! Nous allâmes jusques au 7-11 de Selaphun, achetâmes un donut et un Pepsi, mangeâmes sur la moto et rentrâmes. Petite parenthèse, nous venons de foutre un bordel monstre dans la colonne de fourmis qui passe sur le mur de notre chambre d’une fenêtre à l’autre, en coupant leur voie avec un stick anti-moustiques. Nous nous demandons comment elles vont s’en sortir ; affaire à suivre… Autrement, notre après-midi fut assez intéressant. Nous fîmes donc chanter les prathom 6.1, plus assidus que les matayom 1 ; nous sommes impatient de les revoir ! À la fin de la leçon, nous allâmes voir les sœurs Somjai et Jiou pour leur souhaiter un bon week-end, prîmes nos effets et partîmes vite pour éviter la pluie. Naturellement, ce fut peine perdue ! Nous dûmes rouler pendant un peu plus de trente kilomètres sous un déluge opaque et frais. Nous fîmes une courte halte sous un arrêt de bus afin de protéger ce carnet et d’autres effets importants. Nous ne voyions pas la route à vingt mètres de toute manière ; c’était assez sanuk. Nous arrivâmes à Yaso trem-pé ; terrible ! Heureusement, la pluie ayant cessé, nous eûmes le temps de sécher jusques à Homehak. Il devait être environ 16 heures lorsque nous descendîmes de la moto. Les enfants étaient rentrés de l’école ; une autre Bambou, Aèle, travaillait dans la grande salle le budget de l’année ; Claire était de retour et avait fait des achats pour l’infirmerie (casiers, verres, etc.) ; un nouvel enfant et sa mère étaient arrivés ; Nang avait fugué ; nom Nout était à l’hôpital pour cause de rechute… Beaucoup de choses avaient changé à Homehak en notre absence. Nous nous mîmes au courant après avoir pris le temps de déposer notre linge à la laverie de Yaso. Claire nous apprit que le père Auguste, Agathe (une jeune pédiatre d’EDM), Benoît (un autre Bambou) et quelques enfants étaient allés à ban Song Yae visiter sa belle église. Nous dûmes les croiser sur la route mais avec le déluge, rien d’étonnant à ce que nous les ayons manqués. Ils revinrent vers 17 heures, suivis quelques minutes plus tard par deux routards, Sophie et Jérôme, qui font le tour du monde en scooter depuis dix-huit mois. Ils avaient déjà été en Amérique du Sud et passaient maintenant par l’Asie du Sud-Est. Avant de venir à la fondation, ils demandèrent l’autorisation d’y faire une halte de deux journées. Pour le plus grand bonheur des enfants, nous voilà maintenant huit farang (si nous comptons le père Auguste) à Homehak ; c’est quand même très momentané. Nous commençons à être fatigué et n’ayant rien à ajouter de particulier à ce carnet, allons nous coucher.


21 février 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 23h48.

Avant toute chose, nous avons quelque choses de primordial à noter : nos fourmis réussirent pendant la nuit à ouvrir une brèche dans notre barrage chimique. Si cela n’est pas de l’intelligence, même primaire, nous ne comprenons plus rien ! Nous ne voyons pas grand-chose d’intéressant à noter de toute manière et serons donc concis. Ce matin, le père Auguste, pi Tiou, Claire et Alexandra allèrent à Ubon pour le devis d’un forage. Quant à nous, nous restâmes à Homehak avec les Scooters, parlâmes de leur voyage, bricolâmes – enfin, nous regardâmes surtout Jérôme faire… – et allâmes en ville faire du shopping après dîner. À notre retour, tout le monde était revenu de Ubon avec une bonne nouvelle : la fondation aura de l’eau potable à l’avenir. Dans l’après-midi, le père Auguste ramena avec lui les deux parrains de pi Esso, de passage en Thaïlande pour les vacances. Nous travaillâmes beaucoup sur l’ordinateur aujourd’hui. Vers 16h30, alors que nous partions pour le centre-ville, Sophie et Jérôme commençaient leur présentation de la France avec l’aide de Claire pour la traduction, d’une carte et de quelques photos pour l’illustration. La sœur nous demanda si nous pouvions la raccompagner. Ce fut donc la première fois que nous conduisîmes une sœur, qui s’assit sur la moto comme l’aurait fait une lady anglaise sur un cheval ; nous étions mort de rire ! Tout se passa très bien et les gens dans la rue étaient très surpris, nécessairement. Nous retournâmes ensuite à la fondation. Tous les farang présents allaient manger dehors, sauf nous qui prétextâmes un travail urgent sur l’ordinateur, ce qui était vrai mais pas suffisamment pour refuser telle invitation ; nous voulions seulement être un peu tranquille. Nous nous rendîmes dans le centre, mangeâmes des frittes à la galerie – nous tombâmes d’ailleurs sur un marchand qui parlait anglais – puis allâmes chercher nos vêtements à la laverie et, après un petit passage obligatoire au 7-11 pour l’approvisionnement en donuts et Pepsi, nous rentrâmes à Homehak. Les farang revinrent à 23 heures environ et Alexandra nous annonça de suite qu’ils étaient tombés en rade sur la route et avaient dû faire appel au père Auguste pour les dépanner ! Un jour, Fidèle, nous te parlerons de notre malédiction et de l’une de ses branches que nous n’expliquons pas : la prescience passive.


23 février 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 8h05.

Nous comptions dormir un peu plus mais les enfants crièrent sous notre fenêtre pour que nous leur ouvrions les portes du bâtiment ; pi Esso avait besoin d’aller dans la réserve. Hier, nous repoussâmes sans cesse l’écriture de ce carnet et finalement nous endormîmes-nous sans même y déposer une ligne. Voici donc le récit de samedi. Nous nous réveillâmes à 7h10 et nous levâmes à 8 heures. En début de matinée, nous regardâmes les Scooters petit-déjeuner à la française (pain grillé, confiture, café…), ce qui nous donna envie de donuts. Nous allâmes en acheter au 7-11. Alexandra avait besoin de poster une lettre alors passâmes-nous par la Poste, puis par le marché où nous nous achetâmes deux petits sacs (un pour nos notes, l’autre pour nos bahts), puis à la laverie, puis… nous crevâmes la roue arrière sur le chemin de la clinique où se trouve nom Nout ! Nous la poussâmes donc jusques au premier workshop que nous vîmes, c’est-à-dire devant la gare routière, mais ils ne semblèrent pas du tout se presser pour nous dépanner. Après un quart d’heure d’attente, nous prîmes la moto et la garâmes devant le cybercafé. Avec Alexandra, nous marchâmes en direction de la clinique pensant y trouver encore Claire qui n’était pas loin. La sœur Nonlak était avec elle et en fin de compte elle nous trouva un workshop compétent et surtout rapide à environ deux cents mètres sur la gauche de la gare routière. Pendant qu’Alexandra allait voir nom Nout à pattes, nous attendîmes la moto. Il fallut changer la roue car elle était bien abîmée. Nous en eûmes pour deux-cent-vingt bahts, moins les cent-dix qu’Alexandra nous avait avancés. Pour les Thaïs, c’est un peu cher mais si l’on divise par quarante-cinq, pour les Européens… Et puis fallait-il le faire ! Nous rejoignîmes Alexandra à la clinique qui nous dit que nom Nout n’était plus dans sa chambre, ce qui nous inquiéta jusques à notre arrivée à la fondation où Claire nous rassura : on l’avait simplement changée de chambre.

Song Yae (Issan, Thaïlande), 18h54.

Décidément, notre retard s’accumule ; nous sommes déjà au village. Continuons notre récit d’hier… Hum ! Et bien non, il faut aller manger.

19h39.

Bon, cette fois, c’est la bonne ! L’après midi, nous restâmes à la fondation avec les enfants. Nous fîmes un football puis un volley et nous allâmes chercher dans les bois alentours des fruits qu’ils appellent papayes (mais n’en sont pas…), des sortes de graines noires en branches très âpres et dont notre palais garda un assez mauvais souvenir. Nous les observâmes donc et voilà leur technique : monter sur l’arbre, casser les branches et ramasser celles qui ont des fruits ! C’était affligeant, il fallut nous excuser auprès de chaque arbre. Après un moment, nous leur expliquâmes que l’on pouvait cueillir des fruits sans détruire ceux qui les produisaient. Ils ne comprirent pas grand-chose mais comment pouvons-nous, seul, changer une éducation de plusieurs années ? Le père Auguste, Claire, Alexandra, les parrains de pi Esso et lui-même allèrent vers 16h30 à Kutchum, son ban natal. Quant à nous, nous restâmes à la fondation. Puisque tout le monde était installé devant un DVD, nous allâmes au 7-11 acheter de quoi nous faire un petit-déjeuner. Nous t’assurons, Fidèle, que cela nous avait manqué. Pour la première fois depuis notre départ, nous pûmes tremper une tartine dans du lait ! Le soir, nous dûmes conduire Claire à la clinique car elle voulait dormir là-bas. Nous revînmes doucement avec pi Yin car sa moto n’avait pas de phare et que nous éclairions pour deux, avant de nous coucher vers 23 heures. Aujourd’hui, une femme travaillant au ministère de la santé et son mari instituteur déposèrent à la fondation, comme un sac poubelle, le frère de celle-ci qui a le SIDA et dont elle ne veut pas s’occuper. Elle dit clairement à pi Tiou : « Soit vous le prenez – il dormira par terre c’est pas mon problème –, soit je le laisse au prochain arrêt de bus pour qu’il ait au moins un abris où se coucher. » Que veux-tu faire devant tel cas, Fidèle ? Pi Tiou, qui a un grand cœur, le recueillit donc ; le père Auguste, quant à lui, quitta la conversation et nous avoua plus tard que s’il était resté, il serait rentré dans cette espèce de déchet ministériel. Malgré cela, lorsque nous l’accompagnâmes acheter le Bangkok Post, il ajouta dans la voiture qu’il croyait encore en l’Homme et qu’il ne comprenait pas notre vision des choses à propos de Mère Nature, venant presque à la critiquer. Il ne la croit pas palpable, ce sur quoi nous faillîmes lui demander en quoi son dieu l’était davantage… Tel est le sujet de conversation qui nous divise (et pas des moindres !), mais gentiment heureusement. Le reste de la journée n’eut pas grande importance ; allons donc nous coucher car demain sera une longue journée.


24 février 2003

Song Yae (Issan, Thaïlande), 9h43.

Pas si longue que cela en fin de compte ! Nous ne savions plus où nous avions mis notre planning et nous demandâmes donc à un professeur d’anglais dont le nom nous échappe de nous le refaire. Nous avons désormais beaucoup moins d’heures ; on se croirait à la fac. Voici notre emploi du temps :
Lundi 11h05 - 12h00 ; 13h40 - 15h30 ;
Mardi 9h10 - 10h00 ; 12h50 - 14h30 ;
Mercredi 12h50 - 13h40 ;
Jeudi 10h15 - 11h05 ; 12h50 - 13h40.
Ce n’est vraiment pas beaucoup et nous ne nous en plaindrons pas… Dans un mois, les grandes vacances, soit six semaines de repos à consacrer à la fondation et nous reprendrons, sauf si… Nous écrivîmes une lettre à notre grand-père, ce matin. Pour quarante-neuf bahts, le postier nous dit qu’elle arriverait dans sept jours – avec les mentions Air Mail, Priority et Express accolées dessus, tout de même ! Dans deux semaines, nous pourrons donc nous attendre à une réponse. C’est si long… L’Occident, les livres, la télévision et les informations nous manquent. Nous aimerions pouvoir sentir l’Europe, les odeurs de la Sainte-Victoire, et repartir à nouveau. Nous ne croyons pas cependant que l’on puisse appeler cela de la nostalgie ; il nous faut juste des pauses dans nos aventures. Nous ne sommes pas du tout un garçon sédentaire mais avons besoin d’un port d’attache (dans notre esprit : une forteresse médiévale plantée sur quelques centaines d’hectares de verdure).

18h05.

Il est bientôt l’heure de dîner ; dépêchons-nous. Cet après-midi, nous n’eûmes que les prathom 5.1, puis les 5.2 à enseigner. Avec les premiers, nous fabriquâmes des équipes et jouâmes à une sorte de Questions pour un champion en anglais, histoire de rendre le cours un peu plus sanuk. Cela fonctionna plutôt bien et ils semblèrent apprécier. Nous n’aimons pas vraiment les compétitions mais nous croyons que le système instauré à Poudlard fonctionne plutôt bien… Pourquoi ne pas en faire autant ici ? Après tout, ce ne sont que des enfants et les enfants aiment se comparer ; laissons-les donc faire ! Avec les prathom 5.2, le professeur Loomarin nous demanda de travailler un sujet bien précis et nous ne pûmes donc pas renouveler l’expérience. Après le cours, nous fîmes un tour de moto pendant environ deux heures. Nous parlâmes – communiquâmes serait plus juste – avec un paysan à propos de ses champs mais il ne voulut hélas pas figurer sur l’un de nos clichés, qui étaient flous d’ailleurs. Sur un chemin de forêt trop étroit, un homme en moto qui arrivait en face dut brusquement tourner pour éviter de nous percuter. Comme c’était du sable, il se retrouva dans le décor boisé ; bien fait pour lui, il n’avait qu’à rouler du bon côté et surtout moins vite. Nous nous assurâmes qu’il pouvait repartir d’un coup d’œil et continuâmes sans nous arrêter. Encore un qui ira mettre tout le malheur du monde sur les Occidentaux ! De retour à la maison des pères, nous prîmes une douche et nous mîmes à la rédaction de ce présent carnet. Beaucoup de questionnements fusent dans notre tête en ce moment, toujours les mêmes d’ailleurs. Les réponses mettent tellement de temps à venir… Bon, allons dîner ; le père nous appelle et le tonnerre gronde.

19h17.

Les sœurs et le père Otto en visite chez le père de la sœur Jiou, nous soupâmes donc seul avec le père Somlong. Nous parlâmes de nos goûts culinaires respectifs. La conversation se faisant, nous lui expliquâmes notre point de vue sur l’anglais utile comme langue de communication seulement et il nous approuva. Nous parlâmes de la Chine aussi, très présente dans la vie thaïe comme dans toute la vie sud-asiatique. Bref, nous mîmes quand même trois quarts d’heure ! La fatigue s’accroche à nos paupières ; au lit !


25 février 2003

Song Yae (Issan, Thaïlande), 7h50.

En fin de compte, hier soir, nous ne nous endormîmes que vers 23 heures. À chaque fois que le sommeil approchait, une nouvelle idée nous venait et nous devions l’écrire avant de la perdre. Nous aurons beaucoup de temps libre dans les semaines qui viennent pour lire, lorsque nous recevrons Le Seigneur des Anneaux que Nanou* nous envoya de France, mais aussi et surtout pour imaginer et réfléchir à notre évolution. C’est assez excitant, avouons-le ! Dans un peu plus d’une heure, avec les prathom 6.1, nous pourrons chanter.

20h29.

Peu de choses à écrire ce soir. Nos élèves chantèrent plutôt bien ce matin et après le cours, puisque nous étions libre deux heures, nous allâmes à ban Kutchum nous acheter gâteaux et jus de fruits que nous dégustâmes au bord d’un lac avec vue sur temple. Cet après-midi, les matayom 1 apprécièrent notre petit jeu par équipe, nous les sentîmes stimulés. Nous passâmes ensuite tout notre temps libre à flâner de rêverie en rêverie. Allons nous coucher car, à notre avis, nous ne nous endormirons pas avant deux ou trois heures.


26 février 2003

Song Yae (Issan, Thaïlande), 8h52.

C’est au son de la musique de l’orchestre de l’école qui nous rappelle la Shinra Corp. que nous rédigeons ce carnet. Vendredi prochain, il y aura une parade à ban Kutchum. Nous aimerions beaucoup y assister mais nous devrons nous rendre à la fondation, jeudi ; quel dommage ! Les sœurs nous gâtent beaucoup. Ce matin, pour le petit-déjeuner, nous avions du pain de mie coupé en tranches, du pain au raisin, ces beignets que nous aimons tant, des œufs, de la confiture, du Fanta et de la pastèque. Quant au père Somlong, il alla nous acheter tout un tas de gourmandises pour nos heures de break. Tel est le parfait régime que nous nous accordons pour devenir sumo… La sœur principale Somjai nous demanda si nous voulions rester ici après les examens de fin d’année. Honnêtement, nous ne savons même pas si nous serons encore en Thaïlande mais nous lui dîmes qu’il fallait que nous soyons présent pour les enfants de la fondation pendant les vacances. Nous avons notre matinée de libre. Profitons-en pour nous reposer et rêver.

18h06.

Nous nous endormîmes devant notre cahier d’écriture ce matin et nous réveillâmes juste à temps pour aller tenir la caisse du snack de l’école. Après dîner, nous donnâmes un cours aux prathom 6.1, toujours basé sur le jeu. Ensuite, nous ne perdîmes pas une minute pour aller chercher nos effets et de quoi goûter, puis nous prévînmes le père Otto et partîmes nous promener en moto ; et quelle promenade ! Nous marchâmes pendant un peu plus de quatre heures dans la colline – et quel que soit le dieu ici, il sait que trouver une colline relève presque du miracle dans l’Issan ! La route était en fait une large piste de terre rouge et les paysages étaient grandioses. Les farang doivent se faire extrêmement rares dans les ban où nous passâmes car tous et toutes faisaient de grands sourires à notre passage. Tu ne peux imaginer, Fidèle, comme il est agréable de rencontrer des gens si ouverts ! Notre seule inquiétude était de tomber en panne d’essence mais, ne faisant jamais demi-tour, nous continuâmes en comptant sur l’aide de notre bonne étoile que nous ne pourrons jamais assez remercier pour tout ce qu’elle fit déjà pour nous. Nous trouvâmes donc bien une station, dans un endroit où l’on s’étonne en général d’en voir une ; plus rien ne nous étonne depuis longtemps, cela dit. Pour quarante-deux bahts, nous pûmes faire le plein et apprendre qu’il n’était que 16 heures et que nous trouverions où dormir plus loin. C’était gentil de la part de la pompiste de nous l’indiquer même si nous n’en avions pas besoin. Nous continuâmes donc notre route vers nous ne savions où, tout droit. Enfin arrivâmes-nous à Nong Phok, un ban assez grand avec temple, école et route goudronnée. Il se faisait tard et ne voulant pas trop inquiéter les sœurs, nous décidâmes de rentrer. Notre sens de l’orientation nous indiqua de prendre à droite. Quelques minutes plus tard, nous tombâmes sur la route du Phanum Vit Temple, ce qui confirmait que nous étions sur la bonne voie. Nous essayâmes de nous dépêcher, essayant au maximum d’éviter les trous sur la route. Elle était vraiment longue, nous ne nous en étions pas rendu compte par la piste. Nous nous arrêtâmes au bord pour demander à une femme qui poussait sa charrette si ban Kutchum était encore loin ; elle nous indiqua tout droit et, en effet, dix minutes plus tard, nous étions à la maison des pères. Nous passâmes un excellent après-midi et aimerions renouveler l’expérience plus tard, toute une journée, voire plus. Nous arrivâmes dans notre chambre à 17h30 à peine, juste à temps pour prendre une douche et aller manger. D’ailleurs, c’est l’heure !

19h41.

Ce que nous vécûmes ce soir, peu de gens le peuvent vivre. As-tu déjà entendu trois sœurs avoir un fou rire sur un sujet aussi idiot (comme pour tous les fous rires) que les pets ? Et bien est-ce chose intéressante, laisse-nous te l’assurer ! Cela changerait radicalement l’idée que n’importe quel Occidental se fait d’un repas chez des sœurs catholiques. Elles avaient acheté toutes sortes de soupes et le sujet vint de lui-même. Nous t’épargnerons les détails mais nous nous marrâmes bien nous aussi ! Demain, nous n’aurons que deux heures de cours mais aimerions nous coucher tôt ; cela fait longtemps que nous n’avons pas rêvé.


27 février 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 22h03.

Nous ne réussîmes pas à dormir cette nuit alors en profitâmes-nous pour écrire des lettres à un peu tout le monde. Ce matin, pendant le petit-déjeuner, la sœur principale Somjai nous demanda si cela nous intéressait d’assister à la parade de fin d’année. Nous lui dîmes que nous devions rentrer à la fondation après l’école mais pouvions revenir tôt demain dans la matinée. Elle semblait plutôt satisfaite. Vers 9 heures, nous lui demandâmes si finalement nous ne pouvions pas rentrer à Yaso pour faire les choses que nous ne pouvions faire le lendemain et elle accepta de bon cœur, même si cela nous faisait manquer deux heures de cours. Nous y arrivâmes vers 10h30, dans une fondation étrangement silencieuse où il n’y avait plus d’eau. Nous allâmes avec pi Yin et Alexandra à la mairie pour en demander et une citerne nous fut promise. Nous préparâmes donc tout ce que nous pûmes pour la contenir (jarres, cuves, etc.). Le remplissage se transforma rapidement en jeu pour le staff et les enfants présents. Nom Nout est à Surin. Il est tard, la journée fut longue ; allons nous coucher.


28 février 2003

Song Yae (Issan, Thaïlande).

