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Tous nos textes, Fidèle, sont déposés à la Société des gens de lettres, Paris. Sois gentil, tu t’en inspires dans la vie si tu veux mais sur papier ou à l’écran, cherche ta muse ailleurs. Bonne lecture !
La Chaise-Dieu (Auvergne, France), 17 août 2008.
Ces dernières semaines, nous avions castré notre esprit critique par respect pour les frères de Saint-Jean que nous accompagnons dans diverses entreprises depuis maintenant onze mois en Auvergne, en Corse ou en Armorique. Réflexion faite, il serait injuste, cher Fidèle qui suces notre verve avec belle perversion, de te cacher nos profondeurs. Ce récit restera anecdotique, à l’image des religions monothéistes dans l’histoire de l’humanité, mais souviens-t’en comme d’un cri de guerre, un cantique en l’honneur d’un dieu minable et déchu car mis à nu, une parodie de gloire, un de ces potentats obséquieux et obèses d’immondices. C’est donc en vérité et sans haine, car il t’appartient de mettre le ton, que nous écrivons. Après ce récit, nous aurons certainement perdu ceux que nous considérions comme des amis mais qui nous déçurent, tellement, par leur comportement parfois lâche, souvent faux et hypocrite. Ce soir fut la goutte de gin qui fit déborder notre cocktail, comme s’il nous fallait accumuler autant de bêtise, prendre sur nous, pour exploser d’un retentissant éclat.
Lorsque nous arrivâmes à La Chaise-Dieu, le 20 septembre 2007, nous ne pensions pas y séjourner aussi longtemps. C’était un bel après-midi. Nous avions passé la nuit dehors à Mayres, sous le col de la Chavade en Ardèche, et voulions rejoindre l’autoroute pour Clermont-Ferrand à Brioude. En chemin, la charmante fille qui nous avait pris en stop au Puy-en-Velay nous dit qu’une communauté monastique vivait à La Chaise-Dieu et nous lui demandâmes de nous y déposer. Sur la place de l’écho, nous trouvâmes le prieuré Sainte-Marie, grande bâtisse où les frères de Saint-Jean avaient établi demeure en 1984 à la demande de l’évêque du Puy. C’est le frère Alain-François qui nous accueillit. Nous lui proposâmes notre aide en cuisine ou au jardin contre une nuit ou deux de repos chez eux. Il accepta et nous fûmes installé à l’hôtellerie. Il nous parla également de l’ouverture prochaine d’une école de vie où des laïcs, en association avec les frères, voulaient enseigner, dans un cadre spirituel, la taille de pierre à des jeunes. Il nous demanda si cela pouvait nous intéresser. Un autre jeune, Thibault, devait même arriver dans la soirée pour vivre cette expérience. En d’autres termes, nous tombions à pic ! Il nous fallait cependant réfléchir ; nous n’étions après tout pas catholique pour un sou et condamnions fermement toute forme de dogme. C’est le frère Jean-Theotokos, membre de Saint-Jean des Quatre Couronnés, ladite association, avec lequel nous nous promenâmes ensuite, bucolique, qui nous expliqua plus en détail. Le foyer devant accueillir l’école de vie n’était pas encore acheté. La maison était connue mais il fallait attendre pour la signature. De plus, de nombreux travaux étaient à prévoir pour son aménagement. Cependant avaient-ils tous bon espoir d’ouvrir trois mois plus tard… De notre côté, nous avions grand besoin de repos après six années de tribulations dans le monde et, autant te l’avouer, en avions marre de marcher. Par dessus-tout, l’occasion était trop belle : nous avions quelque chose à faire là, notre aide à apporter. Nous ne serions, tu t’en doutes, jamais resté autrement. Ainsi acceptâmes-nous sa proposition et fûmes-nous intégré dans ce prieuré.
Au début, tout se passa bien, il est vrai. Nous commençâmes avec Thibault par travailler au jardin puis dans la salle Saint-Jean, vieille pièce décrépie du prieuré, que nous restaurâmes à la chaux non sans une fierté certaine. Nous sympathisâmes naturellement avec les sept frères présents : Michel-Marie, Paul, Nicolas, Jean-Louis-Marie, Jean-Theotokos, Médéric et Alain-François. C’est avec Jean-Louis-Marie que nous trouvâmes le plus d’affinités car il s’occupait activement de l’aumônerie, que son esprit était porté sur la jeunesse et qu’il n’avait que la trentaine. Cependant rien d’autre en lui ne nous intéressait-il. Nous n’aurions jamais dû être si familier avec eux, jamais !