Beaucoup d’événements exceptionnels se produisirent aujourd’hui. Tout d’abord, la parade à ban Kutchum fut un vrai succès. Nous n’irons pas jusques à dire que nous nous y amusâmes beaucoup mais c’était sympa à voir. Nous nous levâmes tôt et ralliâmes l’école en moto, comme d’habitude. ban Kutchum avait à notre arrivée des décorations pour l’occasion. Nous allâmes déposer nos effets à l’école et joignîmes les enfants qui se préparaient dans la cour à monter dans leur bus pour aller parader, ban Song Yae ayant son propre orchestre – très improvisé, avouons-le, mais l’ensemble rendait assez bien toutefois. Nous suivîmes le convoi en moto jusques à ban Kutchum, jouant avec les enfants dans le bus en dépassant celui-ci sur la route et en nous laissant devancer de temps en temps pour laisser leur spontanéité s’exprimer sur la vitre arrière… Une fois à ban Kutchum, nous nous installâmes sur le bord de la route et chaque élève prit sa place sur celle-ci, attendant plus ou moins sagement les autres orchestres de chaque école programmée. À leur arrivée, nous laissâmes la moto près d’une boutique et marchâmes sur le côté, n’osant pas trop nous placer devant pour prendre des photos. Le père Somlong, quant à lui, ne semblait pas indisposé et s’en donnait à cœur-joie. Finalement, nous continuâmes avec lui, achetâmes à manger et à boire pour les enfants pendant que la parade rejoignait le terrain de sport où eut lieu la cérémonie finale en présence de hauts représentants du gouvernement et d’autres. Nous quittâmes le père pour reprendre la moto et les retrouvâmes là-bas. Le spectacle était vraiment sympa. Il nous fit penser aux parades du 4 juillet, telles que nous les imaginons, dans les petites villes étasuniennes ; les Thaïs sont également très versés dans le show. Après cela, nous raccompagnâmes tout le monde à l’école, fîmes le plein de la moto au village car nous avions envie d’aller nous promener avant de rentrer à la fondation. Finalement, nous tirâmes jusques à Amnat Charoen, assez loin somme toute. Nous ne nous y attendions vraiment pas, surtout par les petits chemins dans les champs que nous empruntâmes. Pour marquer le coup là-bas, nous achetâmes le journal et passâmes au 7-11 prendre trois kilos. Nous arrivâmes à la fondation en fin de journée, et là, ce fut le drame. Claire nous annonça que nous avions une note de téléphone faramineuse à cause de l’Internet. Avec Alexandra, nous avions choisi un mauvais numéro en le paramétrant. Au lieu de celui du nord-est, nous avions choisi celui du nord – quelques kilomètres à côté dirons-nous… Alors qu’elle était complètement paniquée parce que cela entamait sérieusement son budget, nous prîmes la nouvelle de la plus banale des manières, comme à notre habitude. Une merde de plus quoi… Nous envoyâmes un courriel à notre mère qui pourra peut-être nous aider mais nous en doutons fort, ayant quand même quelques milliers de bahts à payer !


1er mars 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande).

Aujourd’hui, nous reçûmes sa réponse et, sans surprise, elle ne put nous fournir une réponse positive. « Seigneur, viens-nous en aide ! », dirait le père Auguste qui nous apporta sa profession de foi ; nous lui répondrons sous peu d’ailleurs. Nous parlâmes avec la sœur Nonlak aussi, qui apprécia autant que nous cette discussion. Autrement, il ne se passa rien d’extraordinaire. Nous fîmes quelques courses en ville pour la fondation et commençâmes la construction d’un parc pour les chiens, selon les souhaits de la sœur qui trouve que ce n’est pas propre de les laisser en liberté avec les enfants. Notre grand-père nous envoya enfin un mandat-carte de cent euros ; méfiant, nous irons toutefois le retirer par besoin ! Nous dîmes à la sœur que nous avions décidé de quitter la Thaïlande une fois la facture Internet remboursée et après avoir réuni suffisamment d’argent. Nous ajoutâmes que cela prendrait sans doute quelques mois.


2 mars 2003

Song Yae (Issan, Thaïlande), 18h04.

Encore une fois, nous ne détaillerons pas. Nous allâmes à la messe ce matin. Avec Claire, nous parlâmes ensuite au père Auguste un moment, puis passâmes le reste de la matinée et le début de l’après-midi sur le parc des chiens. C’est fou ce qu’une chose si simple peut être si chiante… Claire, de son côté, fit faire aux enfants des gâteaux sablés ; nous n’eûmes pas le temps de les goûter puisque nous partîmes avant pour ban Song Yae. Nous laissâmes, selon les souhaits de la sœur, la clef de notre chambre à Claire au cas où quelqu’un d’extérieur à Homehak en aurait besoin. Nous n’aimons pas beaucoup l’idée que l’on fouille dans nos effets mais bon, c’est la Thaïlande et les gens semblent honnêtes ici… Nous sommes actuellement chez le père Somlong, sur notre lit et dans une heure nous mangerons. S’il ne se passe rien d’extraordinaire d’ici demain, nous n’ajouterons rien de plus après ce point.


3 mars 2003

Song Yae (Issan, Thaïlande), 21h02.

Ce matin, nous avions trois heures libres et dormîmes après le petit-déjeuner. Ensuite, nous donnâmes un cours au prathom 6.1 sur les mondes enchantés. Nous leur enseignâmes une vingtaine de mots adaptés et leur demandâmes d’en faire une courte histoire pour mercredi (deux ou trois phrases minimum). En période 4, après un excellent repas comme toujours chez les sœurs (nous prenons du poids, c’est affligeant !), nous demandâmes à la sœur principale Somjai de nous enseigner les consonnes thaïes car nous voulons essayer de lire et écrire cette langue, au moins pour nous situer quand nous nous perdons en moto… Après une heure, nous comprîmes que nos chances d’y parvenir étaient bien minces. Avec les prathom 5.1 et 5.2, nous travaillâmes la même chose qu’avec les 6.1. Eux auront cependant une semaine complète pour écrire leur histoire ; nous ne doutons pas que le résultat sera entre pathétique et déplorable mais bon, nous nous en foutons en fait, l’important étant de passer de bons moments ensemble, sans se prendre la tête, et de privilégier le contact et la communication, quels qu’en soient les chemins. Après les cours et une conversation courte mais sympathique avec le professeur Loomarin, nous allâmes faire un tour de moto. Nous voulions trouver Sim Cave et prîmes la direction de ban Nongkae sans même nous y arrêter. En gros, nous nous perdîmes de nouveau mais au moins vîmes-nous une belle colline. Malgré l’inclinaison plus que folle du chemin après les champs, nous nous y aventurâmes avec la moto qui survécut. En haut de ce chemin, nous rencontrâmes plusieurs bonzes assis sur un salat ; ils étaient en train de parler, de fumer et de boire des bières. Ils furent surpris de nous voir débarquer ainsi, tel le touriste complètement paumé que nous semblions être. L’un d’entre eux vint cependant à notre rencontre et nous demanda où nous espérions aller comme cela et d’où nous venions. Nous lui répondîmes comme nous le pouvions que nous enseignions l’anglais à ban Song Yae et que nous souhaitions trouver Sim Cave. Il nous indiqua gentiment qu’il fallait retourner à ban Nongkae et… chercher par là car nous ne comprîmes pas la suite. En partant, alors que nous les remerciions, il nous demanda d’attendre un moment avant de revenir nous donner une bière pour la route.

Notre pensée profonde . Bonne idée, gars !

Nous laissâmes glisser la moto jusques en bas et continuâmes notre chemin pour arriver finalement sur la grande route qui mène à ban Nong Phok (sans passer par Sim Cave toujours). Un peu déçu quand même, nous rentrâmes à l’école, prîmes une douche et allâmes manger avec les sœurs Jiou et Supreyakhon seulement car la sœur principale Somjai était partie à Yaso consulter un médecin pour son œil et le père Somlong à Ubon pour nous ne savions quoi. Quant au père Otto, nous ne le vîmes pas depuis notre arrivée. Après le repas, les deux sœurs vinrent installer une moustiquaire sur notre lit. Nous dûmes hélas l’enlever il y a quelques minutes car nous avions trop chaud dessous. Par ailleurs, nous nous rendîmes compte qu’elle était percée. Allons nous coucher ; il est tard pour l’Issan et nous sommes réellement fatigué.


4 mars 2003

Song Yae (Issan, Thaïlande), 19h02.

La journée fut chargée. Ce matin, après le petit-déjeuner, nous continuâmes notre nuit pendant une heure avant de tester les prathom 6.1 sur la compréhension d’un texte. Nous nous aperçûmes qu’ils ne savent en fait pas parler anglais… Nous leur posâmes des questions simples relatives au texte et même avec le livre sous les yeux, ils ne surent que très peu répondre. Alors leur demandâmes-nous depuis combien de temps ils apprenaient l’anglais : dix ans ! Lorsque nous leur dîmes qu’en France nous n’en faisions que sept (collège et lycée), parfois seulement cinq, ils furent très surpris. Nous espérons que cela les motivera un peu à l’avenir mais, en même temps, nous venons d’une culture tellement différente, comment comparer ? Nous aurions sans doute autant de mal à apprendre le chinois, le thaï déjà… Bref, nous verrons demain avec l’histoire sur les mondes enchantés que nous leur demandâmes d’écrire (s’ils le font, évidemment, ce qui nous étonnerait beaucoup). Dommage que l’année se termine vendredi. Après ce cours, étant libre, nous allâmes avec la moto essayer de retrouver la rivière sur laquelle nous passâmes à deux reprises vendredi dernier pour nous rendre à Amnat Charoen. Nous nous perdîmes, encore, évidemment ! Comme lot de consolation, nous obtînmes la photo d’une belle vache – avec sa cloche et tout et tout, quand même ! Nous revînmes pour le déjeuner, juste à temps pour y manger un succulent khao pat que la sœur principale Somjai était en train de spécialement nous préparer, sachant qu’il est notre plat préféré. En période 5, avec les matayom 1, nous fîmes à nouveau un cours sur les mondes enchantés ; il faut bien leur ouvrir de nouveaux horizons à ces petits diables… Eux n’auront pas d’histoire à écrire en revanche, puisque nous ne les voyons qu’une fois par semaine, que la prochaine il y aura les évaluations et la suivante les grandes vacances. Nous pensons que ce cours aurait pu être très intéressant, voire sanuk s’ils y avaient mis un peu du leur, mais hélas seules les filles des deux premiers rangs l’écoutèrent-elles. En même temps, rien n’est simple ; le fait que nous soyons un garçon farang n’arrange pas les choses, nous n’avons dans l’absolu que l’autorité que l’on confère à un ami. Pour nous changer les idées, nous repartîmes explorer avec la moto du père Auguste, mais cette fois, nous la trouvâmes, cette foutue rivière ! Pour approcher un coin où se baigner dans cette région, il faut beaucoup chercher… Après donc de nombreuses tentatives ici et là, nous trouvâmes non seulement comment nous rendre près d’elle, mais également l’endroit où les jeunes du coin viennent pour se baigner. Heu… non… mauvaise idée ; nous allions t’écrire, Fidèle, comment t’y rendre, mais chacun sa merde ! À notre arrivée, ils étaient une dizaine dans une eau vert émeraude, au sommet d’un barrage. Nous ne voulions pas nous incruster mais osâmes finalement une approche en plongeant comme si c’était habituel chez nous de venir là. Tout se passa bien, nous fîmes un peu connaissance et pûmes surtout nous détendre un maximum ; cela faisait tellement longtemps que nous voulions nous baigner ! Nous repartîmes à 16 heures pétantes, sous une pluie de « Bye bye! » venant de la rivière. Pour le retour, nous manquâmes la bonne route (évidemment !), ce qui nous fit faire un large détour pour rien. Une fois à l’école, nous prîmes une douche et demandâmes à la sœur principale Somjai si nous pouvions utiliser son téléphone pour appeler Eak à Ubon, car son mail ne fonctionnait pas dimanche. Enfin, les sœurs et nous-même dînâmes à 16h45. La sœur principale Somjai aimerait que nous revenions enseigner à la rentrée prochaine. Nous lui promîmes que ce serait le cas si nous étions encore en Thaïlande. Elle ajouta que nous aurons une surprise demain. Dormons ; elle viendra plus vite.


5 mars 2003

Song Yae (Issan, Thaïlande), 11h20.

Comme la semaine dernière, nous eûmes la matinée libre. Nous décidâmes donc d’aller affiner notre itinéraire vers la rivière à 8h30 et ne nous égarâmes pas une seule fois ; ô joie ! Il faut environ quarante minutes sans nous presser pour atteindre notre endroit. Nous ne nous baignâmes pas cette fois-ci car nous n’avons plus qu’un pantacourt et que nous devons enseigner cet après-midi. Pour le retour, après avoir fait le plein à une station service de ban Namkam, nous prîmes une autre route, plus panoramique que la première. Il nous fallut, tranquillement, environ une heure pour revenir à ban Song Yae. La route en terre rouge nous semblait longue alors demandâmes-nous deux ou trois fois où se trouvait ban Kutchum à des passants bienveillants. En fait, il nous suffit d’aller tout droit, de suivre les buffles et d’être patient. Une fois à l’école, nous allâmes trouver le professeur Best pour qu’il nous donnât le nom de la rivière. Le père Otto avait suggéré Leum Séï Baï et le professeur Ruktanee le confirma avec notre plan sommaire. Nous passâmes franchement une bonne matinée !

18h05.

Ce midi, avant le repas, nous tînmes comme d’habitude la caisse du snack de l’école. Vers 12h40, nous allâmes manger avec la sœur principale Somjai en nous dépêchant car nous avions un cours avec les prathom 6.1, le seul de notre journée. Comme nous le pensions, personne n’avait écrit la petite histoire que nous leur avions commandée lundi, exceptées deux élèves (Tassaneeya et une autre fille à-côté d’elle dont le surnom nous échappe). C’était pourtant simple comme exercice : « My name is Tassaneeya, I am a girl. I don’t like dragons and my element is water. » Ce n’est pas tout à fait une histoire sur les mondes enchantés, mais elle nous montra au moins qu’elle comprend les mots et qu’elle peut communiquer en anglais. Nous leur lûmes ensuite l’histoire que nous avions écrite spécialement pour eux – nous bossons un peu quand même, cela nous arrive… – et pour laquelle nous nous étions réveillé vers 1 ou 2 heures ; nous ne choisissons pas nos moments d’inspiration par contre !

« Once upon a time, there was a little boy named Corwin. His mother was a famous witch, as well as his grandmother. They lived in a big forest on an Island called Gaia, in the Northwest of France. People cannot see this island on a map because Gaia is an enchanted Land. At the age of six, Corwin received for his birthday his first magic wand because his mother wanted him to become a famous sorcerer. But after five years, Corwin still did not know how to use his magic wand. So, one day, he asked Marie, the Fairy of the Lake, to help him. The little creature gave him a prophecy:
« – You will be a famous sorcerer, little boy, but you must find the dragon of the White Mountains, in the North.
« She also taught him, for being a good boy, the Element of Water. It was a very long trip, about thirty-three days by walk. On the way, Corwin met Dum, a nice dwarf who taught him the Element of Soil. At the top of the White Mountains, under the snow, he finally saw the dragon who offered him one wish:
« – I want to become a famous sorcerer, said Corwin.
« But the dragon answered him:
« – I can’t help you, little boy; Princess Nolwenn can. You should go and see her now but before, to thank you for visiting me, I will teach you the Element of Fire.
« Then, Corwin had to go to the Royal Castle who lived Princess Nolwenn. On the way, he helped a very old woman to carry her bundle of sticks to her hut. To thank him, because she was a witch, she prepared a potion on her cauldron and he drank it. After a moment she said:
« – Now, little boy, you can master the Element of Wind.
« Twenty days later the White Mountains, Corwin arrived to Nolwenn’s Castle. He told her:
« – Princess, the dragon of the White Mountains told me that you could make me a famous sorcerer.
« The Princess answered him:
« – No, I can’t Corwin. I can’t because you are still a famous sorcerer! Don’t you understand that, during your long trip, you have learnt more than I can teach? You are not a little boy anymore; you are a sorcerer who can master Water, Fire, Wind and Soil. You don’t need my help.
« Since this time, Corwin has been the personal sorcerer of Nolwenn. He has done many things in the Kingdom that made him famous all around Gaia. This is the end of Corwin’s story. Maybe you think it’s fantasy, just a fairy tale, but I can say this story is true and that in the future, you will understand it… »

Ils ne la comprirent pas dans un premier temps et il nous fallut la leur dessiner au tableau noir de notre horrible coup de craie. Malgré tout, Tassaneeya et quelques autres finirent par l’assimiler ; c’est donc qu’elle n’est pas trop compliquée.

19h40.

Nous dûmes aller manger dans l’urgence ; ce soir, il y avait une sorte de messe spéciale à l’église. Le père Somlong nous parla d’un jour de sacrifice, d’onction et de… Va savoir, Fidèle… Le folklore des religions monothéistes ne rend indifférent. Où en étions-nous ? À la fin du cours, nous leur souhaitâmes bonne chance à tous pour leurs examens de fin d’année qui aura lieu la semaine prochaine et partîmes dans le bureau de la sœur principale Somjai pour y rédiger notre histoire sur l’ordinateur. À 15h15, le père Somlong vînt nous chercher dans notre chambre car la sœur principale Somjai demandait à nous voir. Ils nous amenèrent dans le grand hall pour nous faire découvrir notre surprise. Tous nos élèves étaient présents (les prathom 5.1, 5.2, 6.1, 6.2 et les matayom 1) dans un uniforme identique, impeccable, tout spécialement pour nous, qui nous rendîmes devant eux, au bout de l’allée, le père à nos côtés, la sœur derrière, tel un cérémonial – cela en avait tout l’air. Nous nous retournâmes, les élèves se levèrent et nous souhaitèrent d’une voix travaillée un : « Good Afternoon, Louis! », ce sur quoi nous enchaînâmes un traditionnel : « Good Afternoon children! Sit down please! » (« Thank you, teacher! ») Tassaneeya et une seconde fille s’approchèrent ensuite, l’une tenant un présent et l’autre un message. C’est Tassaneeya qui nous lut ceci :

« Dear Louis,
« A month that you come here. You give many thing for us. Thank you for everything that you made for Songyaethippaya School. We have very proud and very happy that you come here. Because we have teacher who is the foreigner teach us. Today you will go from here we may not see you again but we hope you think of us and we will think of you too. Thank you. Thank you for everything. God best you.
« Student’s Songyaethippaya School »

Nous ne saurons te confier, Fidèle, que nous ne ressentîmes jamais plus de fierté, de reconnaissance et de joie dans notre vie passée qu’à la lecture de ce texte simple bourré de fautes. Nous, éternel blasé, en avions la larme à l’œil ! L’autre fille nous remit un présent, une jolie maison en verre avec une tisseuse thaïe à l’ouvrage sur son tisonnier dedans, ainsi que le message lu par Tassaneeya. Nous les remerciâmes toutes deux du fond du cœur et elles retournèrent s’asseoir avec les autres. Le père Somlong, quant à lui, nous remit une enveloppe de la part de l’école avec notre paye dedans, nous dit-il. Arriva enfin l’incontournable discours. Nous n’étions pas encore rodé – ce n’était que notre deuxième, après tout – alors fîmes-nous court. Nous insistâmes surtout sur le fait que nous avions sans doute reçu bien plus de leur part qu’eux de la nôtre ; cela ne fait aucun doute ! La cérémonie terminée, les élèves se levèrent et nous remercièrent : « Thank you, Louis ! See you again, next time! » Ce n’était pas un adieu car nous enseignerons encore demain et reviendrons la semaine prochaine. Nous suivîmes la sœur et le père vers la sortie, dans une rangée de « Goodbye! » et, une fois dehors, nous nous retournâmes une dernière fois et nous vîmes, nous, en Gérard Klein dans L’Instit ! Ce fut tout de même une étrange impression… Nous passâmes le reste de l’après-midi à la rivière avec nos compagnons de baignade, dont deux nous laissèrent leur téléphone à la fin. Nous nous amusâmes beaucoup, malgré un léger problème de communication sans grande conséquence. Il y a là-bas un pont d’une hauteur d’environ un étage ou deux. D’un côté la rivière, de l’autre le vide. Leur jeu était d’y sauter, du bon côté de préférence (!), en faisant des figures, et de se noter. Ils nous proposèrent d’en faire autant et après quelques hésitations, nous défendîmes les couleurs de la France avec un saut de l’ange. Nous gagnâmes le jeu mais perdîmes quelques milliers de neurones en nous écrasant sur l’eau. De toute manière, nous ne pensons plus en avoir autant donc cela n’a guère d’importance. Après un moment, le soleil se faisait bas et nous dûmes rentrer, promettant de revenir dès lundi ou mardi. Ce soir, le père Somlong nous proposa d’emmener la sœur Jiou la prochaine fois, elle qui aime tant nager. Cela nous plairait beaucoup ! Elle est une jeune femme tellement appréciable que nous ne manquerons pas de le lui proposer dès lundi ou mardi. La messe n’est toujours pas terminée. Nous sommes fatigué (le soleil, l’eau, les vents) ; allons donc nous coucher.


6 mars 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 23h53.

Les chiens de la fondation hurlent à la mort ! Bref, de quoi fut fait ce jour ? De pas grand-chose, c’est à craindre ! Nous contâmes notre histoire aux prathom 5.2 le matin et seulement trois ou quatre la comprirent. Nous corrigeâmes également leurs exercices car le professeur Loomarin avait du travail important en retard. Nous rentrâmes à Yaso vers 11h45, passant par la Poste pour retirer le mandat-carte que notre grand-père nous avait envoyé. Claire nous apprit que nous arrivions en pleine épidémie de varicelle – heureusement l’eûmes-nous deux fois ! – ainsi que la veille, Homehak avait failli brûler… Rien de bien extraordinaire, en somme. Après déjeuner, nous mîmes notre correspondance à jour sur l’Internet et rangeâmes nos photos. À 15h30, nous allâmes chercher les enfants à l’école, les ramenâmes à la fondation, repartîmes consulter le médecin à la clinique pour nom Nat et nom Mot que nous pensions infectés mais il s’avéra que l’un avait “seulement” une infection pulmonaire (manque d’hygiène sans le moindre doute !) et l’autre une plaie à la tête pas bien méchante. Une fois à la fondation, nous dûmes retourner en ville pour cette fois faire des courses et visiter les pensionnaires de Homehak, isolés dans une maison en ville car extrêmement contagieux ; sage décision et rapide surtout, chose étonnante pour les Thaïs… Nous rentrâmes en vitesse à 18h30, après un passage obligé à la pâtisserie, car Claire devait préparer son sac pour partir à Bangkok. Ce soir, c’est donc nous qui nous chargeâmes de donner la trithérapie à nom Pao, nom Pluak, nom Jay et nom Nout, ainsi que ses médicaments à nom Naw pour son infection pulmonaire. Nous terminâmes la journée il y a une heure environ. Nous travaillâmes également sur les flyers de la fondation en anglais. Allons nous coucher car nous nous lèverons dans cinq heures à peine pour aller à Chong Mek, seul cette fois-ci et en bus.


7 mars 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 22h40.

Nous ne cesserons jamais de la dire : quelle aventure ! Nous nous levâmes à 5h30 pour partir de la fondation un quart d’heure plus tard, ayant naturellement préparé nos effets la vieille. Comme Claire nous l’avait dit, nous nous rendîmes à la gare routière de Yaso, à pattes de chez le père qui habite tout près et où nous déposâmes la moto. Il était dans l’église en plein office et nous ne voulions pas le déranger alors partîmes-nous comme un voleur. Hélas, à la gare routière, un conducteur de tuk-tuk nous dit qu’il fallait prendre le bus pour Ubon sur la main road mais nous ne comprîmes pas où exactement et retournâmes donc chez le père, pensant prendre la moto, la déposer à la fondation et nous rendre à pattes toujours sur le bord de la route. En fin de compte, l’office achevé, il se proposa de nous conduire au bon endroit. Nous nous renseignâmes auprès d’un autre conducteur de tuk-tuk et comme nous le pensions, il fallait attendre devant l’hôpital. Le père nous laissa donc là. À 7h03, notre bus arriva, orange sans AC mais suffisant pour un tel trajet en cette heure matinale. Une heure cinquante et trente-huit bahts plus tard, nous étions en gare d’Ubon. Il fallut nous rendre dans le centre et heureusement qu’une jeune femme parlant anglais vint nous dire où trouver un sang teo à cinq bahts car nous étions sur le point de prendre une mototaxi à cinquante bahts pour le même trajet. Nous descendîmes juste après le grand bâtiment du centre culturel. Dans le bus de Yaso à Ubon, nous ne trouvâmes pas nos photos d’identité, qui étaient pourtant bien là quelques heures plus tard à Chong Mek… Va comprendre, Fidèle ! Nous dûmes donc en faire quatre chez le Kodak le plus proche ; cent bahts pour rien donc. À vingt mètres sur la gauche du Kodak se trouve l’arrêt pour se rendre à Phibun Mangsahan. Nous attendîmes là environ une heure et à 10 heures pétantes (à notre montre), le car jaune et rouge sans AC passa. Nous payâmes cette fois-ci vingt bahts. Il s’arrêta au marché géant de Ubon où nous en profitâmes pour manger un brin et, à 11h35, nous étions à Phibun. Avant de continuer, nous fîmes un tour mais il n’y avait rien d’intéressant, à part à manger, évidemment ! Pour aller à Chong Mek, nous prîmes un sang teo cinq minutes plus tard. Il y avait beaucoup de monde alors montâmes-nous sur le toit. Nous étions tout seul au début mais deux autres jeunes nous rejoignirent ensuite, sans doute par curiosité ou intérêt, nous ne savons ; pour communiquer, dans tous les cas. Une heure vingt-cinq et vingt-cinq bahts plus tard, nous étions sous les toiles du grand marché de Chong Mek. Tout se passa très bien, comme la fois d’avant. Nous n’eûmes même pas à payer la sortie du territoire thaï et lao. Quant au visa lao, il nous coûta mille-cinq-cents bahts. Nous rencontrâmes un Suisse d’origine lao marié à une Thaïe, très sympa, qui voyage un peu comme nous sauf que lui ne travaille pas et doit donc avoir du fric ; veinard ! Nous passâmes au marché côté lao pour nous acheter un hamac en cordes tressées mais n’y traînâmes pas car nous savions le retour relativement long. Terminons rapidement car nous sommes fatigué – le soleil sans doute. Nous quittâmes la frontière à 14h41 pour arriver à Phibun à 16h04, toujours pour vingt-cinq bahts. Nous montâmes sur le bus, comme à l’aller, puis sautâmes ensuite dans le car pour Ubon, sauter étant le terme le plus approprié, passant de l’un à l’autre sans ménagement. Nous arrivâmes à Ubon à 17h09, pour vingt-cinq bahts. Nous marchâmes un peu dans Ubon, pour visiter, sur la grand-route principalement, sans nous aventurer davantage, prîmes un sang teo à cinq bahts pour la gare routière et à 18h15, un bus AC à cinquante bahts pour Yaso où nous arrivâmes, épuisé, vers 19h50. Nous allâmes manger et nous acheter du Pepsi et du Fanta au 7-11. Dans la rue du père Auguste, nous vîmes les Mormons au cybercafé et nous arrêtâmes pour parler un peu. Avec les événements en Afghanistan, nous voulions avoir leur point de vue ; rien de très glorieux. Nous récupérâmes enfin la moto au couvent, qu’une femme nous ouvrit gentiment, et rentrâmes à Homehak ; il était 20h53. Journée mémorable, assurément !


8 mars 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 22h05.

Rien de bien intéressant aujourd’hui. À midi, puisque nous devions aller accueillir une heure plus tard à la gare routière Tara, une jeune Californienne qui vient passer un mois à la fondation, nous en profitâmes pour visiter le père Auguste qui nous proposa gentiment de l’accompagner déjeuner en ville. Nous allâmes à la galerie (nous en vîmes de semblables à Ubon) et la femme qui nous prépara le repas ne nous fit pas payer car le père… et bien c’est le père ! Après le repas, nous allâmes voir à la gare routière mais n’y croisâmes aucune Étasunienne. Nous fîmes plusieurs allers et retours entre la fondation et le centre-ville dans l’après-midi, sans succès, et finîmes par laisser un mot sur notre fenêtre pour qu’elle nous réveillât si elle arrivait pendant la nuit. Nous sommes fatigué (les coups de soleil cette fois-ci), allons nous coucher !


9 mars 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 23h12.

Adoptons une nouvelle méthode pour la rédaction de ce carnet : désormais essayerons-nous d’écrire le matin le récit de la veille car nous sommes trop crevé pour le faire chaque soir. Aujourd’hui encore, rien de passionnant. Tara arriva vers midi avec une accompagnatrice thaïe qui travaille pour l’UNICEF, sans même s’excuser de son “léger” retard d’une journée ! Nous sommes désolé d’écrire cela mais cette fille correspond au premier abord exactement à l’image que nous nous faisons des Étasuniens à l’heure actuelle. Elle a 21 ans, pèse déjà bien quelques centaines de burgers et fait comme si tout le monde à la fondation parlait parfaitement anglais.

Notre pensée profonde . Redescends sur Terre, chérie, tu es au fin fond de la Thaïlande là, pas dans l’Ohio…

Sous prétexte que pi Noum, pi Nout et pi Duan le pratiquent un tout petit peu, elle ne cherche même pas à comprendre et ne parle qu’anglais… enfin… californien. Elle est sympa, évidemment, mais si elle pouvait arrêter de croire que ce pays est déjà une province de la Pax Americana et jeter son air supérieur à la poubelle, ce serait une bonne chose. Passons ! L’avenir nous dira si nous avons tort ou raison de penser ce que nous pensons. Toujours est-il que nous aurions préféré tomber sur la gentille Anglaise de l’aéroport… Nous fîmes visiter à Tara la fondation, lui montrâmes tout ce qu’il y a à voir pour qu’elle se sentît le plus à l’aise possible avec les volontaires, comme avec les enfants. Nous voulions lui faire voir Yaso également et pourquoi pas aller boire un Pepsi au snack de la rivière mais elle a peur de la moto, ce que nous pouvons comprendre dans ce pays. Nous allâmes donc tout seul en ville après déjeuner. Comme la moto faisait un drôle de bruit depuis deux ou trois jours, nous retournâmes au workshop à côté de l’hôpital. Ouvert le dimanche, il est tenu par une bande de jeunes sympathiques. L’un d’eux fit un tour avec pour voir ce qui n’allait pas et ils nous la réparèrent en deux deux. En attendant, nous parlâmes avec un homme d’une cinquantaine d’années qui connaît bien ces jeunes, en anglais et un peu en français. Nous en eûmes pour cinq bahts ; ruineux, n’est-ce pas ? Nous rentrâmes ensuite à la fondation préparer notre sac pour l’école et nous reposâmes jusques à 18 heures pour dîner avec tout le monde et expliquer à Tara le fonctionnement de l’infirmerie ainsi que la préparation des traitements pour qu’elle commençât dès le lendemain. Ce soir, les enfants eurent droit à un barbecue pour faire griller du maïs et des bananes ; trop bon ! Vers 20 heures, après les soins, pi Yung vint nous demander de changer une roue du pick-up. Elle était coincée dans son carcan de métal et ne voulait pas en sortir. N’y connaissant rien en mécanique, nous appliquâmes donc une méthode universellement reconnue, le marteau, et la changeâmes sans souci. Demain matin, nous passerons à la laverie pour chercher notre linge avant de partir car nous oubliâmes de le faire aujourd’hui. Nous sommes épuisé (encore). Allons nous coucher.


10 mars 2003

Song Yae (Issan, Thaïlande), 8h09.

Nous ne savons pas comment nous sommes arrivé à ban Song Yae en vie ! Avec le vent et le froid qui nous congelait les mains, nous crûmes nous envoler plusieurs fois. Nous mîmes un peu plus d’une heure pour faire le trajet mais y arrivâmes sain et sauf, ne nous plaignons pas… L’école commence à peine. Allons petit-déjeuner !

19h59.

Ce matin, nous allâmes aider à plier les flyers de l’école dans le bureau. Cet après-midi, nous voulions aller nager à la rivière mais le temps nous en dissuada. Par ailleurs, le professeur Best nous demanda si nous pouvions attendre 17 heures pour prendre des photos avec son fils de deux mois, nom Alpha. La sœur principale Somjai nous demanda de faire quelques courses à ban Kutchum, ce qui nous occupa une bonne heure. Quant à Peul, elle nous demanda de l’aider à lire notre histoire. Nous la lûmes donc avec elle, toujours dans le bureau de la sœur, avec l’aide du professeur Best qui la comprit, semble-t-il, car il nous avoua au soir qu’il souhaitait lui aussi partir à l’aventure et voir le monde – chose très rare chez les Thaïs – en commençant par aller vivre dans une île au sud avec son fils, sa femme et sa mère, sans même savoir ce qu’il pouvait y faire. Nous approuvons totalement ce genre de décisions ! Voyage, Fidèle, voyage ; mélange tes sens ! Vers 16h30, nous allâmes donc faire quelques photos chez son oncle qui habite également le ban. Ensuite, il nous emmena chez lui pour nous montrer des photos du roi. Nous lui avions en effet demandé où nous pouvions en acheter quelques jours plus tôt, dont une en particulier que nous trouvons absolument superbe. Nous parlâmes avec lui un bon moment de tout et de n’importe quoi, notamment de son envie de ne plus rester ici à subir la vie mais d’en profiter (grosso modo). Lorsque nous lui dîmes que nous devions rentrer pour dîner avec les sœurs, il nous fit signe d’attendre, alla chercher un cadre avec une photo du roi en noir et blanc et nous l’offrit. À notre tour, ce soir, nous lui préparâmes un parchemin spécial avec notre histoire à l’attention de son fils qui la lira, espérons-le, dans quelques années. Nous la lui donnerons demain et savons d’ores et déjà qu’il appréciera ce geste. Voici donc comment se déroula notre journée, Fidèle ! Quel simple touriste peut laisser de tels témoignages ?


11 mars 2003

Song Yae (Issan, Thaïlande), 6h57.

Nous fûmes malade cette nuit. À chaque fois qu’il y a un peu de vent, nous sommes certain d’aller mal. Les changements de temps sont tellement surprenants ici que les Thaïs eux-mêmes ne s’y font pas. Le professeur Loomarin nous confia également qu’elle avait mal à la tête. Ce matin heureusement allons-nous beaucoup mieux. Il était prévu que nous allions nager aujourd’hui mais c’est beaucoup moins sûr pour le coup…

20h50.

Nous partîmes à 11 heures de l’école sur la route de ban Nong Phok. Trente-cinq minutes plus tard environ, nous prîmes un chemin à travers les champs de blé pour nous retrouver chez des moines bouddhistes, installés dans un petit ban en construction à flanc de colline. Nous garâmes la moto du père à l’entrée du ban et demandâmes respectueusement à une femme qui se trouvait là si nous pouvions emprunter le petit chemin qui monte dans les bois. Elle nous autorisa et nous grimpâmes environ deux heures jusques au sommet où nous découvrîmes une sorte de site archéologique sur lequel les moines font sans doute des fouilles, aux vues des objets entreposés un peu partout ; ce doit être un ancien temple enfoui. Nous peinâmes quel que peu pour arriver là mais le site en vaut la peine ! Nous restâmes un certain temps en haut et pûmes admirer une vue impressionnante. Trouver une telle colline dans l’Issan, région plate et arable, n’est, encore une fois, pas évident. Une inscription peinte en bleu sur le mur attira également notre attention. Nous la prîmes en photo et à notre retour, le père Somlong nous la traduisit : « Regarde autour de toi ces paysages magnifiques : tu as peiné pour les voir mais il ne seront jamais aussi beaux que ce que tu as dans le cœur. » Nous trouvâmes cela vraiment approprié mais ils auraient pu tout de même l’afficher en bas… Nous retournâmes ensuite à la moto, harassé, rampant presque, mais avec de belles photos. Au retour, nous nous arrêtâmes à ban Leo Khum Mun pour y manger un délicieux khao pat ; il était 14h30. Nous rentrâmes à ban Song Yae par la grand-route et y arrivâmes à 15h50. Après une bonne douche fraîche, nous allâmes dormir sur notre hamac en corde jusques au dîner. Nous n’avons plus mal à la tête mais, par précaution, prenons du para et allons au lit !


12 mars 2003

Song Yae (Issan, Thaïlande), 18h05.

Il est bientôt l’heure d’aller manger. Ce matin, vers 9 heures, nous allâmes faire quelques courses pour la sœur principale Somjai à ban Kutchum et à 10h30, nous partîmes nous baigner avec la moto. Vingt-six kilomètres plus loin, nous franchissions la rivière Leum Séï Baï et cinq minutes plus tard, nous étions dans l’eau. Nous n’y restâmes cependant pas longtemps car d’une part nous étions seul et que d’autre part, nous voulions nous promener un peu avant le déjeuner. Nous reprîmes donc la route à 11h22 et roulâmes loin pour finalement nous retrouver dans un wat que nous connaissions déjà, sur la grand-route qui mène de ban Song Yae à ban Nong Phok, celle que nous avions prise la veille en revenant. Nous allâmes à l’école à 13h20 et passâmes le reste de l’après-midi à mettre sur une disquette que la sœur principale Somjai nous donna gentiment, nos idées de la journée. Ce soir encore, nous ne traînerons pas. Ainsi, après le dîner, nous irons au lit.


13 mars 2003

Song Yae (Issan, Thaïlande), 11h52.

Nous ouvrons notre carnet ce matin pour y seulement écrire que nous ne fîmes absolument rien depuis notre réveil… Nous nous reposâmes seulement dans notre hamac, que nous installâmes sur la terrasse devant notre chambre. Il y avait un peu de vent, un air frais, agréable en cette saison, qui venait libérer nos pensées chargées en ce moment. Après le déjeuner, nous rentrerons à Yaso. Nous ne savons pas si nous pourrons revenir ici passer quatre jours avant notre départ. Il est donc plus que temps d’écrire que jamais de notre vie nous n’oublierons les pères Somlong, Otto et les sœurs Supreyakhon, Somjai et Jiou, ainsi que tout ce qu’ils firent pour nous. Ils nous apportèrent leur sincérité, leur simplicité, leur joie de vivre, leur abnégation, leur sympathie et, nous l’espérons, leur amitié. Ce ne sont pas choses que l’on oublie facilement, Fidèle. Ils firent preuve à notre égard d’une grande bonté ; les âmes nobles existent donc en ce monde…

Yasothon (Issan, Thaïlande), 23h56.

Déjà minuit, que le temps passe vite ! Nous partîmes de ban Song Yae vers 13 heures, après déjeuner. Nous dîmes aurevoir à tout le monde, prîmes quelques clichés devant l’église Saint-Michel et les quittâmes. Cinquante minutes de route plus tard, nous étions à Yaso. Cette fois-ci, aucune mauvaise nouvelle ne nous attendait (genre nom Nout à l’hôpital, une épidémie de varicelle, plus d’eau ou encore une facture Internet exorbitante, etc.), rien, bien au contraire ! Nous avions reçu une lettre et un colis de France – merci Nanou pour tous ces livres, nous manquons en effet cruellement de lecture ici. Claire et Alexandra étaient toutes deux rentrées de Bangkok ; Tara s’occupait des enfants à merveille et Naoko Matsutakeya, une japonaise très charmante, venait passer trois jours à la fondation. Ce soir, nous l’invitâmes avec Alexandra à boire un verre en ville, histoire de faire plus ample connaissance. Nous prîmes la moto ; à trois, c’était assez folklorique ! Nous fîmes un arrêt à la galerie où nous parlâmes beaucoup devant un Pepsi avec Naoko (puisque l’anglais d’Alexandra est quand même limité). Elle a 21 ans et revient d’un voyage en Grèce. Avant de rentrer chez elle, à Sapporo sur l’île d’Hokkaido, elle passe par la Thaïlande et sans doute après par le Cambodge. Nous regrettons vraiment qu’elle ne reste que trois petits jours à Yaso, c’est bien dommage ! Nous rentrâmes vers 21h30 pour aller dormir ; Alexandra avait fait un long voyage en bus et était fatiguée. De plus, Yaso la nuit (même le jour en fait), n’a rien de particulièrement excitant… Sur ce, allons lire un peu !


14 mars 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 23h14.

Quelle journée ! Avant tout, nous tenons à nous excuser auprès de Tara. Nous pensons toujours ce que nous écrivîmes dimanche dernier sur son côté exaspérant mais elle se révèle être également une fille organisée, attentionnée et drôlement sympathique. Nous aimerions aussi ouvrir une parenthèse à propos de pi Tiou. Elle est une femme extraordinaire comme on en fait peu. Le gouvernement s’acharne pourtant sur elle car elle dévoile au grand jour les secrets de Polichinelle, ceux que l’on cache par peur de répressions. Elle passa à la télévision il y a deux ou trois semaines. Elle en sortit furieuse car son interlocutrice, une baudruche manipulée et blafarde devant l’autorité, avait déjà son idée sur elle ; quoi que pi Tiou pût dire pour se défendre ne servit à rien, le but étant de la dénigrer auprès de la population pas si crédule que cela. Cette semaine à Bangkok, pi Peo et pi Yin passèrent également à la télévision. Alexandra nous raconta ce soir qu’elles n’avaient pas mâché leurs mots et avaient, publiquement, critiqué les méthodes abjectes d’un gouvernement pourri jusques à la moelle. À leur retour aux MEP, où elles logeaient, une voiture de la police les avait suivies et, ne se sentant pas en sécurité, elles rentrèrent à Yaso. Elles le sont en fait beaucoup moins ici. Les condés à la solde de Taksin Shinawatra, milliardaire mégalomane et corrompu qui sert de premier ministre à ce merveilleux pays, firent déjà une descente à la fondation, avant qu’elle ne s’occupe d’enfants sidéens, car elle accueillait à l’époque des drogués et anciens drogués pour leur apprendre à vivre sans dépendance au moyen de méthodes naturelles, de plantes, et par la communication ; quelque chose de simple et d’efficace, mais qui ne plaisait pas au gouvernement. Ainsi les condés pensaient-ils y trouver des infos sur les dealers, etc., en vain évidemment. Leur méthode était, et est toujours : pas de drogué = pas de problème. Le centre se reconvertit avant le pire, heureusement. En ce moment, il est assez risqué de revendiquer sa place à la fondation. Nous passâmes une journée formidable avec Naoko. Le matin tout d’abord, nous fîmes un tour en ville avec Alexandra (Poste, marché, etc.). Nous proposâmes à Naoko de la conduire à ban Song Yae, de lui faire voir sa superbe église, les temples alentour et la rivière ; elle accepta avec joie. Pi Tiou, pi Peo, pi Yin, le docteur Paul Baud et sa nièce Hélène arrivèrent ce matin également. Naoko se présenta à tout le monde, nous attendîmes midi et partîmes avec elle. Notre première halte fut ban Song Yae. La sœur principale Somjai, très surprise de nous voir déjà de retour, et avec une fille derrière nous sur la moto, se proposa gentiment de nous faire faire le tour de son école. Les élèves commençaient à peine leur dernier après-midi d’examens. Tout le monde dit à Naoko qu’elle était souéï (jolie) et un élève nous demanda même si elle était notre femme. En tout, on nous le demanda trois fois dans la journée mais hélas n’est-ce pas le cas… La sœur principale Somjai et le père Somlong lui dirent qu’elle était désormais la bienvenue dans ce village. Nous ne tardâmes pas car la pluie menaçait sérieusement de tomber. Toutefois, avant de partir, Naoko voulut-elle voir l’intérieur de l’église et put admirer à quel point les Thaïs sont freestyle, comme dit le père Auguste ! Les couleurs très kitsch rappellent en effet un peu les temples égyptiens dans l’Antiquité. Après encore un verre d’eau fraîche, nous reprîmes la route en direction de la rivière. En chemin, nous nous arrêtâmes à chaque wat que nous vîmes. Elle trouva la route en terre rouge très reposante. Une fois à la rivière, nous nous baignâmes seul car elle ne voulait pas nous rejoindre. Nos compagnons de baignade étaient là mais ne se jetèrent à l’eau qu’après nous – sans doute le temps les décourageait-il quel que peu. Nous nous amusâmes beaucoup et Naoko put découvrir que les Thaïs de l’Issan ne parlent pas très bien anglais lorsqu’elle voulut communiquer. Elle y parvint cependant et ils la prirent pour une farang ; elle a la peau si blanche, c’était à peine croyable ! Elle prit une photo de nous en train d’effectuer un saut de l’ange pathétique depuis le haut du barrage. Espérons que cela rendra bien. Peut-être nous en enverra-t-elle une copie par l’Internet. Nous ne nageâmes pas longtemps. Elle nous assura que cela ne la dérangeait pas mais nous ne voulions pas qu’elle s’ennuyât et, par-dessus tout, nous voulions passer le plus de temps possible avec elle. Aussi avions-nous une longue route et étions-nous tous deux fatigués. Pour la rassurer, puisqu’elle semblait inquiète pour le retour en moto, nous lui dîmes que les vents seul nous fatiguaient les yeux et que ce n’était pas vraiment gênant. Nous fîmes une halte à ban Saï Mun pour boire une boisson fraîche et grignoter quelques gâteaux (japonais d’ailleurs, de marque Gilco). C’est dans ce petit restaurant près de la grand-route qu’elle nous remercia de nous occuper d’elle. Nous échangeâmes beaucoup d’autres choses mais ne relaterons pas tout ce qui se dit. Nous arrivâmes à Yaso avant le couché du soleil. Un petit tour par le cybercafé qui était ouvert et nous rentrâmes à la fondation, naturellement épuisé. Nous attendîmes ensuite Claire, le docteur Paul et Hélène pour aller dîner mais nous avions visiblement mal compris car ils avaient mangé avant nous à la fondation. C’est donc vers 21 heures que nous partîmes, Alexandra, Naoko et nous-même, à Yaso, pour combler un trou toujours grandissant. Alexandra voulait une salade dans la galerie alors y allâmes-nous. Nous commandâmes deux khao pat et Naoko des nouilles. Quant à Alexandra, depuis le temps qu’elle en rêvait de sa salade, elle se régala ! Une fois à la fondation, c’est le ventre plein que nous nous écroulâmes sur notre lit.