Le 14 octobre, alors que nous revenions d’un après-midi en forêt où nous avions ramassé quelques champignons, le frère Jean-Louis-Marie avait épinglé sur notre porte une longue lettre dans laquelle il nous déclarait son amour. Nous fûmes amusé : un mot doux de la part d’un moine, putain ! Quelle histoire ! Une de plus, certes… Nous pensions pouvoir dans ce lieu dit saint oublier quelque temps notre belle condition d’homo attirant mais nous nous trompions, assurément, et il fallut répondre à ce billet clandestin, dégoulinant d’hypocrisie, avec jésuitique diplomatie. Il décida ensuite de nous couvrir de présents (cigarillos, vêtements, sorties, etc.). Il essaya tout mais nous, imperturbable, concurrencions la plus noble des statues grecques. Il réitéra avec une seconde lettre, plus explicite, moins d’une semaine après, sans considération pour notre sage refus. Nous ne voulions PAS l’aimer ! Il ne nous attirait pas et nous trouvions cela obscène. Nous l’avions pratiquement engueulé un soir, dans un pub d’Ambert, pour son insistance. C’était clair pour nous, lui avait du mal à l’accepter.
Le 31, nous devions descendre dans les Basses-Alpes pour visiter nos parents, puis en Provence pour oliver chez Nanou, aux pieds de la Sainte-Victoire. Nous imaginions qu’une vingtaine de jours calmerait ses ardeurs mais il décida de nous conduire. Chez nos parents, au château, il n’eut aucune chance de nous coincer, heureusement. Il repartit d’ailleurs après le dîner, refusant l’invitation à rester dormir que notre mère lui avait faite. Mais, Fidèle, si les Chrétiens sont carnés, inusables, épuisants enfin, les religieux sont aussi calculateurs. Il revint à la charge le 18 novembre, au Tholonet cette fois-ci, chez Nanou où nous logions pendant les olivades, pour gentiment nous reconduire à La Chaise-Dieu le lendemain. Très bien ! Puisqu’il le voulait, nous lui montrâmes une partie de cette vie qui l’attirait tant. Pour commencer, nous l’emmenâmes dîner du canard et un excellent Gaillac chez Jacquou le Croquant dans le centre-ville aixois. Ensuite (car il suivait, le bougre !), nous lui fîmes découvrir le Med Boy. Imagine, Fidèle, l’effet que fit le frère en robe aux habitués de ce petit bar gay… Pour conclure, même si nous savions que le dimanche la musique y était pourrie, nous suggérâmes le New Cancan, boîte de nuit homosexuelle historique de Marseille. Là toutefois quitta-t-il son habit pour un pantacourt blanc. À 5h15, nous étions de retour chez Nanou. À 17h35, nous dînions chez Monique et Francis, deux paroissiens près de La Chaise-Dieu, comme si de rien n’était. Et, de fait, rien n’était pour nous ! Va donc savoir, Fidèle, quelle conclusion pouvait bien trotter dans la tête de ce religieux impie…
Quelques jours après, Thibault annonçait qu’il ne souhaitait pas continuer l’aventure. Nous, ne redescendîmes dans les Basses-Alpes, en Provence et en Ardèche que pour les fêtes de fin d’année. En janvier, la maison avait été achetée et nous pûmes y commencer les travaux. Ne parlons pas de la désorganisation et des gâchis opérés lors de cette réfection car naturellement serait-ce trop long. Ajoutons seulement que nous nous rendîmes compte cette année qu’il était très facile de gaspiller pour un ordre mendiant qui recevait beaucoup. Souvent eûmes-nous cette réflexion : « Communauté Saint-Jean, benjamine pourrie gâtée de l’Église », mais il en va de même pour tous les ordres en fait, avec plus ou moins d’exagération. Passons, tous prochainement partiront d’eux-mêmes ! Jusque fin mai, nous travaillâmes six heures par jour à la maison des Quatre Couronnés, souvent seul, comme pour la salle Saint-Jean, d’ailleurs. Nous logions et mangions au prieuré mais, tombé par hasard sur une feuille de compte, nous apprîmes que l’association lui remboursait notre train de vie. Elle nous gratifiait également d’une vingtaine d’euros par semaine, nous qui ne demandions rien mais qui fûmes bien heureux, toutefois, de les recevoir. Le 18 mai, nous accompagnâmes les frères Jean-Theotokos