16 mars 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 3h10.

Notre journée fut vraiment chargée ! Il paraît que les voyages forment la jeunesse ; on oublie trop souvent d’ajouter qu’ils font naître des sentiments aussi forts dans l’intensité que courts dans le temps. Naoko est repartie. Nous l’accompagnâmes à la gare routière de Yaso hier soir, après une séance photo à la fondation ; il était 19h30. Elle nous manquera beaucoup, assurément. Peut-être aurons-nous l’occasion de la revoir. Nous n’attendîmes pas son bus avec elle car elle nous dit qu’elle ne pouvait pas partir autrement ; nous la laissâmes donc là, assise sur sa valise, après des natamé (aurevoir) gênés et partîmes sur la moto sans nous retourner. Bon, OK !, cela fait très film, mais notre vie ne pourrait-elle pas après tout en être un ? Les routes des grands voyageurs se croisent pour se séparer, c’est le jeu ! L’important est de profiter de l’instant qui t’est offert de vivre, Fidèle, car sache que ton avenir en aura d’autres. Nous regrettons seulement un peu de ne pas l’avoir serrée fort dans nos bras avant son départ, de ne pas l’avoir embrassée ; quel idiot ! À part cela, le matin, nous eûmes beaucoup de choses à faire pour la fondation. En premier lieu, il fallut apporter de la nourriture aux quatre enfants retirés en ville à cause de leur varicelle ; nous y allâmes donc avec pi Noum. Quelques bricoles plus tard, vers 11 heures, nous accompagnâmes Naoko en ville acheter son billet pour Bangkok où elle comptait passer une journée. Elle nous savait occupé et se dépêcha donc mais, sur le chemin de retour, nous nous dîmes : « Louis, ne soyez pas con ! Peu importe si vous prenez du retard dans votre travail, elle part ce soir ! », et la conduisîmes au snack de la rivière pour passer un dernier moment avec elle puisque nous devions l’après-midi aller aider à conduire des malades habitant près de ban Kutchum au centre. C’était assez sympa à la rivière. Naoko fut surprise de voir que l’on peut y manger un sukiaki, plat japonais qu’elle apprécie beaucoup. Aussi trouva-t-elle l’endroit très zen. Vers 12h10, nous rentrâmes à la fondation pour déjeuner, nos estomacs criant famine après cette mise en appétit. Elle nous remercia encore une fois et fut gênée car nous semblions fatigué. Nous lui répondîmes que nous ne l’étions que peu et que cela n’avait aucune importance. Nous partîmes à 13 heures pour ban Kutchum. Alexandra et Naoko vinrent également avec nous finalement. La fondation avait loué un sang teo. Pi Tiou nous avait dit que nous serions de retour deux heures après mais nous ne revîmes Yaso qu’à 17h30 et notre aide ne fut même pas sollicitée… Ah, ces Thaïs ! Leur organisation se résume à ce simple mot : inexistante ! Ce n’est toutefois pas bien grave car Naoko put apprécier la vie d’un paysan de l’Issan. Une fois à la fondation, alors qu’elle préparait ses effets, nous allâmes en ville nous acheter un graveur. Nous entamâmes sérieusement notre budget (inexistant en fait, lui aussi) mais nous n’allons tout de même pas laisser ce carnet et nos nombreux clichés sur l’ordinateur de la sœur ! Nous le payâmes deux-mille-six-cents bahts, soit cinquante-huit euros. Ce n’est pas ruineux mais cela équivaut tout de même à une fois et demi le voyage visa à Chong Mek… Il n’y avait personne pour conduire Naoko à la gare routière et nous nous proposâmes donc (nous le voulions tous les deux, nous semble-t-il). Nous eûmes le temps avant d’installer le graveur dans l’ordinateur et, chose étonnante, il fonctionna correctement dès sa mise en route ! Nous rejoignons ici le début de ce récit. Dans la vie de tous les jours, les amitiés durables mettent un temps considérable à se construire mais, notre vie n’étant pas commune, dans de telles circonstances, les choses sont bien différentes. Il nous est impossible d’expliquer cela avec des mots mais sans doute t’est-il accessible, Fidèle, de savoir de quoi nous parlons… ou pas encore. Le soir, Claire, Hélène, le docteur Paul et nous-même allâmes boire un verre en ville. Alexandra était partie se coucher avant. Nous parlâmes une bonne demi-heure puis rentrâmes à Homehak. Tout le monde partit se coucher sauf nous qui restâmes une partie de la nuit devant l’ordinateur à apprendre comment fonctionne un graveur… en thaï ! Nous y parvînmes il y a quelques minutes seulement ; allons nous coucher !

23h12.

Nous venons de faire une partie de badminton acharnée et délirante avec Alexandra ; nous sommes assez fatigué et avons encore des choses à faire. Abrégeons-donc ! Ce matin, Tara en déplacement avec pi Yin dans un camp de nous ne savons quoi, nous nous chargeâmes des soins. Les enfants isolés revinrent à la fondation et Claire, le père Auguste, Hélène et son oncle partirent cet après-midi à Ubon. Nous allâmes également à la fin de la messe remettre notre réponse au père à sa profession de foi. La sœur Nonlak, quant à elle, nous annonça que certaines familles désirent que nous enseignons l’anglais à leurs enfants, en cours particuliers, et que le prix sur le marché actuellement est de cent-cinquante bahts de l’heure. Nous demanderons à pi Tiou ce qu’elle en pense. À la fin de la messe, Hélène voulait essayer la moto alors rentra-t-elle avec nous. Ce midi, nous déjeunâmes avec Alexandra un khao pat en ville et dans l’après-midi nous travaillâmes l’anglais avec pi Noum, pi Thai et pi Duan. Nous mîmes enfin en ordre notre carnet sur un CD, lûmes quelques pages du Seigneur des Anneaux sur un rocking-chair dehors et nous allongeâmes un peu sur notre lit.


20 mars 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 2h40.

Rien de bien super depuis le départ de Naoko, rien en tout cas qui justifie d’en écrire un récit. Nous aimerions plutôt lâcher ici nos sentiments en pâture ! Depuis quelques jours, nous nous sentons triste. Le départ de Naoko n’en est pas la cause, même si cela n’arrange rien. Nous attendons à nouveau un changement qui ne vient pas ou tarde à venir et n’avons aucun signe ; nous ne ressentons pas l’Onde ! Sur l’Internet, nous ne trouvons rien qui nous convienne. La planète va mal, nous l’entendons crier et avons le sentiment de stagner. L’Onde semble vraiment s’éloigner. De plus, le livre que nous sommes en train de lire nous rend incroyablement nostalgique. Que devons-nous faire dans pareille situation ? Voyons les choses en face : nous ne pouvons partir comme cela, il nous faut attendre une occasion. Hier, mercredi, nous lézardâmes sur notre lit à lire et dormir. Nous n’aimons pas cette sensation. Nous nous rendons compte à nouveau que nous ne sommes pas heureux. Nous avions pourtant réussi à l’oublier, ces dernières semaines…

22h30.

Que de mauvaises nouvelles aujourd’hui ! Pour commencer, Tara remplit l’ordinateur de la sœur avec ses documents, ses musiques et des programmes qu’elle téléchargea sur le Net toute la journée, sans se soucier si quelqu’un avait besoin du téléphone. L’ordinateur est plein de merdes qui ne servent à rien maintenant. Pour continuer, mais ce n’est pas une surprise, la guerre est déclarée et toujours personne n’a l’idée de faire péter le Pentagone, la Maison Blanche, Langley ou même le ranch de Bush au Texas… avec sa famille dedans, of course! Pour finir, le gouvernement corrompu de Taksin Shinawatra impose à chaque région de lui ramener son quota de drogués ou dealers, morts ou vifs. Naturellement, les condés jouent au tir au pigeon et se rabattent du fait de leur incompétence (et / ou de leur magouilles) sur les pauvres gens dépendants de la drogue et les petits dealers (drogués aussi en général qui font cela pour s’acheter leurs doses). À Ubon, aujourd’hui, plusieurs d’entre eux furent abattus sans autre justification et cela ne fait que commencer – ou continuer sans doute ! Pi Tiou est donc très inquiète et nous la comprenons. Pour les raisons que nous énonçâmes plus haut, des gens louches s’intéressent à la fondation et nos allers et venues sont surveillés. Quant à pi Tiou, pi Yin et pi Peo, elles n’osent plus sortir seules. Une révolution se prépare sans ce pays… La sœur Nonlak nous donna pour instruction de ne jamais parler d’elles, ni de quoi que ce fut et à personne d’ailleurs. Nous jouons profil bas en ce moment. Quant à nous, et bien nous n’allons pas mieux. On pourrait dire que ce n’est rien comparé à ce qu’il se passe dans le monde, nous en sommes conscient, évidemment, nous n’avons pas le droit de nous plaindre. Pour autant le sort de l’humanité nous indiffère-t-il quel que peu, dans la mesure où nous avons décidé de ne pas participer à cet effort de construction d’une civilisation dont les bases mêmes sont déjà branlantes. Certes vivons-nous avec elle et sommes-nous indéniablement lié à, sinon la cause lointaine de, ces événements mais qu’y faire ? Nous passons, vivons ici et là… Voilà tout !


21 mars 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 23h50.

Nous n’avons pas grand-chose à écrire aujourd’hui. Nous ne savons pas si cela est bon ou mauvais mais nous allâmes ouvrir un compte à la Krung Thaï Bank (tout seul comme un grand). Nous pensons que cela pourra nous être utile. Nous le payâmes cinq-cents bahts, dont la moitié sur le compte. Notre moral ne s’améliore pas.


23 mars 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 00h35.

Hier, en voyant que nom Ann avait attrapé la varicelle à son tour, il fut décidé d’isoler seulement les quatre enfants qui prennent la trithérapie (nom Pao, nom Nout, nom Pluak et nom Jay) en ville. Un volontaire thaï et un farang resteront désormais en permanence avec eux. Il y aura des roulements, bien entendu, car cela peut durer plusieurs semaines. Personnellement, outre le fait que nous trouvions inutile la présence d’un farang qui ne parle pas un mot (ou si peu) de thaï, cela nous ennuie vraiment et nous n’en avons pas envie, même s’il le faudra bien après Alexandra, qui y est en ce moment, et Tara. Claire, naturellement, ne peut pas car elle a trop de boulot et nous sommes là surtout pour la décharger elle, c’est bien normal, mais c’est quand même un peu facile de dire aux autres de le faire… Bref, peu importe, c’est décidé de toute manière, nous prendrons le troisième quart ! Il y eut également une réunion au centre avec des envoyés de l’UNICEF et des anciens drogués pour débattre du problème actuel majeur : les méthodes du gouvernement Taksin ! Nous étions sur l’Internet à l’instant et envoyâmes un message à la Grande Loge de France. Puisque nous sommes en Asie, région privilégiée de toutes les sectes et autres organisations plus ou moins occultes, intéressons-nous un peu aux francs-maçons… Cela nous occupera l’esprit. Aujourd’hui, après la messe, nous leur enverrons un message similaire par voie postale, en espérant qu’il ne mettra pas trop longtemps à arriver sur Paris.


25 mars 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 2h24.

Catherine Duclos, de la Grande Loge de France, nous répondit aujourd’hui que l’organisation ne s’intéresse pas aux affaires privées, comme nous nous y attendions. Ce n’est pas exactement ce que nous pûmes observer à la faculté de Lettres d’Aix-en-Provence où tous les professeurs sont des élitistes pseudo pédants qui ne s’intéressent qu’aux têtes bien pensantes et bien centrées, mais cela s’en rapproche. Nous lui écrivîmes donc une seconde lettre. Nous verrons si notre ténacité est payante, ce soir peut-être. Hier, il ne se passa presque rien. Nous servîmes de chauffeur toute la matinée : pi Noum qui devait aller apporter à manger aux enfants mis en quarantaine ; Tara qui revenait de Ubon et qui avait besoin d’une navette entre la gare routière et la fondation ; Alexandra qui devait échanger sa place à la maison avec Tara ; la sœur Nonlak, enfin presque puisque nous arrivâmes trop tard et qu’elle avait donc dû trouver quelqu’un d’autre pour la reconduire au couvent. Au soir, le docteur Paul, Agathe (qui viendra six mois à partir de mai / juin), Alexandra, Claire, Hélène et nous-même allâmes boire un coup dans une charmante paillote près de la rivière où nous rîmes beaucoup. Il est tard, allons lire un peu avant de dormir.


26 mars 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 00h45.

Catherine Duclos nous répondit de nouveau et nous demanda notre adresse afin de nous envoyer une documentation sur les conditions d’admission dans l’Ordre. Ce n’est pas vraiment ce que nous attendions, comme tu t’en doutes, Fidèle – ou pas, d’ailleurs ; qu’entends-tu à notre Quête ? Nous avons plutôt le sentiment d’avoir été mis diplomatiquement en touche ! Par ailleurs, vu qu’elle l’envoie par la Poste, nous craignons de ne pas le recevoir avant notre départ… Les Scooters revinrent dans la journée car ils avaient récolté assez d’argent pour acheter une machine à laver le linge à la fondation qui n’en a pas. Nous nous occupâmes également aujourd’hui de la petite nom Kem, que Homehak accueille en soin palliatif – expression détestable – dans son infirmerie. Elle est si hâve, c’est dramatique ! Vers 17h45, nous lui changeâmes son masque à oxygène, après sa prise de ventoline. Ce traitement lui permet de gagner quelques jours mais, selon nous, cette pauvre enfant va mourir dans peu de temps. Pi Dara et pi Nout dorment dans le bureau ce soir car elles ont beaucoup de travail de comptabilité. Nous ne pouvons donc faire les recherches que nous voulons et allons en profiter pour nous coucher. Nous avons en effet, à en juger par le petit bouton sur notre menton, beaucoup de sommeil à rattraper…


30 mars 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 4h24.

Nous nous rendons compte que nous n’avons pas ouvert ce carnet depuis mercredi… Hier soir, une party fut organisée en l’honneur d’Agathe, du docteur Paul et d’Hélène. Les volontaires avaient préparé des boissons, des glaces, une banderole, des ballons, de la musique, etc. Franchement, ce fut assez sympa ! Ne détaillons pas. Les Scooters avaient décidé d’acheter une machine à laver le linge avec les fonds récoltés ; finalement, cela fait deux jours que nous bâtissons une buanderie dans la cour près de la cuisine ! Le premier jour, nous étions à fond dans le projet, le second un peu moins mais quand même. Nous sentons notre enthousiasme fondre à vue d’œil chaque nouvelle journée…


31 mars 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 4h46.

Nos nuits redeviennent blanches… Nous n’irons pas nous coucher de suite car nous aimerions dire aurevoir au docteur Paul et à Hélène qui partent vers 5 heures ; c’est le père Auguste qui viendra les chercher. Hier, nous fîmes quelques courses pour la fondation. Les enfants en quarantaine changèrent de maison pour une plus proche et nous allâmes également les voir. Au moins cette fois-ci ont-ils un parc, des arbres, un bois pour s’amuser. Nous aidâmes (un peu) les garçons pour la buanderie ; nous ne sommes vraiment plus motivé. Nous allâmes enfin boire un coup et manger dehors le soir, pour rentrer vers 23 heures ; rien de bien extraordinaire en somme.


7 avril 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 22h16.

Voici quelques jours encore que nous n’ajoutâmes un mot à ce carnet ! Que dire rapidement ? La buanderie est achevée, le résultat est vraiment pas mal ; bravo à Jérôme ! Sophie et lui repartirent d’ailleurs ce matin vers de nouvelles aventures. Plusieurs volontaires sont à Bangkok pour prendre des leçons d’animation et pi Tiou est à Chang Maï. Claire, quant à elle, est à Mekanoï dans le nord pour régler un problème avec une volontaire partie avec la caisse… Elle ne reviendra que le 11 ou le 12. Nous écrivîmes encore à notre grand-père qui ne nous répond pas. Ce vieil homme semble être usé par sa mesquinerie, à l’évidence ! On n’achète pas la docilité des gens. Vendredi, nous allâmes à Chong Mek avec Alexandra pour notre visa. La journée fut longue mais sanuk. Ce matin, nous allâmes marcher deux heures avec pour seul compagnon Bigky, le chien de la sœur. Voilà, nous n’avons rien d’autre à ajouter. Les journées se ressemblent toutes en ce moment. Notre départ ne se précise pas bien que nos préparatifs, eux, avancent. Nous ressentons une onde, celle du désespoir, celle qui nous pousse à partir, toujours.


14 avril 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande).

Rien n’est changé depuis lundi dernier. Nous ne pouvons pas encore partir, par manque d’argent. Ce problème semble être un inconditionnel de notre vie, c’est saoulant ! Par ailleurs, où aller pour continuer ? Nous n’en savons rien. Suivre notre route est le meilleur moyen pour continuer, c’est bête mais tellement vrai… Nous nous tournons désormais vers l’Atlantide ; elle occupe nos nuits en fait. Nous rencontrâmes quelqu’un sur l’Internet qui s’intéresse à notre quête sans être pour autant en mesure de nous concrètement aider. Nous verrons la suite des événements. Autrement, notre séjour en Thaïlande se passe toujours aussi tranquillement. Notre rôle à la fondation ne consiste plus qu’à nous occuper des soins, ce qui ne prend pas trop de notre temps, nous devons bien l’avouer. Nous ne nous couchons pas avant 5 heures, passant nos nuits sur l’Internet. À 8 heures, c’est l’heure du premier traitement de trithérapie pour nom Pao, nom Jay, nom Nout et nom Pluak. Ensuite, nous allons petit-déjeuner à la cuisine du riz traditionnel avec des accompagnements qui varient selon les jours et les humeurs de la cuisinière. Le ventre plein, nous prenons une douche et lisons jusques à nous endormir. À midi, nous sommes réveillé mais n’allons pas déjeuner ; nous sommes en saison chaude et l’appétit n’est pas au rendez-vous à cette heure-ci. L’après-midi dépend de ce qu’il y a à faire pour la fondation. En général, elle tourne sans nous et nous allons nous promener ici et là avec la moto du père, ou nous lisons, ou nous écrivons, ou nous rêvons, ou tout cela en même temps. À 17 heures, il y a encore un traitement, le quatrième de la journée, les deux autres ayant été administrés à 7 heures par pi Nout (le Divir) et à midi par Alexandra (l’AZT). Le soir enfin, et bien cela dépend et il est bien inutile d’approfondir. En ce moment, il y a une fête en Thaïlande : Song Kran, la fête de l’Eau et également le nouvel an thaï. Grossièrement, elle consiste à se balancer de l’eau dans la figure. De fait, hier, nous allâmes pique-niquer au bord de la route, enfants et volontaires, avec des immenses bassines d’eau et un broc pour chaque enfant. À chaque passant en moto (ou en pick-up avec des gens derrière dans la caisse), les enfants s’en donnaient à cœur-joie ; ce fut très sanuk ! Vers 15h30, nous partîmes à notre tour en moto, en direction de Selaphun. Nous tournâmes avant pour visiter les villages sur la droite et à chacun d’entre eux, on nous demandait de nous arrêter pour nous tremper. Le moins que nous puissions dire est que la journée fut rafraîchissante ! De retour à Yaso, où il y avait un défilé, nous eûmes également droit à plusieurs douches, dont une gelée. Nous nous étions arrêté à un feu rouge (chose assez rares pour être signalée) et une Thaïe arriva par derrière, tira le col de notre t-shirt et déversa l’eau ge-lée d’un bol énorme dans notre cou avec un grand sourire. Ses ami-e-s suivirent son exemple jusques à ce que le feu passât au vert. Charmante attention, n’est-ce pas ? Nous nous amusâmes vraiment beaucoup aujourd’hui ! Demain, nous devrons aller à la Poste et supposons que nous y aurons droit à nouveau. Voilà pour les nouvelles, peu nombreuses en ce moment mais nous avons l’esprit ailleurs.


15 avril 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 23h30.

Nous aurons tout eu ! Ce matin, nous passâmes donc à la Poste comme prévu mais elle était fermée, puis à la Krung Thaï Bank pour retirer de l’argent à la borne ATM. Sur le chemin du retour, nous eûmes : des moines, des katoï (androgynes), des drag-queens, des déclarations, des baisers (autant de mecs que de filles), des enfants salauds qui nous arrosèrent avec une pompe puissante (putain que ça fait mal !) ; bref, tout ! Nous regrettons juste de ne pas avoir pris de photos avec les drags. L’après-midi, nous retournâmes faire un tour avec la moto au sud-ouest de la fondation et naturellement, à chaque village, fûmes-nous arrosé ! Après une telle journée, Fidèle, toi aussi apprécierais une longue nuit de sommeil.


16 avril 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 21h12.