et Jean-d’Ephèse dans leur magnifique couvent de Corbara, en Corse. Là, nous aidâmes, une douzaine de jours, à la réfection d’une aile qui avait brûlé des années plus tôt. Nous passâmes un bon moment, il est vrai, mais le méritâmes par notre travail, massacré par le frère Jean-d’Ephèse qui, probablement shooté avec trop de ses antidépresseurs, neuroleptiques ou anxiolytiques (quelle importance à ce stade ?), était incapable de correctement vernir une porte sans la bien tacher. Du 31 mai au 10 juillet, nous les quittâmes pour nous promener entre Écosse, France et Suisse et ne retrouvâmes La Chaise-Dieu que pour assister au spectacle du frère Jean-Louis-Marie. Finalement, le soir de notre arrivée eut lieu la première générale et, n’ayant personne pour s’occuper de la musique, il nous demanda de l’aide. Nous acceptâmes, non par envie mais par devoir. Nous ne lui devions rien, ne te méprends pas, Fidèle, mais dans notre philosophie, ce qui est à faire doit être fait. Nous étions disponible, point. Du point de vue technique, le spectacle étant orchestré uniquement par des amateurs bénévoles, le résultat fut plus que convaincant et l’expérience humaine inoubliable. Nous éviterons donc tout commentaire malvenu sinon celui-ci : spectacle chrétien = spectacle naïf.
Nous avions accepté, de longue date, d’accompagner à partir du 15 le frère Jean-Louis-Marie pendant ses vacances en Armorique. Les deux premiers jours se déroulèrent à merveille mais uniquement grâce à la présence de Simon, un jeune homme rencontré au spectacle que nous devions déposer en chemin à Tours et qui joua, sans le savoir, le rôle de barrière entre le frère et nous-même. Par ailleurs, nous l’appréciions (comme un ami, précisons !) et son esprit taquin, joueur, honnête nous permit l’évasion*. Hélas ne nous suivit-il pas en Armorique et, à partir de là, les choses se compliquèrent-elles. Le frère se dévoila au fil de ce voyage. Pour marquer le coup, il laissa tomber sa robe et ne l’enfila qu’à l’occasion, histoire de parader devant ses confrères et les gens qu’il croyait choquer sans elle. Il se révéla piètre compagnon de voyage, sans organisation aucune, sans désir aucun, d’ailleurs. Enfin, aucun désir ? Non ! Un seul, à notre égard ! À l’abbaye Sainte-Anne-de-Kergonan, nous avions deux chambres séparées. Chez ses amis de Locunolé, à la maison diocésaine de Vannesou à Sainte-Anne-d’Auray, nous avions chacun notre lit. Le soir d’avant la messe du Grand Pardon de Sainte-Anne, il voulut néanmoins dormir à l’hôtel. Nous venions d’être viré de chez ses amis, à juste titre, car il ne vivait pas au même rythme qu’eux ; en partant, sur la route mouillée, alors que nous avions plaisanté toute la semaine sur sa façon déplorable de tenir un volant, cela ne manqua pas et il leur rentra dans le cul, retardant ainsi notre départ pour le constat et tout ce qui en découlait ; bref, la journée avait été longue et il s’oublia quel que peu. Après un bon repas dans une pizzeria, quelques kilomètres avant la cité sanctifiée par la crédulité populaire, nous allâmes avec lui dans une boîte de merde, toute proche : le Transat. L’ambiance ressemblait, Fidèle, à celle de l’hôtel Panorama à Safi(Maroc) : la même musique de débiles, les mêmes soûlards, les mêmes bagarres pour regards de travers. Ce fut une soirée mémorable par son pathétisme, vraiment ! Nous bûmes donc, le frère également, trop. Nous commencions à le sentir fébrile sur ses cannes et forçâmes notre retour à l’hôtel, lui aussi tout proche. Bien qu’il prétendit le contraire, il était bien imbibé tout de même, mais bien lucide aussi. Cependant prîmes-nous le volant (pas folle la guêpe !). Dans la chambre, un grand lit deux places et un canapé. Nous avions le canapé, évidemment. Il était hors de question de partager quoi que ce fût d’intime avec lui. Le frère ne l’entendait pas de la même oreille. Au sortir de notre douche, il suivit notre exemple, en prit une et retourna se coucher. La lumière fut éteinte, nous pensions être enfin tranquille.
Jean-Louis-Marie . Louis, tu dois pas être bien là, sur le canapé. Il y a assez de place dans le lit, tu sais.
Nous, sentant la chose venir . Non, merci ! Je suis très bien ici. Bonne nuit !
Il insista, lourdement.
Jean-Louis-Marie . Louis, viens dormir avec moi. Je t’assure que je suis pas saoule. J’ai envie que tu dormes avec moi !
Nous . Écoute, Jean-Louis-Marie, j’ai été clair déjà, n’est-ce pas ? On ne PEUT PAS être homo et vivre une vie d’homo tout en étant diacre et moine. Je ne VEUX PAS dormir avec toi. Laisse-moi, s’il te plaît, tu m’énerves !
Il insista encore quelquefois malgré nos « Non ! » catégoriques puis, lâche, s’excusa.
Jean-Louis-Marie . Louis, tu gardes ça pour toi, steuplé ? Tu en parles à personne, hein ?
Nous . Parler de quoi… ? Bonne nuit !
Jean-Louis-Marie . Merci. Bonne nuit, Louis !
Car, comble de l’horreur pour nous, il n’assumait rien : des clopes qu’il fumait, de l’alcool qu’il buvait, des plans cul ou cam qu’il se cherchait sur l’Internet, personne évidemment n’était au courant. Pour la majorité, il était le sage, le pieux Jean-Louis-Marie, pas parfait mais en chemin. Pour d’autres encore, deux paroissiens adorables mais trompés, il était le fils adoptif prodigue, le petit protégé. Ceci n’est pas un pamphlet atrabilaire contre ce frère en particulier, dont d’ailleurs nous nous foutons éperdument. Il ne nous sert que d’exemple parmi d’autres. Ceci se veut être en revanche le miroir très exact de ce que sont les catholiques convaincus regroupés dans de telles communautés : de vieux garçons frustrés, faux, hypocrites, prosélytes (même s’ils prétendent le contraire), apocryphes, sectaires et lâches. Il n’est que trop facile d’expliquer la vie quand on s’enferme derrière quatre murailles de pseudo sainteté. Il n’est que trop facile, Messieurs les clercs, de prodiguer votre bonne parole à qui est assez ignorant pour l’entendre sans vous-même l’écouter. Il n’est que trop facile de vous vêtir d’un habit volontairement sobre qui cache une ventripotente médiocrité. Oui, Messieurs les religieux, vous savez de quoi nous parlons ! Combien de conversations sur la sagesse, la philosophie, la vie avons-nous entendues ces onze derniers mois ? Combien vous-mêmes êtes trop prompts à en parler, vous qui plus que les autres devraient fermer votre gueule de prédicateurs foncièrement malhonnêtes et obscures ?
Tu dois te demander, Fidèle, pourquoi nous écrivons ceci cette nuit. Avons-nous été blessé dans notre orgueil ? Non et il nous indiffère au moins autant qu’il nous est égal de plaire. Nous supportons mal en revanche l’hypocrisie, la lâcheté, le manque d’éducation et par ce récit entendons-nous répondre à une grande impolitesse. Nous sommes d’un naturel déférent. Jamais n’avons-nous manqué de respect à qui ne nous avait pas trahi avant. Il n’est de meilleur enseignement que la vérité crûment contée, sache-le ! Si cela ne te plaît pas, c’est qu’au tréfonds de toi, tu caches sans doute misère. Ta sympathie ne suffit pas pour nous être appréciable. Tu dois être également fiable, honnête, indépendant spirituellement et responsable. Par dessus tout, Fidèle, assume-toi avec pleine simplicité.