Les trois quarts des volontaires partirent à ban Kutchum ce matin pour fêter Song Kran. Après avoir déposé pi Nouï (qu’ils avaient oublié) au fond du chemin qui mène à la fondation pour qu’ils le récupèrent, nous allâmes faire réparer la moto ; le pneu avait encore éclaté et la chambre à air risquait d’en faire autant. Nous fûmes donc au workshop de la fois précédente, près de l’hôpital. Nous en eûmes pour cent-quatre-vingts bahts, avec en plus le graissage de la chaîne. Nous passâmes ensuite à la banque (douche évidemment en chemin) et prîmes enfin la route de ban Kutchum pour rejoindre les autres. Nous t’écrivions avoir tout eu pour Song Kran, Fidèle… Et bien non ! En chemin, nous fûmes gentiment gratifié d’une nouveauté : de la farine ! Nous nous attendions à voir les œufs un moment ou un autre mais heureusement cela ne doit-il pas faire partie de leurs coutumes. N’ayant pas trouvé les volontaires à ban Kutchum, nous allâmes à ban Song Yae. Les pères et les sœurs ne s’y trouvaient pas non plus et lorsque nous demandâmes, on nous répondit qu’ils s’étaient tous rendus la veille à Ubon. Nous prîmes alors le chemin de la rivière. À la sortie du ban, trois de nos élèves se vengèrent de nos cours d’anglais avec de l’eau et du talc ; sacrés enfants, toujours le mot pour rire… Une fois à la rivière (non, nous ne nous y baignâmes pas, faut pas pousser non plus !), nous nous allongeâmes sur la moto et nous reposâmes pendant un quart d’heure environ. C’est à ce moment-là que nous nous rendîmes compte qu’il nous était possible de communiquer avec des personnages du passé, de fantaisie, voire du présent dans une sorte de demi-sommeil. Bon… Nous l’admettons, dit ainsi, cela doit te paraître étrange, Fidèle, mais nous t’assurons de notre sincérité. Notre retour fut long car nous empruntâmes les pistes. Nous pûmes prendre quelques clichés et fûmes tranquille jusques à la grand-route.


22 avril 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande), 9h40.

Song Kran est terminé depuis jeudi dernier et, très franchement, cela fait du bien de pouvoir prendre la moto sans revenir trempé ; cela commençait à devenir long et saoulant ! Nous n’avons pas grand-chose à écrire aujourd’hui. L’ordinateur est infecté par un virus. Ayant téléchargé Namo Web Editor pour notre carnet, Claire mit tout de suite cela en cause. Nous lui assurâmes que notre logiciel était sûr et qu’il n’était pas dans notre intérêt de bousiller un ordinateur qui sauvait nos nuits blanches mais elle ne voulut rien savoir et nous demanda de tout virer, ce que nous ne feront évidemment qu’à notre départ ! Elle emporta donc l’ordinateur à l’atelier et le technicien lui dit que cela venait d’un virus qui traînait à Yaso et les environs dans les disquettes ; c’était donc elle qui, avec les disquettes qu’elle utilise souvent au cybercafé, l’avait rapporté à la fondation. À son retour, nous eûmes une petite conversation.

Claire . Mais je n’ai jamais dit que c’était toi !

Quel culot, tout de même ! Si le technicien (qui s’y connaît aussi peu en informatique que n’importe quel Thaï ici…) efface nos clichés, nos livres et notre carnet de l’ordinateur, nous pensons pour le coup perdre notre réputation de garçon zen ! Nous demandâmes enfin au père Auguste si nous pouvions être utile en tant que coursier pour les MEP ou la fondation et il nous répondit qu’en effet ce pouvait être bien de rapporter des médicaments de France mais que cela ne se ferait pas vite ; dommage !


26 avril 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande).

Aujourd’hui, nous accompagnâmes les volontaires dans un village à vingt minutes de la fondation pour fabriquer des briques en torchis, avec lesquelles ils veulent construire une maison en terre devant la fenêtre de notre chambre ; nous trouvons l’idée vraiment bonne. La terre glaise ne pollue pas, ne coûte presque rien et est facilement modulable. Il nous fallait environ quatre-cents briques et cela prit l’après-midi. La technique est simple, écologique et pratique : de la terre argileuse, de l’eau, de la paille et, hop, hop, hop !, le tour est joué. On mélange le tout en le piétinant, charge des seaux et remplit des cadres en bois prévus à cet effet en forme de brique. Placées au soleil sous des tôles, celles-ci mettent trois semaines à sécher. En fin de journée, vers 19 heures, nous rentrâmes à la fondation épuisé ; ce travail était sanuk mais quand même éprouvant. Nous prîmes une bonne douche, allâmes manger, mettre en ordre notre correspondance et allons là nous coucher.


27 avril 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande).

Rien de particulier à noter aujourd’hui. Nous demandâmes à pi Yin où nous pouvions vendre notre appareil photo numérique car nous avons besoin d’argent. Il ne nous reste en effet que deux-mille bahts que nous réservons à notre prochain voyage visa et environ deux-cents bahts pour les besoins quotidiens ; autant dire très peu. Elle nous indiqua qu’un photographe à Yaso pouvait peut-être nous l’acheter. En fin de compte, pi Tiou nous proposa de le prendre pour elle. Bien qu’elle soutienne qu’elle en ait vraiment besoin, nous la soupçonnons de vouloir simplement nous venir en aide, une fois de plus… Pi Nout devrait nous donner l’argent demain car elle est à Bangkok avec le père et Claire qui ne reviendra, quant à elle, que dans deux semaines, après un séjour au Cambodge avec son copain venu tout spécialement de France.


28 avril 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande).

Pi Nout n’ayant pas retiré d’argent à la banque, nous attendrons donc demain la sœur. Les Thaïs, bien qu’adorables, ne sont pas fiables, nous le savons désormais. C’est sans condamnation que nous l’écrivons mais il faut avec eux toujours prévoir une sortie de secours. Pi Tiou nous avait proposé samedi d’enseigner l’anglais à des enfants dans un wat. Cela nous plairait beaucoup comme expérience mais ce n’est pas payé et comme nous n’allons pas reprendre les cours à ban Song Yae, nous aimerions autrement avoir un salaire ailleurs si possible, et si nous restons. Tout bien réfléchi, nous pensons même que c’est la seule condition pour que nous restions. Nous donnâmes enfin un cours d’anglais aux volontaires cet après-midi pendant deux heures, selon les souhaits de pi Tiou. Pour quelqu’un qui n’aime pas l’anglais, nous sommes servi ici…


29 avril 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande).

Ce matin, après avoir donné les soins aux enfants, nous nous reposâmes. Cet après-midi, nous allâmes nous promener avec la moto du père (encore). Nous prîmes nos dernières photos, probablement. Nous n’avons toujours pas d’argent. Quant à la sœur, elle pense que nous devrions retourner enseigner à ban Song Yae, même si nous lui dîmes que nous n’aimions pas enseigner l’anglais, que le premier mois était sanuk, mais qu’après cela devenait un simple boulot, banal et chiant. Que veux-tu, Fidèle ? Nous sommes un grand enfant et avons envie de nous amuser dans la vie ; c’est ainsi !


30 avril 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande).

Alexandra est de retour à la fondation avec cent bahts de cartes postales pour nous. Elle était allée avec son oncle au sud, à Ko Samui (ko signifie île) et à Bangkok aussi. Les volontaires thaïs sont toujours sur leur maison ; ils ont entrepris de couler le ciment pour les fondations. Nous ne les aidons pas car nous n’avons pas la tête à cela en ce moment, bien qu’évidemment cela nous changerait les idées. Mais voulons-nous seulement nous les changer… ? La sœur nous fit de la peine en frappant avec le manche du balais ce pauvre Bigky car il dormait dans le bâtiment et que cela ne lui plaît pas, alors qu’elle laisse les enfants foutre un bordel monstre, dessiner sur les portes, les sols, les murs et déranger tous les jours la salle de réunion. Nous n’apprécions pas les gens quand ils frappent les animaux avec autant de haine ; elle est quand même entrée dans son bureau pour prendre le balai et poursuivre les deux chiens afin de les frapper ensuite ! Que l’on corrige un animal avec une tape ou un coup de pied au cul lorsqu’il fait une connerie, et sur le moment pour déclencher un stimulus chez lui passe encore, mais pas ainsi ; nous trouvons cela lâche et facile. Cette pauvre bête ne cherchait après tout sur le carrelage de la salle qu’un peu de fraîcheur. C’est tout ce que nous voulions écrire ce soir.


1er mai 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande).

Aujourd’hui, nous envoyâmes trois lettres importantes : la première au père Auguste, la seconde à Maïnéa (la femme avec qui nous communiquons sur l’Atlantide) et la dernière à notre mère pour lui demander le nom de notre géniteur, après huit années de mutisme sur le sujet.


4 mai 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande).

En ce moment, la correspondance que nous entretenons avec Maïnéa, certaines similitudes, certains ressentis et l’onde qui nous presse à nouveau nous perturbent.


8 mai 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande).

Notre appareil photo numérique n’est toujours pas vendu. Pi Tiou est depuis quelque temps très malade et l’achat de ses médicaments est bien plus important. Aujourd’hui, nous devions l’accompagner à Roï-Et pour voir si nous le pouvions vendre là-bas mais nous pensons qu’elle oublia et partit sans nous. Nous sommes donc dans la merde, encore ; youhou, c’est la fête ! Nous devons encore à la sœur six-mille bahts pour l’Internet et il ne nous reste que quelques bahts (pas plus) et pas suffisamment ne serait-ce que pour aller à ban Song Yae prévenir le père Somlong que nous ne reprendrons pas les cours à la rentrée… le 16 !


10 mai 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande).

Journée de merde empreinte d’un grand désespoir (rien que ça) ! Pour commencer, nous n’avons plus de connexion à l’Internet, le forfait d’un mois s’étant arrêté la nuit dernière à 00h15. L’Internet, notre vie, nos espoirs ; et merde ! Nous en avons marre d’entendre : « Tu es drogué ! », « L’Internet, ce n’est pas ça la vie ! », et toutes les conneries de ce genre.

Notre pensée profonde . Oui, nous le savons !! Nous sommes addict et si tu savais, Fidèle, à quoi d’autre nous le sommes, tu prendrais peur… ! Et puis d’abord, que connais-tu de la vie pour nous juger ainsi ? Rien ! Nous, assumons pleinement la nôtre et pensons ne plus avoir à le prouver. Nous-vagabond, nous-voyageur, nous-tout-ce-que-tu-veux te saluons !

Allez, une petite démonstration bien idiote : ce moyen de communication est pour nous la seule solution pour avancer dans les recherches qui conduisent à notre quête, ne possédant pas de ressources manuscrites importantes sous la main. Si loin de tout contact, sans l’Internet, plus de quête et sans cette quête, notre vie n’a plus de sens. Nous pourrions aussi bien nous jeter du haut de la croix Sainte-Victoire mais ne le ferions pas car d’une part ne sommes-nous pas suicidaire et que d’autre part, plus de vie, plus de quête. C’est un cercle vicieux ; et merde, nous sommes baisé ! À cela faut-il ajouter le fait que nous devons quitter la fondation. Nous ne pouvons pas nous y éterniser indéfiniment. Les enfants, avant tout, ne doivent pas s’attacher à nous et nous considérer comme un grand frère ; ce n’est pas possible ! Dans un cadre plus matériel ensuite, Agathe arrivera dans peu de temps et prendra le relais à l’infirmerie. Enfin, nous devons suivre notre chemin nous aussi, tout simplement. Cependant nos choix sont-ils très restreints et notre bourse est-elle vide. Vers 17 heures, nous voulions aller à la banque et retirer mille bahts en espérant ne pas nous mettre trop à découvert afin d’acheter une carte Internet et tenir encore quelque temps mais comme si notre journée n’était pas assez pourrie comme cela, il fallut que nous nous rendions compte une fois sur la moto que la roue arrière fût crevée ! Ne nous en étant pas servie depuis plusieurs jours, pour une fois n’était-ce pas de notre faute. Nous doutons qu’Alexandra aille la faire réparer. Bref, aujourd’hui, ce n’est pas la grande forme ! Depuis environ un mois, nous sommes un poids pour la fondation, il faut le reconnaître ; beau constat ! Certes faisons-nous notre boulot et restons-nous volontaire et à disposition mais nous ne sommes plus aussi motivé qu’au début. Nous avons le sentiment d’avoir trouvé tout ce que nous étions venu chercher en entreprenant ce fou périple ! Pi Tiou nous avait proposé d’enseigner l’anglais à des enfants dans un wat, volontairement. Peut-être qu’en dernier recours…


12 mai 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande).

Nous prîmes une grande décision aujourd’hui : nous quittons la Thaïlande ! Le 23 mai prochain, nous nous rendrons en train à Kuala Lumpur (Malaisie) depuis Bangkok. Nous prîmes cette décision car pi Tiou n’étant pas là jusques à la fin du mois, nous ne pûmes nous informer sur le temple dont nous faisions mention samedi ; c’est sans doute mieux ainsi. Nous prévînmes donc les personnes concernées : la sœur, bientôt le père Auguste, Maïnéa et notre mère puisqu’elle veut depuis notre départ de l’armée que nous lui disions tout. Elle qui se rongeait les sangs quand nous allions seulement nous promener à la Sainte-Victoire (et pourtant n’y risquions-nous pas grand-chose !), nous ne doutons pas une seconde qu’elle en fasse autant en lisant le courriel que nous venons de lui envoyer… Nous fîmes notre temps en Thaïlande ! Nous y trouvâmes certaines réponses, et certaines questions aussi. Nous détaillerons davantage demain.


13 mai 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande).

Voici donc les détails de ce nouveau périple. Dimanche 25, nous irons à Bangkok. Nous passerons la nuit du 26 aux MEP avec l’accord du père Le Bézu et nous partirons le 27. Nous pensons laisser deux sacs à Bangkok, le temps de trouver un moyen de les envoyer en France. Il nous faut également rembourser la sœur ; nous devons donc absolument vendre notre appareil photo numérique. Elle nous dit aujourd’hui que la fondation pouvait l’acheter cinq-mille bahts et effacer notre ardoise mais elle doit d’abord en parler à pi Tiou. Nous irons demain lui rendre visite, elle en retraite à Bug Maï, près d’Ubon. À Bangkok, nous réserverons une place dans le train pour Kuala Lumpur. Une fois là-bas… Nous verrons bien, comme d’habitude, car cela nous excite.


14 mai 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande).

Le père Auguste arriva comme prévu à 7 heures et nous partîmes quinze minutes plus tard vers Ubon. Il y avait Claire, son copain, la sœur, Kyo (la fille de pi Tiou que nous avions prise en route), trois femmes qui s’arrêtèrent au Makro d’Ubon (un genre de Metro thaï) et nous-même. Nous avions plusieurs choses à faire : Claire voulait récupérer la seconde voiture, nous voulions visiter pi Tiou dans sa retraite, nous devions nous acheter de quoi ranger nos effets (sacs de sport ou caisse en bois). Bug Maï est un ban catholique près du fleuve, un endroit réellement magnifique, surtout son bois encore en très bon état. Nous restâmes quelque temps, un père nous fit visiter. Pi Tiou n’était vraiment pas bien, elle qui refuse les opérations et ne veut se soigner que par les plantes ; pour un cancer, ce n’est pas top du tout ! Nous ne voulûmes donc pas l’ennuyer avec nos soucis matériels et la remerciâmes seulement de tout ce qu’elle avait fait pour nous. Elle nous souhaita bonne chance dans nos nouvelles aventures et nous dit que nous étions toujours le bienvenu dans sa fondation. Au retour, nous prîmes la voiture avec Claire et son copain pendant que le père et la sœur allaient de leur côté. Claire nous avait proposé d’aller au Big C pour y trouver nos sacs mais son copain eut soudainement très mal au ventre (?) et voulut rentrer au plus vite. Nous descendîmes donc tout seul et leur dîmes de rentrer sans nous ; nous avons l’habitude de nous débrouiller. Au Big C, nous ne trouvâmes que des lunettes – nous en avions cassé trois paires en quatre mois ! Nous prîmes ensuite le premier sang teo qui se rendait dans le centre. Nous entrâmes dans le premier magasin de sport que nous vîmes et c’est là que nous trouvâmes un sac immense de randonnée Oakley qui nous sera bien utile. Nous marchâmes ensuite environ une heure sans rien trouver. Il devait être près de midi car, près du parc, deux personnes nous proposèrent de partager leur repas. Elles étaient assises sur le trottoir. Nous refusâmes gentiment, prétextant que nous n’avions pas faim alors que nous étions simplement gêné. Elles rirent joyeusement comme si elles s’y attendaient. Arrivé à la route principale, nous prîmes un sang teo pour la gare routière et rentrâmes à Homehak dans un bus AC. Quant à nos deux autres sacs, nous les trouvâmes finalement à Yaso.


16 mai 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande).

Les Thaïs sont, répétons-nous, des gens adorables et nous le penserons toujours mais il est décidément impossible de compter sur eux ! Hier, nous dépensâmes deux-mille-cinq-cents bahts en sacs et ustensiles divers pour préparer notre départ, ayant dans la tête ce que la sœur nous avait dit la veille. Ce matin, voici ce qu’elle nous sortit :

La sœur Nonlak . I’ve just asked to the staff, they are not agree. I cannot help you!*

Il n’aurait servi à rien de lui dire qu’elle nous foutait dans une merde noire alors, à la mode thaïe, nous sourîmes presque hypocritement comme si ce n’était pas grave. Si nous comprenons parfaitement que la fondation n’ait pas à subir nos soucis financiers, admettons quand même que nous faire croire le contraire n’est pas très honnête. Nous aurions aussi bien accepté un « Non ! » catégorique dès le début, crois-le bien. L’après-midi, nous allâmes donc à Yaso essayer de vendre notre appareil photo numérique mais ne trouvâmes personne. Pi Peo avait essayé de son côté aussi, mais sans plus de succès. En rentrant, nous n’avions pas le moral. Aujourd’hui, nous retournâmes à Ubon, seul, en pensant avec raison que nous trouverions un acheteur. Nous partîmes à 7h30 pour ne retrouver Yaso que vers 18 heures. Nous fîmes tous les Kodak pour commencer, sans succès. Nous allâmes au Big Buy, sans succès toujours. Nous continuâmes ensuite avec deux ou trois magasins Sony et là, au dernier, on nous le prit. Le jeune patron parlait bien anglais, l’ambiance était sympa. Nous en voulions six-mille bahts mais il ne nous en donna que cinq-mille car Sony, d’après lui, était passé à une version supérieure. Nous fîmes beaucoup de kilomètres à pattes aujourd’hui mais sommes soulagé. Nous remboursâmes intégralement la sœur qui nous remercia avec surprise et avons assez d’argent désormais pour aller à Kuala Lumpur, juste assez… Une fois là-bas, nous verrons bien ! Nous trouvâmes également un restaurant sympa à Ubon, ce midi : ambiance américaine, conquête de l’Ouest, musique occidentale, cuisine thaïe agrémentée de frittes. Rien de mieux pour nous ressourcer un peu. Il se trouve, pour information, sur Uppalisan Road.


21 mai 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande).

Troisième journée à Ubon. Nous commençons à bien connaître cette grande ville. Cette fois-ci, nous y allâmes avec le père, la sœur et Claire. Nous devions déposer la sœur qui partait à Bangkok quelques jours, prendre un malade, aller voir des franciscains philippins qui fabriquent des lits gigognes pour les enfants et passer aux MEP récupérer l’argent d’EDM. Plus personnellement, nous devions réserver notre billet de train pour Bangkok et profiter du voyage pour dire aurevoir aux pères des MEP. Notre billet ne nous coûta que cinq-cinquante-cinq bahts (trois euros quarante) en troisième classe, ce qui sera largement suffisant pour tel voyage. Au pire sera-ce folklorique ! Nous partirons donc le 25 à 19h15 et arriverons à Bangkok le 26 à 5h40. Vers 13 heures, nous allâmes déjeuner dans un restaurant vietnamien. Au retour, nous prîmes un profond sommeil très profitable.


22 mai 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande).

Aujourd’hui, la sœur nous fit vider la mare des canards qui avait bien besoin d’un grand nettoyage. Nous n’avions qu’un tout petit sceau et notre pauvre dos s’en souvient encore mais la sœur fut surprise du résultat, séchée !


25 mai 2003

Yasothon (Issan, Thaïlande).

Notre séjour à la fondation s’achève aujourd’hui. Nous passâmes les deux derniers jours à préparer notre départ. Nos cadeaux sont emballés et rangés dans un sac, les habits que nous n’emportons pas avec nous dans un autre. La statue du prieur en bois sombre que nous avions ramenée de Chong Mek pour notre oncle Loïc restera ici en fin de compte ; nous la laissons à pi Tiou qui en voulait une semblable. Nos vêtements sont propres (les autres sont parties à la poubelle), la moto du père est nickel chrome et retrouva avec beaucoup de mousse l’état dans lequel il nous l’avait confiée, avec toutefois quelques quatre-mille-cinq-cents kilomètres en plus au compteur… ! Tout le monde est prévenu ; nous ne pensons pas avoir oublié quelque chose. Nous dîmes aurevoir aux enfants et volontaires de la fondation, aux sœurs et aux pères, à nos compagnons d’Ubon et de ban Song Yae, aux rizières de l’Issan, aux temples et aux bonzes… Bref, à tout le monde ! Le père arriva vers 14 heures comme prévu. Nous fîmes quelques clichés avant notre départ ; Soupany nous manquera énormément ! Au début, elle ne voulait pas se joindre à nous, nous pensons qu’elle n’avait pas vraiment compris, bien que nous ayons passé avec Claire beaucoup de temps à expliquer aux enfants que nous partions en Malaisie et que nous ne reviendrions sans doute pas. Nous lûmes dans son regard une petite déception qui nous blessa et que nous devrons assumer à jamais. Nous laissâmes au père, avec notre dernière lettre, un collier en corde sur un anneau de jade dans lequel nous plaçâmes un espoir et un souhait et lui demandâmes de le lui remettre à ses 15 ans. Peut-être espérons-nous trop… Il n’eut pas l’air de comprendre le geste. Nous partîmes ensuite pour Ubon. Nous fîmes une halte d’un quart d’heure aux MEP et arrivâmes à la gare vers 16h30. Nous remerciâmes le père sincèrement et lui remîmes notre lettre avec le collier de corde pour Soupany dedans. Nous lui demandâmes de la lire lorsque nous serions parti et nous dîmes aurevoir, adieu sans doute… Nous voilà donc une fois de plus face à notre destin, avec nos cinq sacs sur le dos, assis sur un quai de gare en mangeant des gâteaux artisanaux achetés il y a cinq minutes devant des regards thaïs hébétés qui se demandent à juste titre ce qu’un farang fout si loin de chez lui.

Notre pensée profonde. Trouver notre chemin… Nous vînmes ici trouver notre chemin !


26 mai 2003

Bangkok (Thaïlande).

Nous eûmes une très longue journée ! Tout d’abord, le train avait trois heures de retard, il était rouillé et nos deux compagnons de voyages étaient deux paysans complètement pintés ; émanaient de leurs paroles incompréhensibles d’étranges et inquiétantes vapeurs éthyliques. Une fois à la gare de Bangkok, au matin, nous nous rendîmes directement aux MEP en taxi, à cause de nos sacs, sinon aurions-nous risqué une mototaxi. Nous fûmes accueilli vers 9h40 par le père Le Bézu qui nous indiqua un endroit où les mettre en sûreté et une chambre où passer la nuit. Ensuite, nous allâmes nous promener un peu dans Bangkok, seul toujours. Nous nous rendîmes sur Khao San Road et y fîmes de nombreuses rencontres : un Japonais dans une guest house, The New Joe, plusieurs katoï, des Thaïs, des anglophones, etc. Nous fîmes également quelques achats, dont des petits drapeaux en tissus à coudre sur notre sac à dos car sache, Fidèle, qu’il est de coutume pour les backpackers de montrer d’où ils viennent et ce qu’ils ont déjà vu à travers le monde, c’est comme ça. Une longue marche donc ! Nous achetâmes évidemment aussi notre billet pour Butterworth, mille bahts en couchette upper. De retour aux MEP, nous prîmes une douche méritée et allâmes dîner au Silom Village, dans un restaurant assez chic. Nous commandâmes un khao pat, un Pepsi, une banana split et un jus d’orange frais en guise de dessert ; nous en eûmes pour deux-cent-trente bahts… Bangkok ! Nous retournâmes ensuite aux MEP. Il n’était pas si tard mais le portail était fermé. Nous ne voulions pas l’escalader, ni déranger personne, alors retournâmes-nous sur Khao San Road. Nous commençâmes à pattes, sans nous rendre compte ni de l’heure ni du temps de notre marche. C’était agréable. Ce n’est pas une chose que nous pouvons faire à Marseille la nuit, mais ici ne ressentons-nous aucune onde vraiment négative. Les petites racailles frustrées par leur vie de merde ne courent pas les rues à Bangkok, contrairement à la cité phocéenne qui en est envahie… Nous fîmes en chemin la rencontre d’un garçon qui nous suivait. Nous parlâmes avec lui mais il nous collait trop alors prîmes-nous finalement un taxi et le laissâmes en plan ; il nous saoulait et n’avait, du reste, rien de charmant ! Vers 23 heures, alors que nous cherchions une chambre pour passer la nuit, un katoï s’extasia sur notre bob et vint nous brancher. Tina – tel était son nom de scène – nous proposa de nous héberger chez lui pour deux-cents bahts. Nous acceptâmes volontiers. Il nous emmena dans une guest house à l’entrée de Khao San Road et nous fit monter. C’était très petit et il y avait un lit gigogne. Nous nous sentions à l’étroit et lui dîmes que nous préférions d’abord chercher ailleurs pour voir si nous trouvions mieux. Là, en dernier recours, il nous proposa de nous le faire gratuit si nous couchions avec lui, en s’approchant de nous, les mains sur nos fesses et prêt à nous embrasser. Nous l’embrassâmes effectivement mais, comme un con, nous dérobâmes et lui dîmes que nous ne voulions pas en arriver là. Foutue raison, nous nous demandons à quoi elle sert, celle-là ! Il comprit sans souci et nous proposa de nous emmener dans une boîte – l’ODM, ou quelque chose dans le genre – où le DJ, français, pouvait peut-être nous aider car il travaillait ici depuis deux ans environ. Dans cette boîte, on y passe de l’electro. L’ambiance était donc assez chaude et alcoolisée. Une charmante Anglaise flasha sur nous d’ailleurs, plus quelques Thaï-e-s sans doute aussi. Nous passâmes une excellente soirée à danser et à boire ; cela nous fit du bien après tant de mois d’abstinence ! Vers 2 heures, tout le monde rentra chez soi. Nous parlâmes un peu avec le DJ qui nous dit qu’en une soirée, puisque notre départ était prévu le lendemain, nous n’avions aucune chance de trouver du boulot. Nous le remerciâmes donc, le félicitâmes pour son mix et retournâmes sur Khao San Road chercher une guest house pour la nuit, repoussant au passage trois filles et un katoï qui nous proposèrent de dormir avec eux. Nous nous demandons vraiment pourquoi avoir refusé… ! Tina, lui, avait quitté la boîte avant nous, n’oubliant pas de nous laisser payer son verre. C’était de bonne guerre. Nous le revîmes après, toujours dans le même bar et parlâmes un peu avec lui. Nous trouvâmes finalement une chambre au Marco Polo Hotel, tout près de Khao San Road : une chambre sans air conditionnée pour deux-cent-cinquante bahts la nuit (plus trois-cents bahts de caution pour la clef !), tout cela pour retourner dans quelques heures aux MEP… Nous n’avons pas d’affaire sur nous. Allons prendre une douche, nous dormirons nu.


28 mai 2003

Palau Penang (Malaisie), 16h30.

Nous sommes actuellement dans un bus express pour Kuala Lumpur, sur l’immense pont qui conduit à Butterworth. Nous passâmes quelques vingt-quatre heures dans le train entre hier et aujourd’hui. Nous y rencontrâmes un Japonais qui avait la couchette en-dessous de la nôtre et pûmes parler avec lui pour passer le temps. C’est fou, le nombre de Japonais que nous rencontrons ici ! À Padang Besar, nous dûmes faire un arrêt pour l’immigration. Le SARS (pneumonie atypique pour les Européens) sévit dans la région. Nous eûmes donc droit au relevé de notre température, au petit papier de sécurité sanitaire, etc. Nous passâmes et c’est bien là tout ce qui compte ! En arrivant à Butterworth, nous prîmes le ferry pour Palau Penang. Nous y rencontrâmes un jeune Malaisien qui avait remarqué le drapeau français que nous avions cousu sur notre nouveau sac à dos. Il s’appelait Sha. Ses amis et lui nous firent un peu visiter la ville et nous emmenèrent voir le grand complexe. Nous restâmes environ une heure et demie avec eux, agrémentant nos visites de nos récits aventuriers. Nous nous séparâmes d’eux car nous devions partir en quête d’un job, après avoir toutefois échangé nos coordonnées, bien que nous pensions que ce genre de rencontres sont plus appréciables si elles restent éphémères. Nous dirigeâmes nos recherches vers les agences de mannequinât en nous arrêtant à chaque fois que nous voyions le mot fashion inscrit sur une vitrine. L’avantage est que tout le monde parle anglais ici. Dans la première butik, on nous conseilla d’aller voir Starbust au quatrième étage et, nous y rendant, on nous apprit que, sans permis de travail, je n’avions aucune chance de trouver du boulot ; foutu pays ! Il nous reste environ cent ringgits, soit moins de vingt euros… Nous continuâmes à chercher dans cette ville, sans succès hélas. Nous comptions y passer la nuit et nous rendre à Kuala Lumpur (dite KL) le lendemain, nous avions trouvé une chambre mais la gérante de l’hôtel où nous étions descendu nous apprit gentiment qu’il y avait un bus pour nous si nous le désirions, dans l’heure. Elle l’appela, il passa et nous montâmes dedans. Étrange mais efficace, assurément !


29 mai 2003

Petaling Jaya (Malaisie).

Nous arrivâmes hier soir au terminal des bus de KL vers 23 heures. Après une longue marche hasardeuse dans les rues interminables, avec au loin les deux tours Petronas que nous ne réussîmes pas à atteindre, nous trouvâmes un motel miteux (et même plus que cela !) mais bien sympa quand même, proche du quartier chinois. Pour te situer un peu l’ambiance, Fidèle, reporte-toi à l’hôtel dans lequel les trois héros de La Plage se rencontrent ; tu vois le genre ! Nous nous réveillâmes à 8 heures et partîmes une heure plus tard pour l’église. Nous mîmes la matinée pour y parvenir, avec nos trois sacs sur le dos ; quelle merde ! En fin de compte, il faut juste prendre la ligne de bus 30 jusques à jalan Templer pour un ringgit soixante… Nous fûmes accueilli à l’église de Petaling Jaya (une ville toute voisine) par le père Simon, puis par le père des MEP André Volle. Nous parlâmes un peu et il accepta de nous héberger deux ou trois jours, le temps pour nous de trouver quoi faire dans ce pays. Il nous proposa également d’aider en échange à la Rumah Ozanam (rumah signifie maison), un orphelinat derrière l’église tenu par Elizabeth Vaz, une indienne, qui s’occupe d’enfants essentiellement indiens et chinois. Nous nous y rendîmes et fîmes la connaissance de tout le monde, enfants et volontaires, dont Emmanuel Fayolle et Pierre, deux Français présents respectivement pour vingt-quatre et quatre mois. Nous passâmes là le reste de la journée. Vers 17 heures, nous nous rendîmes avec les autres à l’église pour célébrer l’Assomption : chants, prières, blabla. Et dire que nous ne sommes même pas catho ! Bien qu’utiles à contrôler la masse, nous trouvons ces processions ridicules. Après la messe, alors que les autres rentraient à l’orphelinat, nous retournâmes à l’église. Derrière elle se trouve la maison des pères. À l’étage est notre chambre : grande, climatisée, sous clef. Nous prîmes une douche et nous installâmes. Au soir, nous rejoignîmes tout le monde à la Rumah Ozanam II, chez les filles entre l’église et la Rumah Ozanam, pour manger et faire plus ample connaissance. Au menu, des pizzas indiennes, des nouilles, du jus d’orange ; c’était la fête ! Tous les enfants étaient survoltés par l’occasion et les airs de Pierre au piano. Nous rentrâmes nous coucher vers 23 heures, après les garçons.


30 mai 2003

Petaling Jaya (Malaisie), 21h42.

Aujourd’hui fut encore chargé en événements rares et précieux ! Ce matin, chez les garçons, Emmanuel n’était pas là car il veillait à l’hôpital sur l’un d’eux qui avait ingéré une baie douteuse et eut droit, le pauvre, à un lavage d’estomac. Nous aidâmes les volontaires à ranger la bibliothèque et vers 11 heures, nous allâmes faire un tour dans le vieux quartier commercial pour y chercher des chaussures car nos baskets nous faisaient subir un calvaire depuis que nous avions quitté Bangkok, quelques jours plus tôt. Nous n’en trouvâmes hélas pas, revînmes les mains dans les poches et mille ringgits de plus dans notre sac. Merci BNP-Paribas… Et puis merde, nous n’avions pas le choix, il ne nous restait que vingt-cinq ringgits pour vivre sans solde pendant un temps indéterminé. L’après-midi, nous allâmes dans le centre-ville de KL en teksi : quinze ringgits. Nous passâmes quelques heures à faire les magasins et à chercher un job. Avant cela toutefois, nous achetâmes chez Bata des sandales, plus adaptées au climat chaud et humide de cette région. Nous écrivions à Palau Penang que nous orientions nos recherches dans le mannequinât ; nous fûmes donc chez Guess qui nous dirigea vers la butik Orsen Liyn. À l’étage se trouve Catwalk Production mais ils étaient malheureusement fermés ; nous repasserons. Nous retournâmes chez les filles d’Orsen Liyn qui nous donnèrent une autre adresse, celle de la Blitz Production, en nous précisant qu’il fallait appeler lundi. Avant de prendre un teksi pour l’orphelinat (nous allions écrire fondation…), nous consultâmes notre courriel dans un cybercafé. Nous sommes sur notre lit, un de plus ; honorons-le.


31 mai 2003

Petaling Jaya (Malaisie), 22h11.

Nous n’avons presque rien à noter aujourd’hui. Nous nous réveillâmes et levâmes à 8 heures pour soigner nos plaies qui ont du mal à cicatriser avec ce climat. À 9 heures, nous allâmes petit-déjeuner à la rumah. Avec Pierre, ensuite, nous continuâmes à ranger la bibliothèque. C’est incroyable le nombre de chef-d’œuvres de la littérature qu’ils peuvent maltraiter et bazarder. Nous prîmes donc onze livres destinés à la poubelle, des éditions datant d’une cinquantaine d’années environ : The History of Mr. Polly par H.G. Wells (1910), Cranford par Elizabeth C. Gaskell (1853), The Pickwick Papers par Charles Dickens (1837), The Card par Arnold Bennett (1911), Mansfield Park par Jane Austen (1813), Far from the Madding Crowd par Thomas Hardy (1935), The Journal of a Tour to the Hebrides with Samuel Johnson par James Boswell (1785), The Turn of Screw, The Aspern Papers and other stories par Henry James (1879 - 1910), The Vicar of Wakefield par Oliver Goldsmith (1766), The Man of Property par John Galsworthy (1906) et Barchester Towers par Anthony Trollope (1857). Tout cela commence à dater mais il aurait été dommage de foutre à la poubelle ce passé. Nous les stockâmes dans le sac thaï que les volontaires de Homehak nous avaient offert à notre départ. Nous rentrâmes à l’église vers 14 heures après avoir mangé chinois avec les garçons. Nous comptions aller à KL aujourd’hui mais nous préférâmes reposer nos pieds. Par ailleurs, il y avait de fortes chances pour que la Blitz Production et l’Agenda, une librairie française où nous souhaitons nous rendre, fussent fermés. Lundi, nous nous lèverons tôt et reprendrons nos recherches.


2 juin 2003

Petaling Jaya (Malaisie), 00h12.

Ce matin, jusques à 14 heures pour reposer nos pauvres pieds, nous restâmes dans notre chambre. Nous allâmes ensuite à l’orphelinat mais les enfants n’étaient pas là ; ils avaient une kermesse. Nous continuâmes donc à ranger la bibliothèque (un bordel là-dedans !) Nous rejoignîmes ensuite Pierre qui regardait en bas L’Arme Fatale 4. Les garçons arrivèrent joyeux à 16 heures. Nous les envoyâmes se reposer car ils étaient invités à un dîner de charité à 18 heures et qu’ils devaient être en forme. Va donc demander à de tels enfants de dormir une heure sur commande, Fidèle ; impensable ! À 17 heures, il fallut les réveiller et les habiller tous en blanc. Une fois dans le bus, nous n’étions plus que trois dans un orphelinat bien silencieux. Emmanuel nous invita donc à aller en ville boire un coup au pub, puis manger des crêpes dans un restaurant. Il était un peu moins de minuit à notre retour. Nous nous fîmes déposer devant l’église où nous dûmes escalader le mur car le portail était fermé. Au pub, il envisagea la possibilité de nous faire travailler à temps partiel pour l’orphelinat dans la salle informatique. Il s’agirait d’être présent pour les enfants et de les aider à manipuler ce moyen de communication, ou simplement d’être là pour éviter qu’il ne fasse des conneries… Il doit cependant en parler au staff, toujours lui ! Le sage écrit que l’avenir est à venir ; attendons-le donc.

Kuala Lumpur (Malaisie).

Nous passâmes la journée à KL. Nous partîmes de l’église à 9 heures en remerciant le père Volle pour son accueil et prîmes un teksi pour la Blitz Production où, une fois là-bas, deux femmes nous firent remplir une fiche de renseignements en nous assurant qu’elles allaient nous contacter par courriel pour des essais. Alors que nous allions partir, l’une d’entre elles nous retint pour nous dire qu’ils recherchaient en ce moment des garçons pour une marque de jean et que nous avions la bonne taille. Elles nous demandèrent d’appeler à 15h30. Nous prîmes un teksi pour le KL Plazza, y fîmes un tour jusques à 13 heures environ et allâmes déjeuner. N’ayant pas de téléphone, nous dûmes acheter une carte à dix ringgits et trouver une cabine. La conversation ne dura pas une minute ; notre interlocutrice nous dit juste de passer à 17 heures. Il était déjà 16 heures alors choppâmes-nous un teksi qui connaissait l’adresse. Il nous y conduisit et nous attendîmes l’heure dite au Coffee Bean d’en face devant une forêt noire et un grand jus d’orange fraîchement pressé. À 16h50, nous nous rendîmes à l’agence. Là, nous rencontrâmes Justin Luke Fitzpatrick, le directeur de casting, un Anglais, qui nous fit essayer deux jeans : un Monsieur Nicolas blanc et un Lee Cooper bleu foncé à pâtes d’ef. Comme nous étions plus à l’aise dans le second, il nous dit de le garder sur nous car nous allions rencontrer le photographe. Nous avions rendez-vous avec lui au Kuala Lumpur City Center (KLCC), sous les tours Petronas, un autre plazza. Nous l’attendîmes dans un café au nom oublié. Justin nous paya un ice blended au chocolat et trois minutes plus tard, le photographe arriva. Il était chinois. Justin et lui ne se connaissaient pas alors parlâmes-nous un moment avant d’aller faire les photos. Justin resta au café, pendu à son téléphone, pendant que nous suivions le photographe dehors, sur les marches qui mènent aux fontaines. Laisse-nous t’avouer, Fidèle, que nous n’avons rien d’un mannequin né. Nous manquons cruellement d’expressions et les premières poses furent vraiment difficiles pour nous qui étions quand même au milieu de la foule. Tout le monde devait nous prendre pour quelqu’un de connu ; quelle angoisse ! Entre gêne et inexpérience donc, le résultat ne fut pas probant mais nous sortîmes toutefois deux clichés dont il semblait satisfait. Nous retournâmes au café voir Justin, parlâmes cinq minutes et le photographe dut partir pour un autre rendez-vous. Sur le chemin, nous confiâmes à Justin que nous ne le sentions pas mais il nous dit de ne pas nous en faire, que c’était bon. Nous craignons qu’il ne l’ait fait que pour nous rassurer, hélas… Une fois à l’agence, nous nous changeâmes et il nous assura qu’il allait nous contacter tantôt pour nous donner des nouvelles, l’audition ayant lieu dimanche. Nous repartîmes avec la quasi-certitude de ne pas être fait pour le métier de model, ou pour le moins de devoir acquérir encore de l’expérience dans ce domaine. Nous retournâmes ensuite au KLCC pour nous acheter des paires de chaussettes – nous avions la flemme de faire notre lessive et les jetâmes toutes ; shame! – et des pansements à la pharmacie. Justin nous avait conseillé comme hôtel le YMCA en nous indiquant comment nous y rendre. Nous suivîmes donc ses conseils et prîmes simplement le métro. Nous y fûmes pour un ringgit soixante, depuis le KLCC à KL Sentral, l’hôtel étant de l’autre côté de la rue. Nous prîmes possession d’une chambre pour la semaine, la 311, et descendons là dîner à la cafétéria. Les douches sont communes dans cet hôtel et nous manquons affreusement de sexe ! Si nous pouvions y rencontrer un charmant jeune homme, ce serait parfait… Le Christian sur l’enseigne ? Que Diable l’emporte donc !


3 juin 2003

Kuala Lumpur (Malaisie), 23h30.

Aujourd’hui, nous passâmes la journée sur les rails, pratiquement. Nous quittâmes l’hôtel vers 8 heures pour nous rendre à l’Agenda. Nous avions tout prévu : un plan, du fric, de l’enthousiasme… Tout sauf notre tête ! Nous y arrivâmes à midi et quelques, après de nombreux kilomètres inutiles dans trois ou quatre trains de banlieues, pour nous rendre compte que nous étions descendu au bon arrêt la première fois mais, qu’une fois à pattes, nous étions parti du mauvais côté alors que l’Agenda était quelques dizaines de mètres plus loin. Cela fut par ailleurs sans succès . Le gars là-bas était sympa mais il ne sut nous donner de renseignements ni sur des familles susceptibles d’être intéressées par un garçon au pair, ni sur une butik qui recrutait des Français. Tant pis ! Puisque que nous étions partis pour perdre notre temps, autant aller jusques au bout. Nous n’arrivâmes à l’ambassade, où nous voulions nous rendre absolument pour nous inscrire sur leur fichier, qu’à 14h30 environ. Nous fûmes reçu par Valérie Thomas qui nous expliqua entre autres choses que, sans permis de travail, nous n’avons pratiquement aucune chance de trouver du boulot car les autorités sont strictes sur la législation. La Malaisie, nous dit-elle, veut en effet rejoindre au plus vite le modèle occidental ; quels idiots ! Elle fit une photocopie de notre passeport pour nous couvrir au niveau consulaire mais nous ne trouvâmes aucune piste là-bas non plus. Dans l’après-midi, nous retournâmes à la Blitz Production mais Justin n’était pas là alors décidâmes-nous de zoner dans nos désormais familiers plazzas. Nous mîmes quand même plus d’une heure pour retrouver le Sungei Wang où nous dînâmes. Nous allâmes consulter notre courriel au Bintang Café, fîmes un tour et rentrâmes. Nous commençons de nous bien repérer dans cette ville. Nous retrouvâmes assez facilement le KLCC, le traversâmes (avec passage obligé au Dunkin Donuts), prîmes le rail pour KL Sentral et voilà. Nous passâmes à la cafétéria de l’hôtel boire un succulent ice blended à la mangue et montâmes prendre une douche, sans aucun jeune homme charmant. Allons nous coucher, rêveur.


4 juin 2003

Kuala Lumpur (Malaisie).