Tu sais que nous trouvons très peu le sommeil la nuit, ou alors est-il allumé de songes macabres que nous ne savons encore bien contrôler. Nous en avions fait part aux frères dès le début. Ils n’y pouvaient rien, nous n’y pouvions rien mais suivions tout de même le rythme imposé par notre programme accepté sans trop de soucis avec parfois, souvent, des migraines interminables dont une qui, un samedi soir, après perte d’équilibre et vomissements, nous cloua au lit le reste du week-end. C’était ainsi, nous avions fait le choix de rester et l’assumions. À notre retour d’Armorique, le 1er août, nous demandâmes au frère Jean-Theotokos si nous pouvions rester et travailler sur la maison des Quatre Couronnés jusques à son ouverture le 17 septembre. Il n’y vit aucune objection et nous récupérâmes, pour un temps et sans ce programme imposé, une chambre à l’hôtellerie. Nos nuits, nous les passions sur l’Internet à parler avec des amis, corriger nos textes, faire des recherches, raconter des conneries avec des mecs de passage. Nous tuions le temps, nous vainquions la nuit elle-même pour ne nous coucher qu’une fois le soleil levé, entre 6 et 9 heures afin de reprendre la journée à midi, déjeuner avec les frères à 13 heures et bosser à la maison des Quatre Couronnés de 14 à 18 heures, parfois plus tard. Était-ce malhonnête ? Ce rythme nous convenait. Nous siestions trois autres heures de 19 à 22 heures et recommencions. Qui cela pouvait-il objectivement déranger ? De plus, nous mangeons peu ces temps-ci, afin de préparer notre estomac aux prochains mois de vagabondage. À 13 heures, nous touchons à l’entrée, peut-être au dessert (fruit) et sommes inscrit absent aux repas du soir jusques à la fin de notre séjour. Ce n’est donc pas que nous coûtions cher à cette communauté pour qui, rappelons-le au risque de passer pour sénile, nous travaillons bénévolement depuis onze mois. Du bruit ? Nous n’en faisions aucun la nuit. Alors quoi ? Et bien voici : ce soir, le père Michel-Marie, en sa qualité de prieur, et le frère Jean-Theotokos, en sa qualité de… de quoi d’ailleurs ? nous prîmes en sandwich pour nous dire que « certains frères » étaient « psychologiquement perturbés » de savoir que nous passions nos nuits sur l’ordinateur. Ils nous reprochèrent de ne pas suivre le rythme du prieuré. Nous n’étions enfin pas dans un club de vacances, etc, etc, etc. Un club de vacances ? Non ! Un camp de Travail, Famille, Patrie ? Oui ! Tends-leur la main, Fidèle, ils te prendront le bras ! Putain, mais qui cela pouvait-il bien déranger à la fin ? « Certains frères »… et rien de plus comme explication ; lâches ! Nous voulûmes leur demander s’ils avaient besoin de cela pour être perturbés, si ce n’était pas chez eux naturel mais décidâmes de nous taire, mâchant notre dégoût, pire, notre déception. Nous n’aurions jamais espéré recueillir quelque reconnaissance de leur part pour cette année à bosser avec eux mais, tout de même, un peu de considération ! Car le problème est bien là. Nous sommes être incontrôlable, ils n’ont aucune prise sur nous et le savent. Ils ne pourront jamais nous convertir. Nous ne sommes, enfin, pas de leur monde et à plusieurs reprises nous le firent-ils bien sentir, ceux à quoi nous répondions : « C’est là toute la différence entre nous : moi, j’accepte tout le monde ! » Maintenant que la maison va ouvrir, que des bras neufs vont arriver pour aider, que la salle Saint-Jean est presque achevée (si le prieur, avec ses lubies et influences, ne décide pas sur un coup de tête de tout modifier à nouveau, gaspillant ainsi quelques centaines ou milliers d’euros généreusement donnés par de benêts paroissiens), que le site-web de Saint-Jean des Quatre Couronnés, sur lequel nous passâmes une nuit et de nombreuses heures de patience, est en ligne (à ce propos, aucun problème de rythme, n’est-ce pas… ?), maintenant que tout cela est fait, le bon Louis doit plier ou se tirer ? La tolérance n’est décidément pas l’apanage des Chrétiens. Ils tolèrent ce qui est proche d’eux, condamnent le reste, ironisent ou passent dessus. Nous sommes, Fidèle, écœuré !
Parlons désormais de l’humilité, cette sacro-sainte vertu tellement louée par Jésus, et prenons en exemple le père Michel-Marie, prieur, car chez lui est-elle quasiment inexistante. D’une intelligence moyenne, peu expérimenté aux choses de la vie, conférencier légèrement soporifique, le moins que nous puissions écrire et que Michel-Marie a du bagou mais alors de ce bagou inutile et répétitif qu’on laisse couler par politesse. Et nous ne sommes pas le seul à le faire. Tous, oui, TOUS s’y plient par obéissance. Il est marrant de voir également comme il se fout royalement de l’avis des autres et comme il se plaît à le diminuer, lors d’un déjeuner ou en privé. Nous lui apprîmes un soir quelques codes HTML pour mettre en ligne ses conférences de philosophie « pour tous », mais surtout pour lobotomisés. Entends par là, Fidèle, que si tu n’es pas d’accord avec lui, c’est que tu « manques très certainement de maturité ». N’est pas prieur de Saint-Jean qui veut, hein… Il s’agissait de quelques lignes de codes pour dessiner un tableau, changer de paragraphe, configurer une police de caractère en CSS, etc. Il n’y avait rien d’extraordinaire mais cela suffisait pour l’usage qu’il en souhaitait faire. Un soir que nous étions dans la salle informatique, la semaine dernière, il vint exposer fièrement son site au frère Jean-François-Marc monté d’Italie. Ce dernier fut poliment fasciné alors que le site en lui-même se résume à une page blanche, une ligne, un tableau et quelques liens MP3… tout ceci réalisé avec un éditeur HTML car le père ne comprend pas grand-chose à la programmation, en définitive. Le frère Jean-François-Marc lui demanda s’il avait fait cela tout seul. Le père répondit que oui, avant d’ajouter, car nous étions présent sans doute, que Louis lui avait montré comment faire, qu’il était un peu le conseiller informatique du prieuré.
Jean-François-Marc, se retournant vers nous . C’est vrai, Florimon-Louis ? Tu fais de la programmation ?
Nous . Non, frère, je n’irai pas jusque là mais je sais monter un site-web.
Jean-François-Marc, vraiment fasciné, pour le coup . Ah, c’est très bien ça, bravo !
Et le père Michel-Marie, pauvre oublié de l’histoire, de rajouter.
Michel-Marie . Mais en fait il s’avère que c’est très simple, n’est-ce pas, Louis ?
Mais quel connard, ce type ! Un sourire suffit, nous l’aurions autrement baffé ! Comment peut-on être de si mauvaise foi ? Les frères, nous nous en rendîmes compte enfin, détestent être dans l’erreur, eux qui croient vivre dans la Vérité, eux qui se disent investis par l’Esprit Saint… « Fidèle, il n’est plus humble dans cet univers que MOI ! » Tu peux imaginer…
Pauvreté, chasteté, tolérance, humilité… Hypocrisie, intérêt, lâcheté, orgueil, intolérance… la liste est longue !
Nous resterons encore quelques jours ici, à La Chaise-Dieu, afin d’achever ce qui est commencé à la maison des Quatre Couronnés, par devoir envers l’association. Nous pardonnons à celles et ceux qui voient de la perfidie et de l’ingratitude dans ce récit pour n’être que de fieffés imbéciles. Nous pardonnons aux paroissiens, aux membres laïcs de l’association, contre qui rien nous n’avons, car ils ne comprendront pas. Nous les remercions aussi et pensons avoir été un honnête travailleur dans leur futur foyer. Si nous vomissons leur côté catho, nous admirons leur volonté d’aider des jeunes à s’en sortir. Nous pardonnons à Jean-Louis-Marie car il n’est en effet ni le premier ni le dernier à vouloir nous sauter. Nous pardonnons aux membres de la communauté pour n’être que des Hommes et avec certains desquels nous aimions converser. Nous condamnons, cependant, tous les religieux, quels qu’ils soient, pour les raisons susnommées !
Il est temps, Fidèle, de jouer la note de l’esprit. Si tous les Hommes en ont un, il n’est pas fait pour adorer, encore moins un dieu présenté par ce genre d’individus. Fidèle, entends-nous bien ! Nous ne jugeons pas ces Hommes qui pensent comme des cons. Nous ne jugeons que la fonction qu’ils se disent représenter. Hors de question par ailleurs d’en faire des martyrs. Les Hommes DOIVENT comprendre, par eux-mêmes, que sans religion, sans dogme, ils peuvent s’épanouir dans une vie saine car, éminemment pleine d’erreurs, mais sans imposture. Les religieux sont bel et bien des parvenus et, naturellement, c’est toujours en vérité et sans haine, car il t’appartient de mettre le ton, que nous l’écrivons !