Nous nous réveillâmes, ce matin, en sueur, avec une idée née de la nuit ! Puisque garçon au pair dans une famille française n’est pas possible, nous devons nous intéresser à la communauté chinoise qui représente une grande partie de la population. Nous nous rendîmes donc à l’ambassade de Chine (un véritable bunker) où nous fûmes aiguillé vers le consulat situé dans le Bulding OSK plazza, au-dessus de la Bank of China. Fermé, on nous dit de repasser à 14 heures. Journée culturelle aujourd’hui ! Nous allâmes donc à China Town, demandant ici et là dans les butik s’ils ne cherchaient pas quelqu’un ou s’ils ne connaissaient pas quelqu’un dans ce cas mais, naturellement, nous ne trouvâmes rien. Nous déjeunâmes au Central Market, dans un restaurant très sympa à l’étage, et retournâmes au consulat qui nous dirigea vers le département économique, de nombreuses stations plus loin. Une fois là-bas, toujours rien ! Nous laissâmes toutefois nos coordonnées au cas où un Chinois cherchait un garçon au pair, sans grande illusion. Nous continuâmes vers le Sungei Wang en teksi puis consultâmes notre courriel. Le temps se gâtait, la pluie arriva d’un coup. Nous ne nous sentions pas de retourner au KLCC à pattes alors attendîmes-nous un teksi, comme les dizaines de gens avant nous dans la file d’attente. Cette journée fut longue et inutile, dans le sens où nous cherchons un job avant tout, sinon c’était fun ! Nos plaies mettent beaucoup de temps à cicatriser et nous marchons avec quelques difficultés.


5 juin 2003

Kuala Lumpur (Malaisie), 20h13.

Nous nous réveillâmes à 11 heures. Une heure plus tard, nous partîmes pour le Bukit Kiara Equestrian & Country Resort, un country club. Nous orientons désormais nos recherches vers là. Nous dûmes prendre le rail jusques à Bangsar, un bus jusques à Dawamsara Hill et un teksi jusques au resort. On nous laissa entrer sans trop de problème dans ce club très privé ; peut-être était-ce parce que nous signalâmes à l’entrée que nous voulions en devenir membre et que nous avions pour l’occasion un look mondain… À la réception, nous rencontrâmes la manager qui nous envoya aux Ressources humaines où une femme nous fit remplir un formulaire en nous signalant que ce serait dur car nous n’avions pas de permis de travail, même pour un emploi de barman, d’autant moins qu’ils n’embauchaient pas ou peu d’étrangers. Bref, nous remplîmes quand même sa feuille et la lui laissâmes. Elle nous assura qu’elle aussi allait nous contacter le lendemain.

Notre pensée profonde . Arrêtez d’assurer un peu, bordel ! Faites-le !

Nous retournâmes au KL Sentral en teksi, après avoir marché une bonne dizaine de minutes pour trouver un semblant de civilisation sur la gauche du resort. De là, nous rejoignîmes le KLCC et marchâmes jusques au Bintang Café. Nous avions reçu un message de notre mère, évidemment comme tous les jours ou presque, et de Claire qui nous écrivait toute étonnée qu’elle avait pour nous un colis venant de la Grande Loge de France… Au même instant, alors que nous lisions son courriel (sans exagération aucune !), nous en reçûmes un de Catherine Duclos qui nous demandait si nous avions bien reçu son colis !

Notre pensée profonde . Oui chérie, mais c’est trop tard là, j’ai changé de pays…

Déçu de ne rien avoir trouvé encore aujourd’hui, nous allâmes nous goinfrer de donuts au KLCC et rentrâmes à l’hôtel. La cafétéria fermant à 19 heures, cela tombait très bien.


6 juin 2003

Kuala Lumpur (Malaisie).

À 10 heures, nous retournâmes au KLCC faire un tour des butik du plazza pour voir si personne ne cherchait à recruter un Français paumé ! Apparemment non… Nous allâmes aussi au cybercafé : rien non plus. Après, nécessairement en avions-nous marre et allâmes-nous déjeuner et surtout boire au Dôme dans le Lot 10 plazza ; excellent mais cher. Nous ne savons pas pourquoi, nous sommes toujours attiré par ce qui est cher, sans même que cela semble l’être… L’après-midi, nous fîmes le tour de trois autres plazzas : le Sungei Wang (jeune et bruyant) ; le Lot 10 (très français, donc luxueux) ; le KL (très luxueux donc très européen francophone). Un peu de chauvinisme ne fait pas de mal ! Nous n’y trouvâmes rien non plus cependant. Il y avait bien des annonces sur les butik mais elle requéraient toutes un permis de travail, évidemment, et il fallait parler malaisien dans l’une, mandarin dans l’autre, les deux dans la troisième, plus anglais. Vers 16 heures, nous retournâmes au cybercafé jusques à 19h30 environ. Nous n’eûmes pas les réponses que nous attendions, comme chaque fois, voire pas du tout. Ce fut le cas du resort par exemple. Nous fîmes donc des recherches et envoyâmes des demandes à différentes organisations, comme la Soka Gakkai. Avant de rentrer, nous nous arrêtâmes une fois de plus au Dunkin Donuts, histoire de déprimer en prenant du poids. Les employés commencent à nous connaître, nous qui en prenons six à chaque passage. Et puis, merde à la fin, pourquoi n’y a-t-il jamais personne sous les douches ?


7 juin 2003

Kuala Lumpur (Malaisie).

Nous quittâmes le YMCA à 10 heures pour nous rendre au cybercafé mais finalement, nous marchâmes beaucoup et n’y arrivâmes que vers 13 heures. Emmanuel nous donna les coordonnées de deux des membres du comité pour que nous les appelions et que nous voyions directement avec eux ; nous le ferons demain en dernier recours. Vers 17 heures, nous regagnâmes le KLCC puis le cybercafé. Nous avions contacté différentes organisations, quatre ou cinq écovillages, des lycées français et d’autres mais n’eûmes aucune réponse, rien, nada, niente ! Nous répondîmes donc aux messages de nos proches et reprîmes le chemin des Petronas. Là, nous sommes sur notre lit, désolé de ne rien trouver. Il nous reste soixante-dix ringgits et nos plaies ne cicatrisent que trop lentement. Nous entendons au loin cette petite voix sadique.

Nous-même . Louis, la situation devient dramatique. Il vous reste une chance ridicule, vous la tenterez demain. En attendant, vous allez prendre une douche… Oui, c’est bien la douche ! Là aurez-vous peut-être plus de chance !


8 juin 2003

Kuala Lumpur (Malaisie).

L’idée d’hier était d’aller proposer nos services à la Soka Gakkai de Malaisie, dont l’un des sièges est à KL. Nous parcourûmes toute la jalan Bukit Bintang depuis le Lot 10 pour trouver le building de la SGM ; nous te laissons regarder sur un plan, Fidèle, c’est décourageant ! Cela ne se déroula pas comme nous l’avions espéré mais nous obtînmes cependant de la part du directeur des relations publiques la promesse qu’il allait parler de nous au comité et faire tout son possible pour nous intégrer. Nous pensons, vraiment, lui avoir fait bonne impression. Hélas y a-t-il le comité, encore et toujours ce foutu comité… Nous haïssons la république ! Nous lui laissâmes donc notre carte et lui la sienne. Ce ne fut donc qu’un demi échec. Là où nous nous plantâmes royalement en revanche, c’est que notre semaine de recherche arrive à son terme et que nous n’avons toujours pas de boulot. Ce n’est pas faute d’avoir cherché, peut-être pas au bon endroit, certes… Nous pensions ce matin encore à la mafia chinoise… Ne nous reste-t-il donc que cela ?

Nous-même . Louis, vous n’avez plus rien à perdre. Et si vous alliez rendre visite aux Francs-maçons pour voir l’accueil qu’ils vous réservent ?

Hélas étions-nous dimanche et la jalan Tun Razak est-elle immense. Ainsi ne trouvâmes-nous leur résidence que vers 18 heures et d’une bien étrange façon. Alors que nous passions devant l’ambassade étasunienne gardée par une milice malaisienne, crachant intérieurement : « Pauvres petits, ils ont besoin de la flicaille du coin pour les protéger. Il faut les comprendre, ils sont tellement gentils et le mal qu’on leur veut en ce moment est tellement injustifié… » Après avoir ravalé cela donc, nous baissâmes la tête, la relevâmes et tombâmes sur la gauche nez à pancarte avec le 213 qui nous narguait depuis deux heures environ : la Dewan Treemason se trouvait derrière. Nous entrâmes, sonnâmes mais personne ne nous répondit. De retour à Ampang Park, nous prîmes le rail pour le KLCC et sur le chemin qui mène au cybercafé, nous fîmes une rencontre intéressante. À cause des ces putains de plaies qui ne guérissent pas (rien d’étonnant avec les kilomètres que nous faisons chaque jours !), nous avons tendance à boiter un peu. Ainsi donc, nous sortions de l’autre côté du plazza lorsqu’une femme nous aborda en s’inquiétant de notre jambe et en nous demandant ce qui n’allait pas. Ne voulant pas nous étaler sur nos plaies, nous lui répondîmes que nous avions chu un jour d’un cheval et qu’il en était resté cela. Elle se prénommait Grace et faisait partie d’une organisation bouddhiste, précisément la Soka Gakkai, d’après ce que nous comprimes à son anglais. Puisque notre chemin était le même, nous parlâmes beaucoup avec elle. Officiellement donc, nous étions tombé de cheval une dizaine d’années auparavant et après deux opérations infructueuses, nous avions abandonné l’idée de guérir un jour. Amusons-nous, amusons-nous… En entendant ce récit, elle décida de nous donner ce qu’elle venait de s’acheter, une petite fiole avec un remède chinois à l’intérieur, liquide à l’odeur forte et fraîche d’eucalyptus. Nous refusâmes dans un premier temps (scrupules ?) mais elle insista et nous ne pouvions plus revenir sur notre récit. Nous nous assîmes donc sous un abribus et continuâmes notre conversation. Nous lui contâmes nos dernières aventures, en Thaïlande et en Malaisie ; elle nous expliqua l’expérience qu’elle avait vécu avec Bouddha. Elle nous donna même une prière au Gohonzon* pour réaliser nos vœux. Nous échangeâmes nos adresses et reprîmes notre route chacun de notre côté entre Sultan Ismail et Bukit Bintang. Nous reçûmes un courriel de notre mère qui nous écrivit d’aller à l’ambassade demander un rapatriement. Hélas ne pensons-nous pas que cela soit aussi simple. Les rapatriements se font pour les cas d’extrême urgence et nous, ne sommes qu’un cas désespéré. Elle mit toutefois le doigt sur un point essentiel : nos aventures en Asie touchent à leur fin…


9 juin 2003

Petaling Jaya (Malaisie).

Nous quittâmes définitivement le YMCA à 9h30. Avec tous nos effets, nous nous rendîmes de KL Sentral à Ampang Park pour aller à l’ambassade de France. Naturellement, nous oubliâmes que nous étions lundi de Pentecôte et qu’en France, la laïcité n’est pas pour les Cathos… Bref ! Le garde à l’entrée, un Malais qui arborait fièrement un écusson tricolore sur son épaule gauche, eut pourtant la gentillesse de nous appeler quelqu’un au téléphone ; il nous sembla reconnaître la voix du gendarme de la fois d’avant. Comme nous le pensions, pour les rapatriements, il fallait une urgence.

Nous-même. Démerdez-vous, Louis ! Après tout est-ce normal, sinon y aurait-il trop de gens comme vous !

Nous prîmes donc rendez-vous pour le lendemain dès 9 heures, heure d’ouverture de la butik France. Bon… Et ces Francs-maçons, alors ? Et bien, nous y allâmes, une seconde fois, en continuant sur la jalan Tun Razak, et sonnâmes au 213. Cette fois-ci, une femme nous répondit à l’interphone et comme elle ne comprenait rien, un homme vint nous ouvrir la porte. Nous l’entrouvrir serait plus juste… Nous nous présentâmes succinctement : « Good morning! My name is Louis. I’m a French citizen traveling around the world and… », and ta gueule…  Il nous coupa sèchement la parole avec un très brutal (nous insistons sur ce point) : « No! OK? », avant de refermer la porte. Trop aimable ! Rappelons, il nous semble, que la Franc-maçonnerie est sensée élever l’esprit de l’Homme à son faîte ; nous en étions loin ! Nous voulions simplement lui proposer de prendre un thé ; pff ! Nous reprîmes ensuite un teksi jusques à l’église. Le père Volle avait un entretien alors attendîmes-nous qu’il pût nous recevoir. Nous lui expliquâmes notre situation et demandâmes s’il pouvait nous héberger encore quelques jours, jusques à ce que notre départ se précise. Il accepta évidemment, les missionnaires étant généreux et bienveillants ! Il nous donna également cent ringgits pour tenir en attendant le PMO que notre mère compte nous envoyer par la Western Union. Après une semaine de recherche, nous voilà revenu à notre point de départ, la chambre 12 de la maison des pères de Petaling Jaya ; triste déception ! Ce n’est pas grave, tout ne peut pas marcher à tous les coups ou nous dûmes faire une erreur quelque part, ou enfin l’onde qui nous guide a d’autres brises à nous proposer. C’est fort probablement cette dernière raison qu’il nous faut invoquer. Par expérience, nous savons désormais qu’il ne sert à rien de forcer le destin. Ces derniers jours, nous l’avions oublié, usant de l’énergie à la recherche de nous savons d’ailleurs pas quoi. Nous retournâmes donc à l’orphelinat. Les enfants nous manquaient en plus, nous aimons leur présence et voir le monde dans leur regard. Aujourd’hui, c’était la reprise de l’école après environ une semaine de vacances. Lorsque nous arrivâmes, ils allaient prendre leur douche avant de manger, Pierre faisait des photos et pendant ce temps-là, nous expliquâmes à Emmanuel notre situation et lui demandâmes si nous pouvions louer la connexion à l’Internet de l’orphelinat de temps en temps, qu’ainsi cela nous évitait de devoir nous rendre en ville. Il nous répondit que ce n’était pas la peine et qu’il n’y avait aucun problème. Nous déjeunâmes à la rumah une fois les enfants partis pour l’école, et prîmes ensuite un teksi inutile pour la proche station Putra Taman Jaya, d’où nous allâmes au KLCC pour nous mettre en quête d’une Western Union. Après plusieurs essais infructueux dans diverses banques qui ne connaissent même pas ce service pour la plupart, nous trouvâmes le réseau à la Bumiputra Bank, proche du Sungei Wang plazza sur jalan Bukit Bintang. Nous prîmes toutes les informations dont nous avions besoin et nous rendîmes au plazza chercher une agence de voyage. Nous en fîmes deux mais elles étaient bien trop cher ; c’est que nous devrons rembourser nos parents après, pensons-y ! Nous allâmes donc au cybercafé. Nous trouvâmes un vol sur Eva Air de Bangkok (où nous avions encore deux sacs) pour Paris à cinq-cent-quatre-vingt-douze euros en aller simple. Nous envoyâmes les infos à notre mère. Il était déjà tard alors rentrâmes-nous au KLCC ; il fallait fêter cela au Dunkin Donuts, assurément ! Nous prîmes le rail pour la station Putra Taman Jaya et marchâmes jusques à l’église environ quinze / vingt minutes pour retrouver notre lit.


10 juin 2003

Petaling Jaya (Malaisie).

Nous nous réveillâmes très tôt aujourd’hui, vers 5 heures. Seulement mîmes-nous deux heures à nous lever. Nous étions à l’orphelinat dès 8 heures, allâmes consulter notre courriel puis fûmes à l’ambassade vers 10h30. Après trente minutes d’attente devant TV5 Monde, Nancy Wallyn, la remplaçante de Valérie Thomas qui était en congés, nous reçut ; nous la trouvâmes elle aussi fort sympathique. Nous lui fîmes juste part des événements récents qu’elle prit comme une excellente nouvelle. De toute manière, elle n’aurait pu faire mieux : contact avec les parents, transfert d’argent par la Western Union, à la rigueur une valise diplomatique pour le billet mais cela aurait pris deux semaines. L’entretien terminé, nous la remerciâmes et elle nous demanda de la tenir au courant par courriel. Nous nous rendîmes ensuite à la Blitz Production pour leur dire que nous partions, qu’ils pouvaient nous effacer de leur data et que de toute manière nous ne semblions pas être fait pour être model vu l’échec du précédent casting ; ce n’était qu’un premier essai, convenons-en. Nous souhaitions consulter notre courriel au Bintang Café mais nous trompâmes de route, bien que la connaissant très bien. Nous nous étions proposé d’essayer un nouveau trajet pour finalement nous retrouver de l’autre côté de la ville, près de l’Agenda. Du coup, nous prîmes le rail pour le KLCC (encore), d’où nous retrouvâmes le cybercafé. Il était près de 14 heures lorsque nous ouvrîmes notre BAL. Nous passâmes les deux heures suivantes au Sungei Wang à la recherche de beaux clichés sur la Malaisie, ayant vendu notre appareil photo numérique pour y venir. Nous fîmes tous les étages pour ne découvrir finalement qu’un dessin de Chiang Soa Ling que nous aimons beaucoup. Lorsque nous sortîmes du plazza, c’était le déluge ! Nous vîmes des vagues sur la route, c’était hallucinant ! On se serait cru en Floride pendant l’été 2001. Nous crûmes même un moment apercevoir l’Arche de Noé arriver entre deux building mais ce n’était en fait que le monorail en test. Nous traversâmes donc la passerelle pour nous rendre au Lot 10 de l’autre côté de la route, nous arrêtâmes au Délifrance prendre une salade et un chocolat chaud : cela faisait longtemps ! Nous redescendîmes après mais il pleuvait toujours à grande eau. Le vent soufflait fort, il faisait froid alors, comme tout le monde, nous attendîmes, assis en tailleur contre la vitrine de Guess. Au bout d’une heure environ, la pluie n’ayant pas cessé, une fille indienne nous demanda si cela ne nous dérangeait pas qu’elle prît place à côté de nous.

Nous . Of course not! Please!

Cela nous donna l’occasion de faire connaissance avec elle. Elle s’appelait Amy : jolie, très gentille, parlant très bien anglais, beaucoup mieux que nous toujours. Nous parlâmes de tout et de rien, même de football ! De sol en si, finalement, la pluie cessa-t-elle. Nous nous séparâmes puis nous retrouvâmes pour échanger nos coordonnées. Elle ajouta qu’elle souhaitait beaucoup nous revoir devant un verre avant notre départ et nous lui promîmes de la recontacter avant. De retour au cybercafé, nous eûmes une surprise énorme : Looi Chee Chong, le directeur des relations publiques que nous avions rencontré à la Soka Gakkai, nous apprenait qu’il avait parlé de nous avec le directeur du comité et que travailler pour eux était envisageable, qu’il suffisait juste de lui dire nos vues côté salaire pour voir où nous placer. Hélas, nous lui répondîmes que notre retour en France avait été décidé et que nous ne pouvions plus reculer. Nous sommes passablement dégoûté mais bon, c’est la vie, et la vie aujourd’hui nous donna-t-elle une bonne leçon : toujours garder confiance en notre bonne étoile ! Bon, cela peut te paraître, Fidèle, incompatible avec ce que nous écrivîmes hier sur le destin mais, quelque part, cela doit bien avoir un sens… Nous lui proposâmes donc nos services, au cas où le destin bousculerait encore notre vie. Pour achever cette journée aussi bien qu’elle avait commencé, nous allâmes manger chez Pizza Hut ; cela aussi nous avait manqué. Le ventre plein, le sourire aux lèvres, des rêves plein la tête (comme toujours), nous rentrâmes nous coucher à l’église. Cette journée fut réellement un bonheur !


13 juin 2003

Petaling Jaya (Malaisie), 2h30.

À 10 heures, nous allâmes prévenir le père Volle dans son bureau que nous partions le lendemain ; il semblait heureux pour nous. Aujourd’hui, nous eûmes un programme chargé : nous devions aller chez Emirates réserver notre billet d’avion, à la Soka Gakkai pour l’exposition et dîner avec Amy en fin d’après midi. Les bureaux d’Emirates sont situés sur jalan P. Rawlee, dans la même tour que le très luxueux hôtel Sangri-la. La vendeuse nous dit qu’il fallait réserver le billet sur l’Internet pour avoir le prix affiché. Pour cela, il fallait une carte bancaire ; les nôtres étaient toutes vides, voire plus que vides ! Alors courûmes-nous vite à la première banque pour y ouvrir un compte mais la Hong Leon Bank n’accorde pas de carte à de simples touristes, de même que la HSBC, de même que la Eon Bank, de même que la Maybank… Nous l’avions vraiment mauvaise ! Nous tentâmes le tout pour le tout avec notre carte Bank of America au cybercafé ; miracle ! Pour de multiples raisons, très honnêtement, nous ne pensions pas que cela pût fonctionner. Nous retournâmes donc chez Emirates. Les vendeuses prirent tout leur temps pour finalement nous dire que c’était à Bangkok que nous devions retirer nos billets. En ce qui concernait notre carte, elles avaient juste besoin du numéro pour la réservation et, manque de bol, aucune transaction n’avait été encore faite… Nous comptions nous rendre à la Soka Gakkai à 13h30 mais il était déjà 16h20 quand nous sortîmes de là. Ne prévois jamais rien en Asie, Fidèle ! Nous fîmes un rapide passage au cybercafé et nous y rendîmes ; il était 17 heures. Nous montâmes au second étage, où se trouvait le bureau de Looi. Il nous reçut et descendit avec nous pour nous faire visiter la salle de l’exposition. Les volontaires étaient en pleine discussion pour savoir comment disposer les toiles. Nous parlâmes beaucoup avec Looi entre temps, notamment de la place que nous pouvions occuper dans l’organisation. Il nous demanda de revenir le soir, si possible, car le chantier ne débutait que vers 19h30 - 20 heures. Nous retournâmes alors au Délifrance du Lot 10 où nous attendîmes Amy, qui arriva dix minutes en retard à cause des bouchons monstres dans KL. Nous étions tous deux confortablement installés dans nos grands fauteuils et avant de commander quoi que ce fût, nous parlâmes une vingtaine de minutes, puis devant un chocolat chaud, des brownies, des croissants et des pains au chocolat jusques à environ 21 heures. C’était vraiment sympa ! Nous nous savions en retard vis-à-vis de Looi mais nous voulions profiter de l’instant ; nous nous y sentions bien, enfin. Pourtant fallut-il que nous nous séparassions devant le plazza, puisque nous avions un autre rendez-vous. Elle nous fit promettre de lui écrire en français. À la Soka Gakkai, Looi n’était plus là et nous nous fîmes diriger jusques à la salle d’exposition où une dizaine de volontaires travaillaient d’arrache-pied pour essayer de donner corps aux tableaux. Ils avaient commencé vers 20 heures et nous n’avions plus grand-chose à faire, hélas. Dès notre arrivée pourtant, nous fûmes accueilli avec joie et l’on nous remit une grande enveloppe à notre nom de la part de Looi. Nous l’ouvrîmes donc et y découvrîmes des informations sur la Soka Gakkai et sa branche en France. Il y avait également des photographies des œuvres exposées là en guise de cadeau. Nous trouvâmes l’attention vraiment généreuse. Nous aidâmes à disposer les toiles restantes, parlâmes beaucoup également, tout le monde voulant en savoir plus sur nous, sur cette aventure. Ils étaient aussi surpris par notre âge.

Eux . 21 years old… So young!

À la fin, nous fîmes un tour dans toute l’exposition, parlâmes encore un peu et retournâmes au cybercafé. La connexion était morte pour ce soir, problème de fournisseur d’accès, semblait-il. Le rail fermant ses portes à minuit (il était 00h20), nous dûmes prendre un teksi pour rentrer à l’église de Petaling Jaya. Nous fîmes notre lessive car dans quelques heures, nous partirons. Nous sommes épuisé !


14 juin 2003

Bangkok (Thaïlande).

Nous nous trouvons à l’instant sur notre lit, dans la chambre 410 du New Joe Guest House sur Khao San Road et nous mîmes plus de vingt-quatre heures pour y arriver. Avant de quitter Petaling Jaya, hier matin, nous allâmes dire aurevoir aux enfants et volontaires de la Rumah Ozanam, et rembourser le père Volle à la mission. À 11h30, ce dernier, accompagné du père Simon, se rendait à KL et nous profitâmes du voyage. Ils nous déposèrent au terminal de bus près de China Town, le même par lequel nous étions arrivé dix-sept jours plus tôt. Nous n’attendîmes pas longtemps car notre bus, en plateform 7, pour Butterworth, était déjà là et allait partir à 12h30. Vingt ringgit et quatre heures cinquante plus tard, nous y arrivâmes pour monter vingt-cinq minutes plus tard dans un teksi pour Hat Yaï (quarante-cinq ringgits). Nous étions trois dans la voiture, plus le chauffeur : un moine qui rentrait sans doute dans son wat, un homme d’affaire très (trop) bavard qui allait retrouver sa girlfriend à Hat Yaï, et nous-même qui étions seulement de passage. À la frontière, nous remplîmes les formalités avec l’aide du chauffeur qui nous guidait et repartîmes. Il était 20 heures (+1 en Malaisie) lorsque nous arrivâmes à la station de bus de Hat Yaï. Là, nous échangeâmes dans une petite boutique tous nos ringgits en bahts, ce qui nous faisait une sacrée somme quand même ; la vendeuse dut faire appel à un gars qui vint avec une autre caisse. La Thaïlande nous avait vraiment manqué ! Notre billet pour Bangkok nous coûta six-cent-quatre-vingt-dix bahts et nous partîmes à 21 heures. Après un changement à 4 heures à Chumporn où nous attendîmes l’autre bus pendant une heure trente et une nuit agitée entrecoupée de deux arrêts pipi / bouffe, nous pûmes, enfin, respirer l’air (pollué) de Bangkok, la cité des anges où les anges sont tous noirs de crasse. À 13h15, un taxi nous proposa de nous conduire sur Khao San Road pour seulement cent-vingt bahts…

Le chauffeur de taxi. Special price for you!

Nous lui fîmes un grand sourire niai et lui répondîmes, trop content de nous faire comprendre.

Nous . Maï pen raï, dja khun rot mé kap haa bhat!*

Il sourit et nous leva son pouce d’un air complice. Dès notre arrivée sur Khao San Road, nous nous rendîmes à la guest house prendre une chambre pour deux nuits, soit six-cents bahts, et y déposer nos sacs en vitesse pour sauter sur le premier ordinateur venu avec une connexion à l’Internet. Ensuite, nous allâmes chez Emirates sur Sukhumvit 21 mais ils étaient fermés, ces cons (deux-cent-soixante-dix bahts de mototaxi pour rien !), alors rentrâmes-nous pour trouver une agence sur Khao San Road qui pouvait nous éditer un billet pour le lendemain. En échange d’un reçu, nous la payâmes d’avance dix-huit-mille bahts seulement, puisque déjà réservé sur le net. Après un tour dans la rue touristique et un bon repas au restaurant de la guest house (cent-soixante-dix bahts), nous étions repu de notre journée. Allons nous coucher !


15 juin 2003

Bangkok (Thaïlande).

Nous n’avons pas grand-chose à noter aujourd’hui. Nous nous levâmes à 8h30 et fîmes des recherches jusques à 11 heures sur l’Internet dans un cybercafé de Khao San Road. Ensuite, nous passâmes à l’agence retirer notre billet et revînmes à la guest house où nous écrivîmes quelques idées ; nous aimerions en fait écrire un livre… À 19 heures, nous retrouvâmes le cybercafé pendant deux heures puis allâmes dîner à la guest house : une salade, des frittes et un jus d’orange. Là, nous sommes sur notre lit, nous zonons et allons nous endormir ; passionnante journée…


16 juin 2003

Bangkok (Thaïlande).

Nous squattâmes le cybercafé de 9 à 11 heures, revînmes prendre nos effets à la guest house et traversâmes tout Khao San Road pour trouver une mototaxi qui veuille bien nous conduire aux MEP pour cent bahts. Chargé comme nous l’étions, comme à notre arrivée en janvier dernier d’ailleurs, nous faillîmes mourir trois fois mais arrivâmes vivant au Naraï Hotel, sur Silom Road, tout près des MEP. C’est le père Le Bézu qui nous accueillit. Nous allâmes prendre nos sacs et dûmes faire un peu de tri pour ne pas emporter trop de poids ; le père nous permit d’utiliser une petite salle pour cela. Devant notre indécision, finalement gardâmes-nous tout, regroupant dans un sac ce que nous pouvions laisser à l’aéroport si nous n’avions pas les moyens de l’emporter. Vers 13 heures, nous quittâmes les MEP en remerciant sincèrement le père Le Bézu pour son accueil, qui nous dit que pour cent bahts nous pouvions prendre le bus qui va à l’aéroport, devant la mission. Il n’en coûtait en fait que cinquante. À l’intérieur, sur le trajet, nous discutâmes avec un Australien de 45 ans qui avait passé quinze jours en Thaïlande, entre Hat Yaï, Phuket, Chang Maï, Chang Raï, Bangkok. Nous ne tirâmes rien de bien intéressant de cette conversation sauf peut-être qu’il fut surpris qu’un Français ait pu et ait voulu enseigner l’anglais dans un village thaï. Nous lui répondîmes que maintenant nos élèves savaient que l’anglais n’était pas aussi important qu’on voulait le leur faire croire.

Notre pensée profonde. Ce n’est pas bien, Louis, pas très éthique tout cela !

D’une moue intéressée, il nous demanda s’ils le savaient ou le pensaient ; bonne question ! Nous lui répondîmes que nous le pensions et qu’eux le savaient désormais ; bonne réponse ! Après un moment de silence, il nous demanda si nous avions eu des affairs en Thaïlande pendant ces six mois – changement total de sujet… Nous refoulâmes la question de la main. Nous n’étions pas là pour cela de toute manière. Et puis, merde à la fin, nous étions frustré depuis deux semaines ! Ne pouvait-il pas nous brancher sur quelque sujet plus… moral ? Trente ou quarante minutes plus tard – ou peut-être moins, nous n’avons plus aucune notion du temps –, nous arrivâmes à l’aéroport. Notre avion décollait à 1h25 et nous devions attendre. Pour patienter, nous allâmes manger. Nous prîmes beaucoup de poids ici en si peu de temps : les gâteries des sœurs de ban Song Yae, les donuts, les Pepsi, tout cela à répétition ; nous ne savons vraiment pas comment font les Thaïs ! Nous commandâmes une énorme pizza hawaïenne, des pâtes à la carbonara et une banana split pour dessert. Nous envoyâmes nos deux sacs par avion cargo en fin de compte. Ayant vingt et un kilos de trop (nos sacs, pas nous, pas encore !), cela nous aurait coûté vingt-et-un-mille bahts supplémentaires pour les emporter avec nous ! En cargo, nous payâmes sept-mille-cinq-cents bahts et ils arriveront jeudi 19 à Genève. Nous devrons donc dormir deux nuits là-bas, les retirer vers 12h30 et prendre notre train pour Marseille où l’on viendra nous chercher en voiture. Tout un programme ! Nous attendîmes dans un demi-sommeil jusques à 00h10 pour embarquer vingt minutes plus tard. Une fois installé (trois fauteuils et un hublot pour nous seul), nous attendîmes que l’on décollât, regardâmes Comment se faire larguer en dix leçons et comptons là nous endormir en écoutant de la J-Pop.


17 juin 2003

Genève (Suisse).

Nous nous réveillâmes vers 3 heures pour petit-déjeuner complet et végétarien et arrivâmes comme prévu sur Dubaï à 4h20. Nous fîmes un petit tour dans cet aéroport hyper clean, changeâmes également nos derniers bahts en dirham (souvenirs) et nous assîmes devant notre hall d’embarquement, le numéro 29, ne sachant trop quoi faire d’autre. Nous montâmes dans l’avion à 7h50 sans problème particulier. Nous n’avions que deux places pour nous cette fois-ci ; inadmissible ! L’avion était vraiment vide, à croire que plus personne n’ose survoler l’Irak par les temps qui courent… Emirates prend grand soin de ses passagers ; ce n’est pas comme Air France ! Nous ne regrettâmes vraiment pas d’avoir choisi cette compagnie (en fait, c’était la moins chère) ! Il suffisait de demander, à boire par exemple, n’importe quoi et gentiment, pour être servi. Sans cela, de toute manière, les hôtesses passaient régulièrement s’enquérir si besoin était, sans nous déranger pour autant. Pour finir, elles étaient vraiment belles. Nous ne réussîmes pas à dormir alors regardâmes-nous dans un premier temps About Schmidt avec Jack Nicholson. Nous en eûmes la larme à l’œil, sur une scène et à la fin, bouleversant, très juste, très humain ! Pour nous changer les idées, nous mîmes Shangai Kids. Nous regarderons le premier épisode une fois en France. À ce moment-là, par la fenêtre, nous faisions un passage au-dessus de la Turquie, magnifique ! Cette terre rouge, claire ou sombre, selon que les nuages la couvraient de leur ombre ou pas, c’était un enchantement de forêts épaisses ou basses. Au loin, une mer de nuages, blancs, purs, cotonneux et par-dessus tous inaccessibles. Cet océan blanc nous fascine tant. Nous tenons cela de notre mère. Nous arrivâmes à Zurich à l’heure et passâmes sans encombre à l’immigration avec notre passeport européen. Notre sac ne mit pas une minute pour apparaître sur le tapis de déchargement et à 14h13, nous montâmes dans le train pour Genève. Nous pûmes nous y reposer, c’était agréable. Nous arrivâmes dans le centre de Genève à 17h30. Nous avions envisagé de descendre au Cénacle mais, une fois là-bas, après une heure et demie de marche, nous nous aperçûmes qu’il était complet pour la nuit. Nous demandâmes donc à l’accueil de nous indiquer une auberge de jeunesse pas loin du centre. Nous nous y rendîmes, toujours à pattes avec nos trois sacs et il devait être 21 heures lorsque nous lûmes sur la porte de l’auberge : « Complet ». Nous y entrâmes quand même pour nous en assurer et heureusement quelqu’un avait-il décommandé et pûmes-nous obtenir un lit dans la chambre 31 qui en compte six. Nous redescendîmes à la salle Internet écrire à nos proches que tout allait bien pour nous, remontâmes et prîmes une douche ; nous n’étions pas seul cette fois-ci… Allons dormir !


18 juin 2003

Genève (Suisse).

Notre lit était très confortable mais nos compagnons de chambre atroces ; ils ronflaient, ces cons ! Nous plaignons leurs copines, à supposer qu’ils arrivent à en trouver. À notre réveil, vers 7 heures, nous descendîmes petit-déjeuner à la cantine : du pain, du beurre, du lait suisse, de la confiture à la fraise. Qu’il est bon de retrouver l’Europe aussi ! Nous passâmes la matinée à nous promener dans les rues de Genève. Les gens y sont charmants, les voitures laissent passer les piétons, le temps est frais pour quelqu’un qui a passé six mois en Asie du Sud-Est, l’eau des fontaines est potable, il n’y a pas ou peu de papier par terre, toutes les cultures se confondent et s’entendent… Dit ainsi, avec un fort accent de Paul et Virginie*, la vie semble presque belle ! Vers 11h30, nous visitâmes la Boutique SNCF pour retirer notre billet. Nous fûmes prévenus des éventuelles perturbations sur les grandes lignes et là, pour le coup, nous sûmes que nous étions proche de notre pays ! L’après-midi, nous continuâmes notre promenade et à 15 heures, nous embarquâmes pour une petite croisière autour du lac de Genève avec une glace à l’italienne dans la main. Assis sur un banc du pont avant, le vent nous apportant gentiment les odeurs de la montagne et du lac, nous passâmes tout ce temps à rêvasser, les yeux posés sur les cimes alpines. Nous allâmes jusques en vue de Lausanne, nous sembla-t-il, après un arrêt à Nyon où il y avait le tour de Suisse à vélo, ou un truc dans le genre. Il est encore tôt. Nous sommes à l’auberge, fatigué, grillé par le soleil.


19 juin 2003

Genève (Suisse), 14h30.

Quelle journée de merde ! En ce moment, nous sommes sur un banc de la voie 7 en gare de Genève. Notre train pour Marseille fut annulé par des connards en France, de vieux aigris jamais contents, cultivés dans un terreau de médiocrité qui prennent un malin plaisir à faire chier leur monde, les usagers, à défaut de réellement pouvoir déranger leur patron devant lequel ils mouillent quand ils le voient. Du coup, ce n’est même pas le service public qui est critiquable, ce sont ses crétins d’agents ! Si seulement on en virait quelques uns qui s’accrochent à leur ancienneté, tout irait beaucoup mieux ! Si au moins ils avaient une once de réflexion naissante dans leur esprit débile, ils laisseraient voyager les usagers sans les faire payer plutôt que de les bloquer injustement dans les gares ; bande de peigne-cul ! Passons. Avec des si, nous serions au pouvoir et il ne resterait plus beaucoup de monde sur Terre… Nous nous levâmes à 7 heures et descendîmes petit-déjeuner à la cantine. Nous passâmes l’heure et demie d’après sur l’Internet puis rendîmes notre clef électronique et quittâmes l’auberge pour la gare. Nous prîmes le train pour l’aéroport et là un véritable parcours du combattant se présenta à nous qui dûmes d’abord trouver la Thaï Airways Cargo Section ; nous mîmes une heure, après deux commandes sur la borne d’infos. Finalement, nous arrivâmes à la Jet Aviation qui s’occupe du fret de la compagnie thaïe. La femme de l’accueil nous dit gentiment qu’il y avait des taxes d’aéroport et qu’il fallait dédouaner la marchandise ; pas étonnant, nous arrivons de Thaïlande et ils sont paranoïaques. Hélas n’avions-nous plus ni argent, ni temps pour cela. Nous étions effondré, sur le point de laisser ici les sacs contenant six mois de notre vie. Nous parlâmes pendant quelques minutes car elle semblait vraiment embarrassée pour nous. Ainsi donc nous proposa-t-elle de nous avancer l’argent. Elle nous dit que nous pouvions nous arranger entre nous par la suite, que c’était simplement une histoire de confiance. Sincèrement ne nous y attendions-nous pas ! Nous en avions la larme à l’œil et le sourire aux lèvres ! Un autre problème survint cependant : l’avion avait été déchargé mais personne ne trouvait nos sacs… Elle nous dit que peut-être ils avaient été mis avec ceux des voyageurs sur le tapis de déchargement. Quoi qu’il en fût, elle alla voir mais ne les trouva pas non plus. Nous nous effondrâmes à nouveau, c’était trop beau ! Alors décidâmes-nous de finalement les laisser là en leur demandant de nous envoyer un courriel s’ils arrivaient. Nous nous apprêtions à partir, laissant définitivement la Thaïlande derrière nous quand l’incroyable qui nous fait croire au destin arriva, en la personne d’un conducteur de petits wagons chargés des quelques bagages restés malencontreusement dans la soute, dont les nôtres. Isabelle, la dame de l’accueil, se dépêcha alors de nous faire les papiers de dédouanement, espérant que les douaniers allaient être assez sympa pour nous vite recevoir sans nous fouiller. Les papiers remplis, elle nous dit de monter au premier étage. Là, un douanier les prit, nous lui expliquâmes notre situation d’urgence et il s’apprêtait à nous laisser partir quand l’un de ses collègues arriva pour lui intimer l’ordre de nous fouiller quand même. Nous redescendîmes donc avant lui ouvrir nos sacs. Il fallut déballer tous les paquets, soigneusement protégés par des Bangkok Post et du papier bulle pour ne les pas abîmer lors du transport ; nous étions dégoûté (pour le Bangkok Post) ! Il nous restait moins d’une heure et nous n’hésitâmes donc pas. Le douanier eut la gentillesse de faire au plus vite, sans réellement trop fouiller ; en quinze minutes, c’était torché. Nous retournâmes ensuite au guichet voir Isabelle. Elle nous demanda combien d’argent nous avions sur nous et avança le reste, soit vingt francs. Nous lui enverrons un chèque à l’adresse qu’elle nous laissa une fois de retour mais, très honnêtement, nous lui devons beaucoup plus que cela : nos souvenirs ! Nous plaçâmes nos quarante kilos d’effets sur le chariot de l’aéroport et repartîmes. Nous reprîmes un train pour Cornavin dix minutes plus tard, arrivant à l’heure pour notre TGV. Une fois là-bas, nous passâmes la douane et rejoignîmes les voies 7 et 8 pour la France ; notre TGV était prévu à 13h36 et il était 12h50, nous étions dans les temps. Et bien non, il avait été annulé ! Nous allâmes au guichet.

L’agent CFF . Vous n’avez qu’à monter dans le premier train pour Lyon et voir là-bas, c’est à la SNCF d’assumer, pas à nous !

Nous voilà donc assis sur notre sac d’habits, voie 7, à ruminer (déjà) contre ces abrutis franchouillards bénis par l’histoire mais quand même jamais contents. !


20 juin 2003

Aix-en-Provence (France).

Hier, en fin de compte, ils affichèrent sur les panneaux que le TGV partait de la voie 8. Nous prîmes donc nos effets, repassâmes la douane et la rejoignîmes. Nous arrivâmes à Lyon deux heures plus tard et nous rendîmes de suite à l’accueil pour prendre des nouvelles. Un agent SNCF inscrit sur notre ticket une autorisation pour prendre le prochain TGV vers Marseille et nous montâmes dedans, après avoir acheté des madeleines avec les derniers euros que nous avions gardés comme souvenir avant notre départ pour Bangkok, le 13 janvier. Comme à chaque fois que nous revenons en Provence, notre cœur se réchauffa à la vue de la Sainte-Victoire au loin. En gare de Marseille, nous téléphonâmes à notre mère pour lui dire que nous étions arrivé. Elle nous dit que Virginie, notre sœur, venait nous chercher trente minutes plus tard. Entre temps, il y eut une alerte à la bombe. Sans se presser, les gens habitués sortirent pour rentrer deux minutes après ; rien d’extraordinaire, encore une fausse alerte. C’est vraiment dommage, nous aurions pu conclure cet épisode d’une anecdote sympathique ! Notre neveu et notre nièce vinrent nous sauter dans les bras quand nous les revîmes ; qu’ils nous avaient manqué ! En ce moment, nous sommes chez notre sœur, sur son canapé, nous regardons Koh-Lanta (celui de vendredi dernier). La télévision dénature assurément le concept même d’aventure avec ce programme ; sache-le, Fidèle ! Les petits avaient école aujourd’hui, nous nous levâmes donc à 7h30, les y conduisîmes avec notre sœur et passâmes la matinée à regarder des conneries à la télé ; cela aussi nous avait manqué ! À 14 heures, Virginie nous déposa chez Nanou, à qui nous fîmes un récit de notre voyage au bord de la piscine. Elle nous rejoignît avec les petits vers 17 heures et nous repartîmes tous à 18h30. Ce soir, nous sommes de garde car Virginie est sortie en ville. Nous sommes donc devant la télé, nous regardons à nouveau Koh-Lanta.


21 juin 2003

Aix-en-Provence (France).

Aujourd’hui, c’était la kermesse des petits. Pour Morgane, les parents n’eurent pas le droit d’y assister, Plan Vigipirate oblige ; n’importe quoi, bonjour la psychose ! Guillaume eut la sienne également, à la maternelle. À 15 heures, nous montons dans les Basses-Alpes chez nos parents, au château, pour fêter les 80 ans de notre grand-père.


Épilogue

C’est ici la fin de notre voyage : six mois loin de notre famille, à l’aventure, dans une région que nous ne connaissions pas et dont nous rêvions, que nous apprîmes à apprécier, à aimer. Cela fut une expérience extraordinaire qui valait le coup, même si nous échouâmes à nouveau ici, tel une noix de coco jetée à la mer qui retrouve toujours son îlot, jusqu’à pourrir. Tous les jours ne furent pas faciles mais, très franchement, nous ne souffrîmes pas beaucoup non plus, au contraire. Nous nous enrichîmes considérablement d’une chose que l’on n’apprend pas dans les livres : l’expérience de la vie. Les rencontres que nous fîmes, enfin, ajoutèrent par leur caractère exceptionnel une note d’espérance à la vision négative que nous portons sur le monde. Tout comme elle, nous changeâmes : nous sommes désormais plus confiant, plus ouvert aux autres, plus désabusé aussi mais cela, nous le sommes profondément. Les personnes que nous rencontrâmes furent toutes ou presque bienveillantes à notre égard et nous ne pourrons jamais suffisamment leur signifier notre reconnaissance. Aujourd’hui inaugure une nouvelle aventure. Nous allons devoir nous trouver un boulot ici, y vivre quelque temps, nous construire une petite vie confortable, qui ne durera pas sans doute, mais nécessaire toutefois ; nous devons rembourser notre mère désormais. Nous allons essayer de retourner vivre sur Aix, de nous trouver un appartement. Ceci est une autre histoire !



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